Le film suit plusieurs
adolescents, entre drogue, sexe et amour. Un jeune de 18 ans, Dark, se
désespère de l'infidélité de sa copine Mel, qui sort aussi avec Lucifer. Dark
se met à fantasmer sur Montgomery, et sur le couple SM formé par Kriss et Kozy.
Le meilleur ami de Dark, Cowboy, recherche son petit ami Bart, tandis que
Dingbat est amoureuse de Ducky, lui-même amoureux d'Alyssa, qui rêve du motard
Elvis… Des chaînes raciniennes compliquent ainsi l'intrigue du film.
Nowhere vient
conclure la « trilogie de l’apocalypse » de Gregg Araki après Totally F***ed Up (1993) et The Doom
Generation (1995). Entre élans trash, violence, confusion sexuelle et
esthétique tapageuse, Araki offrait une vision très intime et personnelle des
émois adolescent revisités au vitriol de la Génération X. Nowhere vient donc achever le cycle en apothéose.
L.A. is like nowhere,
everybody who lives here is lost.
Cette phrase en voix-off du héros Dark (James Duval)
accompagne une ouverture fantasmatique où le héros se caresse sous la douche.
Dans sa rêverie érotique s’entrecroise amour hétéro avec sa meilleure amie Mel
(Rachel True) avec laquelle il entretient une relation ambiguë, homo avec
l’androgyne Montgomery (Nathan Bexton) et même SM avec deux jeunes filles le
maintenant ligoté. Cette entrée en matière témoigne de la confusion qui anime
l’ensemble des personnages et que Gregg Araki attribue autant à l’inconstance
de l’adolescence que de la facticité inhérente à la ville de Los Angeles. Le
mal-être doit donc se dissimuler sous une posture superficielle consciente (Mel
fuyant l’amour de Dark dans un hédonisme sexuel forcé), dans l’oubli charnel
frénétique ou encore l’oubli des drogues. Les décors stylisés, le montage
agressif et les couleurs flashy servent ainsi à forcer le trait jusqu’au
cauchemar de ce cadre californien ensoleillé.
Gregg Araki place cette idée à la
fois dans son casting constitué de starlettes adolescentes montantes (Rachel
True vue dans Dangereuse Alliance
(1996), Christina Applegate héroïne de la série Mariés, deux enfants, Rose McGowan vue dans Scream (1996), Shannen Doherty jouant dans Beverly Hills) vues sous un jour plus provoquant que leurs
productions lisses habituelles mais aussi dans l’intrigue avec Jaason Simmons
quasi dans son propre rôle de vedette d’Alerte
à Malibu mais qui va montrer un visage des plus monstrueux. Un parfum de
fin du monde plane donc sur cette journée qui va frapper chacun des personnages
de plein fouet, la dépravation ambiante soufflant constamment le chaud (un
orgasme collectif en montage alterné intense dont saura se souvenir Charlie
Lyne dans les collages de son documentaire Beyond Clueless (2015) et le froid avec une frénésie sexuelle d’où semble absents
toute forme de sentiments ou même simple plaisir.
Le but n’est pas de
s’abandonner aux sens, mais au contraire de se désensibiliser par cette
activité intense. Cette volonté de se perdre nourrit ainsi les idées
suicidaires de Bart (Jeremy Jordan) musicien gay dépressif et donc de Mel,
fuyant toute affection trop marquée pour un papillonnage vain qu’elle ne
savoure même pas. Le Nowhere du titre
exprime ainsi le no man’s land existentiel et bariolé des héros, perdus entre
l’enfance viciée (cette partie de cache-cache sous ecstasy) et un âge adulte impossible
à atteindre – voire les savoureux items d’Armageddon des matières étudiées à la
fac, même sur les études symboles d’avenir pèse une chape de plomb.
Le personnage le plus sincère et lucide sera aussi le plus
mélancolique avec Dark. En quête d’amour véritable, il distingue ainsi la
monstruosité réelle du monde qui l’entoure par ces visions hallucinées
d’extraterrestres côtoyant et décimant ses camarades. Les figures parentales
sont déconnectées, hystériques ou absente et prolongent ce profond sentiment de
solitude, magnifiquement exprimée par le charisme de James Duval, fil rouge de
cette trilogie de l’Apocalypse. Gregg Araki ménage néanmoins quelques moments
de candeur (le couple juvénile entre Zero (Joshua Gibran Mayweather) et Zoe
(Mena Suvari)) mais constamment interrompus par le drame (l’atroce sort de Egg
scellant l’amorce de romance entre Dingbat et Duck (Scott Caan)).
Le final sert
magistralement le propos par une scène d’amour où Araki daigne enfin ralentir,
scruter les regards tendres, caresser de sa caméra les corps nus masculin et
amener une poésie sincère au chaos ambiant. Mais c’est chose impossible le
nihilisme est poussé jusqu’à l’absurde kafkaïen dans une conclusion aussi
géniale que tragique. L’atmosphère aussi punk que flottante doit également
beaucoup à une bande-son assez mémorable où la fine fleur du rock indé 90’s
(Slowdive, Radiohead, Elastica, Suede) a fière allure.
Sorti en dvd zone 2 français chez Lumière
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