Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 15 mai 2017

Le Soldat Laforêt - Guy Chavagnac (1974)

Juin 1940. Le jeune soldat Laforêt perd malencontreusement son régiment au détour d’une route. Il tente de retrouver ses camarades, en vain. Il se met alors à errer à travers les paysages de l’Aveyron. Son vagabondage l’amène à croiser toute une galerie de personnages singuliers…

Unique film de Guy Chavagnac, Le Soldat Laforêt est une belle curiosité imprégnée de son époque. Ancien assistant de Jean Renoir, Guy Chavagnac fonde en 1970 la société de production Unité 3 avec Paul Vecchiali et Liliane de Kermadec. De cette structure destinée à lancer des projets plus libres sortiront donc L'Étrangleur de Paul Vecchiali (1972), Le Soldat Laforêt, Home Sweet Home (1972) et Aloïse (1975) de Liliane de Kermadec ainsi que Jeanne Dielman, 23, quai du commerce, 1080 Bruxelles de Chantal Akerman (1975). Les premières années seront difficiles puisque L'Étrangleur et Le Soldat Laforêt ne sortiront en salle que respectivement 2 et 4 ans après la création de Unité 3, mal distribués et passant un peu inaperçus. Un destin assez injuste notamment pour le film de Guy Chavagnac.

Le réalisateur paie formellement son tribut au mentor Jean Renoir (nous ne sommes d'ailleurs pas si loin des soldats sans but du Caporal épinglé (1962) tout en inscrivant le film dans l'idéologie pacifiste des 70's. Le scénario se déleste pourtant de tout message politique puisque ce n'est pas la désertion mais plutôt son penchant à la rêverie qui sépare Laforêt (Roger Van Hool) de son régiment dans la campagne de l'Aveyron. Après de vaines tentatives pour le retrouver, Laforêt va alors s'abandonner à la flânerie (avec ce moment symbolique où il troque son casque de soldat pour un chapeau de promeneur pris sur un épouvantail), se perdre et faire de singulières rencontres. Le contexte de la débâcle de Juin 1940 où les familles avaient fuient leurs domiciles dans la précipitation participent à l'atmosphère étrange où notre héros traverse des villages désertiques, séjourne dans des maisons, églises et châteaux abandonnés. Dès lors chaque rencontre est le reflet de cette ère agitée et la manière dont chacun l'accepte. Laforêt croise ainsi la route d'un adjudant (Bernard Haller) vivant nettement moins bien la perte de son régiment et ayant sombré dans la paranoïa et la folie douce.

L'émotion gagne avec cette touchante entrevue avec cet homme (Jacques Rispal) mortifié par la solitude dans sa ferme, vivant dans le souvenir de sa femme qui l'a quitté. Pourtant pas plus que cette épouse disparue que l'arrivée imminente des allemands ne sauraient lui faire quitter ces lieux auxquels il est temps attaché. C'est d'ailleurs là que réside la plus belle réussite du film, les cadrages majestueux de Guy Cavagnac et la photo aux teintes automnales/sépia de Georges Strouvé donnant des allures de tableaux impressionniste à chaque image. Les rayons du soleil traversent la pinède des forêts avec poésie et nuances et les grands espaces ruraux s'offrent de façon absolument grandiose dans les plans d'ensemble où se perd la silhouette de Laforêt. Cavagnac réussit même le temps d'une scène le mariage parfait entre l'inspiration picturale, cinématographique (on pense au Déjeuner sur l'herbe de Manet tout comme au film de Renoir) et l'idéologie hippie du film quand Laforêt va croiser des jeunes filles se prélassant nues et jouant de la guitare pour leurs hommes en pleine nature.

Aucune continuité narrative ni dramatisation concrète ne vient perturber le rythme d'un récit fonctionnant sur le bonheur de l'instant, furtif et éphémère. Dès que les choses pourraient prendre une tournure plus grave, une ellipse ou un rire viendra désamorcer la possible tension. Tout doit servir ce charme du moment, à l'image du triangle amoureux (avec Francisco Rabal et une délicieuse Catherine Rouvel) où la rivalité s'estompe vite. Dès que l'instinct de possession et d'exclusivité propre au monde réel ressurgit, il sera temps de voguer vers d'autres horizons. Le contexte historique semblerait presque s'oublier dans cette ballade célébrant l'innocence et l'imagerie pastorale mais se rappelle à notre souvenir dans un final abrupt. La gravité se dessinant sur le visage si constamment insouciant de Laforêt jusque-là suffira à comprendre que le rêve est fini et que la réalité reprend ses droits.

Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta 

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