Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 19 mai 2017

Melody - Wari Hussein (1971)



Daniel Lattimer (Mark Lester) se lie d'amitié avec Ornshaw (Jack Wild), un garçon perturbateur. Un jour, Daniel tombe amoureux de Melody Perkins (Tracy Hide) et ils annoncent à leurs parents leur intention de se marier, non pas à l'avenir, mais dès maintenant. Cependant, les adultes, les parents comme les professeurs, ne les prennent pas au sérieux. Ornshaw non plus car il pense que Melody lui vole son ami. Plus tard cependant, Ornshaw et leurs autres camarades aident le jeune couple.

Melody est un des films les plus charmant évoquant le monde de l'enfance et une merveille injustement méconnue du cinéma britannique. On retient surtout le film pour être le premier script pour le cinéma d'Alan Parker (affirmant son intérêt pour ce monde de l'enfance avant son Bugsy Malone (1976) en culotte courte. Le film dépeint plus précisément l'ère de la préadolescence, ce moment coincé entre la candeur de l'enfance et les premiers émois amoureux maladroits, les premières manifestations d'une affirmation de soi. C'est le sentiment que vivent Daniel (Mark Lester) et Ornshaw (Jack Wilde) deux jeunes écoliers aux antipodes l'un de l'autre. La scène d'ouverture dévoile en partie le propos en introduisant nos deux héros embrigadé bien malgré eux dans la fanfare locale. Lors du minutieux examen des uniformes, Orsnshaw débraillé et désinvolte raille l'adulte tandis que le plus introverti Daniel est tiré à quatre épingle tout en avouant ne pas saisir sa présence là. Le caractère franc et innocent de Daniel fonctionne ainsi en complément de celui renfrogné d’Orsnshaw.

Wari Hussein s'attarde longuement sur leur amitié naissante, scrutant leur différence de classe et un quotidien où pour chacun s'exprime la faillite des adultes. Entre un père immature et une mère snob, Daniel est comme invisible, suscitant l'indifférence (une scène de dîner entre amis au montage remarquable où la boucle de plan répétitif est brisée par une bêtise de Daniel, seul moyen d'attirer l'attention) où le repli lâche (l'absence de réaction de sa mère quand il s'exerce au dessin avec des revues de charmes). Cette invisibilité répond à celle des parents d’Orsnshaw que l'on ne verra jamais et qui semble totalement livré à lui-même. L'espace de l'école catholique qu'ils fréquentent reflètera cette idée avec des professeurs assénant dogmes et châtiment corporels sans passion ni explications (Orsnshaw rabroué par un professeur de latin rigide).

En contrepoint nous aurons donc ce monde de l'enfance, merveilleusement capturé dans l'espace de l'école avec la caméra de Wari Hussein accompagnant entre documentaire et pure poésie les pérégrinations diverses. Salle de classe agitées, self bondés, récréations où chacun vaque à des occupations diverses, tout cela est scrutés avec grâce et réalisme et s'étend avec plus de libertés à la sortie de l'école où Daniel et Ornshaw se baladent à Londres. Le réalisateur dresse une vraie imagerie bigarrée de la ville, sa population métissée, ses quartiers nantis et ceux plus difficiles, les terrains vagues constituant autant d'espace de jeu pour nos deux héros et leur bande.

Peu à peu cet univers se trouve contaminé par une préoccupation toute nouvelle : les filles. Celles-ci constituent d'abord un objet qu'on ignore, puis qu'on observe de loin (les garçons lorgnant une leçon de danse) et enfin duquel on tombe amoureux lorsque Daniel sera sous le charme de Melody (Tracy Hide). Approfondissant moins l'univers des fillettes, le scénario ne s'en montre pas moins juste tant dans leur maturité précoce (ça se préoccupe des garçons et s'entraîne déjà à s'embrasser) que par une faillite des parents s'exprimant de façon fort différente. Le père joué par Roy Kinnear sera plus causant avec Daniel que sa propre fille en bonne promiscuité masculine attendue, et à l'absence des parents des personnages de garçons répond l'omniprésence de la mère et grand-mère de Melody (notamment dans une hilarante scène où une explication trop vague de Melody leur laisse croire qu'elle a croisée la route d'un pervers).

Dès lors ce cadre de l'enfance savamment dépeint devient aussi celui d'une séduction maladroite de Daniel, Waris Hussein excellent à illustrer l'entre-deux des mondes des garçons bruyant et puérils (vers lequel est irrémédiablement retenu Daniel par le tapageur Ornshaw) et celui des filles dont il tente de se rapprocher non sans mal. Tout cela est narré en situation, dans un va et vient entre l'intime et le collectif les vrais sentiments se révèlent furtivement sous posture adoptée face aux camarades. Le charisme et le naturel du trio de héros est pour beaucoup dans le charme de l'ensemble, Tracy Hide (enfant mannequin dont c'est le premier rôle) imposant une présence lumineuse, tandis que Mark Lester et Jack Wild (tous deux plus expérimentés et déjà réunis dans Oliver! de Carol Reed (1968)) se complètent parfaitement entre silencieux rêveur et Gavroche tapageur.

Tous s'estompe et plus rien n'existe que l'autre dans la dernière partie où s'épanouit enfin l'histoire d'amour. L'espace se restreint et tout ce qui concerne le monde extérieur à la romance s'avère oppressant : les railleries des camarades, les cours qui les obligent à se séparer, les adultes incrédules face à cet attachement. Là encore pas de dialogues superflus, le charme du couple juvénile, la mise en scène ample de Waris Hussein et la superbe photo de Peter Suschitzky suffisent à façonner un écrin chatoyant et intime aux personnages (la superbe scène du cimetière sous la pluie). L'autre atout majeur repose sur la magnifique bande-originale des Bee Gees dont les chansons (In the Morning, Melody Fair, Give Your Best, To Love Somebody, First of May) se substituent aux dialogues, amènent un lyrisme, une consistance et finalement une vérité qui ne fera jamais prendre cette romance à la légère - même quand il sera le plus sérieusement du monde question de mariage.

Un élan de rébellion fort ludique fait le triomphe de l'utopie enfantine et amoureuse dans une magnifique conclusion, la dernière image éloignant Daniel et Melody de toutes les entraves du monde des adultes. Le film sera hélas un échec en Angleterre et aux Etats-Unis mais fera un triomphe au Japon où Tracy Hide deviendra une véritable icône (une production japonaise autour d'elle failli se faire dans les 70's et les japonais iront la traquer en Angleterre dans les 90's pour un reportage alors qu'elle est retirée du métier). Mais surtout c'est une des œuvres de chevet d'un certain Wes Anderson qui y puisera une inspiration évidente pour son fabuleux Moonrise Kingdom (2012).

Sorti en bluray et dvd zone 2  anglais chez StudioCanal



Making of d'époque

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