Pietro Breccia est un
homme qui a décidé depuis longtemps d'abandonner la civilisation en devenant
ermite en laissant derrière lui l'usure de la vie moderne, le consumérisme
immodéré et toutes les futilités de la civilisation de consommation elle-même.
Depuis des années, il vit dans la solitude sur le mont Soratte, aux environs de
Rome. Un jour, il est débusqué par une équipe de télévision qui, flairant le
scoop, décide de faire un documentaire sur le curieux ermitage de cet homme. À
partir de ce moment, Breccia en a fini avec sa tranquillité. Malgré lui, il se
retrouve étouffé par la société en raison de sa notoriété soudaine et du fait
qu'il a dévoilé son identité passée, ce qui l'a contraint à descendre de sa
montagne pour répondre devant la justice du non-paiement des taxes pendant ses
années de vie d'ermite.
Les tentations, la lobotomisation et l’abêtissement inhérent
à la vie moderne et plus précisément des grandes villes constituent un thème
courant en filigrane au sein de la filmographie de Dino Risi. Cela donnera une
des séquences les plus extraordinaires de son œuvre avec le final de Au nom du peuple italien (1972) et ses
tifosis dégénérés un jour de match, mais d’autres films plus méconnus en
traite. Boulevard de l'espérance
(1953) évoque ainsi les dépeints ainsi les désillusions d’aspirants acteurs
ayant émigrés à Rome, L’Inassouvie
(1960) traite de l’avilissement sexuel d’une jeune femme par ambition et en
plus trivial un sketch de Les Monstres
montre l’incivilité ordinaire et hilarante entre piétons et automobiliste.
Le Prophète est au départ un projet
supposé réitérer le succès de L’Homme à la Ferrari (1967), précédent film de Risi qui réunissait déjà le couple
Vittorio Gassman/Ann-Margret. Le sujet avait beau être différent on trouve
néanmoins une continuité entre L’homme à
la Ferrari et Le Prophète. Vittorio
Gassman incarne dans les deux cas un être engoncé dans une rigueur
traditionnaliste pour L’Homme à la
Ferrari, sauvage et rousseauiste dans Le
Prophète et Risi tout en poussant cette image à la caricature comique la
confronte également aux contradictions qu’éveillera le désir symbolisé à chaque
fois par les charmes d’Ann-Margret.
Pietro Breccia (Vittorio Gassman) est un homme ayant décidé
de fuir la civilisation en vivant en ermite sur une montagne. Un hilarant
flashback nous dresse ainsi les maux urbains qui l’ont conduit à cet
exil : pollution, fièvre consumériste, emploi abrutissant, quotidien morne
et stress permanent dont le clou sera une scène d’embouteillage justifiant la
fuite. Cette civilisation le rattrape pourtant après un reportage télévisé qui
le rappelle au bon souvenir de l’administration italienne. De retour à Rome Pietro
observe donc désormais du haut de sa sagesse bourrue la vaine agitation moderne,
cette vie janséniste en ayant fait un quasi surhomme. Dino Risi s’en amuse dans
sa mise en scène, la stature et l’autorité naturelle semblant s’imposer à tous
ses interlocuteurs voir la ville elle-même à travers ces plongées où il domine
littéralement l’architecture de la ville. La vision des mouvements hippies,
vide de sens et de pensées si ce n’est un hédonisme vain, ne trouve guère plus
de grâce aux yeux de Pietro et donnera lieu à quelques confrontations haute en
couleurs. La démonstration a beau manquer de subtilité, la première partie du
film s’avère donc vraiment drôle et trépidante.
L’abstinence fait également partie de la rigueur à laquelle
se soumet Pietro, constamment défiée par la jeune et espiègle Maggie
(Ann-Margret). Tant que Pietro sera indifférent à ses avances, il restera
également hermétique à toutes les tentations, des anciennes comme des nouvelles
amenées par sa soudaine notoriété. Sans forcément faire preuve de moralisme
(l’intervention de Pietro sur le mariage des prêtres) Risi voit dans cette
abstinence l’ultime renoncement à l’égo, le désir physique dépassant la simple
notion de plaisir pour exprimer un certain narcissisme, une fausseté dans les
rapports modernes. Pietro ne semble ainsi qu’être un défi insurmontable pour
Maggie, et ce n’est précisément qu’après lui avoir cédé que notre héros succombe
à toutes les failles extérieures. La solitude et l’austérité auront effacé
cette conscience du regard de l’autre pour un détachement apaisé. Dès que
Pietro perdra cette « innocence », tous les besoins futiles
reprendront leur droit.
Maggie l’aimait
sauvage et inaccessible, mais peut l’abandonner une fois l’avoir
découvert aussi faible que les autres. L’amour n’est qu’un prétexte à cet
instinct de possession où Pietro cède vainement à l’épate capitaliste et en
devient l’objet publicitaire. Le propos est donc intéressant mais sans doute un
peu schématique même si l’épatante prestation de Vittorio Gassman rattrape cet
écueil. C’est surtout au regard d’autres œuvres de Risi conjuguant propos corrosif
et vrai finesse que le bât blesse dans Le
Prophète mais le film, encore plus inscrit dans son époque que L’Homme à la Ferrari sera un immense
succès commercial. Risi, Ettore Scola et Vittorio Gassman s’en montreront
néanmoins fort déçus à cause de ces quelques facilités. Cette insatisfaction
amènera un hiatus de trois ans entre Gassman et Risi qui se retrouveront pour
de nouveaux sommets : Au nom du
peuple italien (1971), Parfum de femme ((1975) ou encore Ames perdues
(1977).
Sorti en dvd zone 2 français chez ESC
Extrait
très pertinent - Bravo !
RépondreSupprimerMerci à vous !
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