Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 10 mai 2017

The Brothers - David MacDonald (1947)

Conflits claniques ancestraux, triangle amoureux fraternels sur fond de grands espaces, The Brothers se pose comme une sorte de variante anglaise du légendaire Duel au soleil de King Vidor (1946). Le film adapte le roman éponyme de L.A.G. Strong (qui participe au scénario) paru en 1932 dans une intrigue déchaînant les passions dans le cadre tumultueux des îles Hébrides. C'est là qu'est envoyée la jeune orpheline Mary (Patricia Roc) comme servante auprès du patriarche Hector Macrae et de ses deux fils John (Duncan Macrae) et Fergus (Maxwell Reed). La jeune femme va se confronter au tempérament austère de ses hôtes et aux mœurs locales, ces contrées sauvages reflétant l'expression des désirs secrets de chacun. Le taciturne et réfléchi John a du mal à contenir son désir pour une Mary qui n'a d'yeux que pour le plus torturé Fergus, tandis que Willie McFarish fils de la famille rivale n'est pas indifférent non plus à la nouvelle venue. David MacDonald navigue entre le pittoresque et la vision documentaire dans sa vision, le charme alternant constamment avec la brutalité. Les grands espaces dissimulent ainsi une mentalité étriquée, machiste et religieuse où la femme est un être à étouffer où s'approprier par la force comme en fera les frais Mary.

Le réalisateur offre ainsi le visage le plus violent de ce monde pour dénouer un conflit (l'assassinat barbare d'un traître), mais aussi le plus ritualisé avec ce duel des familles Macrae/McFarish se réglant à la fois par l'éloquence (les deux patriarches rivalisant de malédictions mutuelles invectivées) et la force physique avec une épreuve d'endurance à la rame. La sensualité de Patricia Roc offre un contrepoint qui donne son aura lumineuse à ce cet environnement rude et arriéré (la superbe scène de baignade nue où elle est épiée) et c'est finalement la manifestation contrastée du désir qu'elle attise qui servira de révélateur. Fergus masque sa passion ardente sous le détachement, John affiche des airs d'aîné responsable alors qu'il brûle d'un même feu cette masculinité malmenée par l'amour les conduira à l'impasse.

L'allure frêle mais animé d'une certitude claire de ses amours et de ses rejets, Mary perturbe la fratrie en la forçant à se révéler et se montrer faible. Là encore visuellement David MacDonald sait mettre en valeur ces contradictions, donnant dans la pure stylisation (les ombres des amants se rapprochant en pleine aurore boréale) où l'animalité la plus prononcée (une tentative de viol éprouvante, Mary "corrigée" pour sa supposée luxure) que ce soit dans l'utilisation du cadre naturel ou des décors studios. Les gros plans saisissants capturent l'intelligence s'estompant sous la furie du désir dans le visage de John, tandis qu’ils saisissent le visage éteint et le caractère fuyant, faible de Fergus. Les actes les plus abominables auront toujours lieu en pleine mer et dans la brume, lieu symbolique où ils peuvent masquer leur faiblesse aux yeux du monde.

Les cadrages de David MacDonald et la belle photo de Stephen Dade offrent des vues somptueuses de ces côtes rugueuses (déjà si magnifiquement filmées par Michael Powell dans A l'Angle du monde (1937) et Je sais où je vais (1946)), dont la beauté peut se révéler dans tout son éclat ou être superbement introduite (ce travelling derrière les spectateurs de l'épreuve de barque). Le romanesque alterne constamment avec un côté plus frustre et sauvage qui illustre les conflits intérieurs des figures masculines, amorçant une conclusion particulièrement âpre et inattendue. Patricia Roc illumine le film et transporte avec elle le stupre de ses rôles Gainsborough dans une veine plus réaliste qu'on doit au producteur Sidney Box (qui ramènera justement Gainsborough à ce côté terre à terre quand il prendra en main le studio). Prenant, charnel et sauvage, une belle réussite méconnue.

Sorti en dvd zone 2 anglais et sans sous-titres chez Park Circus 

Extrait


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