Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

Pages

dimanche 6 août 2023

Le Grand Duel - Il grande duello, Giancarlo Santi (1972)


 Philip Wermeer est accusé d'avoir tué Saxon, le patriarche d'un clan puissant de Tucson. Il est poursuivi par les trois fils de Saxon, qui n'hésitent pas à envoyer des tueurs à sa recherche. Alors qu'il est en danger, surgit Clayton, un shérif mystérieusement déchu, qui vient lui prêter main-forte. Ses raisons restent obscures mais celui-ci semble vouloir le contraindre à subir un procès en bonne et due forme face au clan Saxon, en même temps qu'il semble être le seul à connaître la vérité sur le meurtre de l'ex-tyran.

Le Grand duel est un western spaghetti qui se situe au moment où s’amorce le déclin du genre, ne sachant plus trop où aller entre les parodies façon Trinita et les resucées de Sergio Leone. Le Grand duel essaie justement de se montrer plus original et atypique, sans verser dans la dérive rigolarde ou les schémas éculés. Le film marque les débuts à la réalisation de Giancarlo Santi, qui fut justement assistant-réalisateur pour Sergio Leone sur Le Bon, la Brute et le Truand (1966) et Il était une fois dans l'Ouest (1968). Leone l’avait d’ailleurs adoubé, et souhaitait lui confier la réalisation d’Il était une fois la Révolution (1971) qu’il devait seulement produire. Malheureusement, la production ainsi que les stars du film James Coburn et Rod Steiger s’y opposèrent et Leone dut s’atteler au film, Santi ne s’occupant plus que de la seconde équipe. Hormis cette collaboration avec Leone, Santi fut également assistant-réalisateur pour Marco Ferreri (Le Lit conjugal (1963), Le Mari de la femme à barbe (1964) et Marcia nuziale (1966)) ou Luigi Comencini sur Casanova, un adolescent à Venise (1969). Toutes ces influences se ressentent dans Le Grand duel dont Giancarlo Santi cherche par ses choix à vraiment sortir des sentiers battus du western italien.

La culture et le contexte politique de l’époque imprègnent notamment Le Grand duel de façon marquée. Si le visage aquilin ainsi que la présence taciturne de Lee Van Cleef constitue un point de repère attendu (et ce dès sa mémorable première apparition), son allié de fortune joué par Alberto Dentice arbore une allure capillaire et vestimentaire qui évoque davantage un hippie échappé de Hair qu’un personnage de western. La première partie du film enchaîne les situations classiques sur le papier mais traitée de manière décalée dans leur esthétique (les acrobaties de Philip Wermeer (Alberto Dentice) pour échapper à ses poursuivants) que leur finalité, tel le groupe de chasseur de primes aux trousses de Wermeer qui finissent par s’entretuer. Nous laissant longtemps dans le flou quant à ses enjeux, le scénario déroule aussi un argument classique de vengeant mais au traitement tout aussi surprenant. Les vengeurs, vengés et assassins se confondent autour du mystère d’un meurtre que Santi filme dans un flashback en noir et blanc qui se répète pour à chaque fois un peu plus laisser deviner le coupable mais aussi planer le mystère. Cette approche évoque à la fois le récit paranoïaque et le surréalisme du Blow-Up de Michelangelo Antonioni (1966), tout en lorgnant sur le film noir.

On est agréablement dérouté, d’autant que la caractérisation de la fratrie Saxon, les grands méchants du film, est à l’avenant. Ils évoquent par leur allure, leur préciosité et tares physiques (le cadet à la peau rongé par la syphilis) une sorte de famille Borgia (ou… Kennedy après le patriarche disparu et tout aussi peu recommandable) transposé dans l’Ouest, prête à toutes les bassesses pour mettre la main sur une précieuse mine d’or. Les séquences étranges les concernant sont légion, comme ce plaisir presque orgasmique ressent par l’un d’entre eux lorsqu’il commet un meurtre, ou ce massacre de masse avec ce visage crispé de plaisir hystérique. Tant que le film en reste à cette bizarrerie, il capte l’attention, tant l’on ne semble jamais savoir ce que nous réserve la séquence suivante. 

Malheureusement ce qui faisait le plaisir de cette singularité finit peur à peu par constituer un défaut quand le récit se laisse rattraper par la normalité. Pas vraiment de surprise quant au coupable du crime, la caractérisation sommaire de certains personnages secondaires finit par faire tache (la fiancée du frère Saxon qui finit dans les bras de Wermeer sans qu’ils aient eu de réelle interaction) et Santi n’arrive pas à poser son empreinte sur les passages obligés du western spaghetti. Le duel final à un contre trois use d’un pur dispositif à la Sergio Leone sans l’égaler, le transcender ou faire un pas de côté baroque façon Sergio Corbucci, c’est juste du déjà-vu la flamboyance en moins (alors que le fameux flashback en noir et blanc aurait dû faire décoller tout cela) où même le superbe thème de Luis Bacalov (recyclé par Quentin Tarantino dans son Kill Bill Volume 1 (2003) s’avère répétitif. Une petite déception en définitive, tant les promesses d’originalité n’aboutissent pas complètement au final. 

Sorti en bluray français chez Elephant Films

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire