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mercredi 12 juin 2024

Sing a bit of Harmony - Ai no utagoe o kikasete, Yasuhiro Yoshiura (2021)


 La belle et mystérieuse Shion est transférée au lycée Keibu où elle devient rapidement populaire grâce à sa personnalité chaleureuse. Cependant, elle s'avère être une IA (Intelligence Artificielle) en phase secrète de test ! Sa mission est de rendre heureuse Satomi, une solitaire endurcie. Mais lorsque ses camarades de classe découvrent ce qu'elle est, dissimuler sa vraie nature les plongera dans un sacré méli-mélo…

De Terminator (1984) à Matrix (1999) ainsi que quelques autres, un grand pan de la science-fiction aura entretenu une peur quant à la prise de pouvoir des robots et de l’intelligence artificielle sur l’humanité. Cette angoisse passait par l’abstraction ou la monstruosité de l’incarnation visuelle de cette intelligence artificielle pour en figurer un négatif malfaisant des humains, et le penchant bienveillant inverse reposait parfois trop sur un mimétisme, un « anthropomorphisme » de l’allure et sentiments humains. Les suites Matrix Reloaded (2003) et Matrix Revolutions (2003) avaient commencées à amorcer une tendance différente, renforcée par quelques belles réussites de SF récentes comme le film d’animation Mars Express de Jérémie Perrin (2023), The Creator de Gareth Edwards (2023) ou le superbement intimiste After Yang de Kogonoda (2022). Dans ces œuvres, les intelligences artificielles étaient des êtres vivants à par entière, pourvu d’une logique et problématiques propres, sans forcément constituer une menace froide ou une copie de l’humanité. C’était jusqu’à présent un vertige que seul le Ghost in the Shell de Mamoru Oshii (1995) avait su approcher dans tout son mystère et sa complexité. 

Sing a bit of Harmony s’inscrit dans ce courant, son réalisateur et scénariste Yasuhiro Yoshiura étant d’ailleurs un grand admirateur d’Oshii. Plutôt qu’aux univers froids et hermétique de ce dernier, Yoshiura va privilégier le cadre balisé du slice of life lycéen. Une multinationale décide en effet d’envoyer Shion, une intelligence très avancée, dans un lycée où elle se fera passer pour une élève. Très vite Shion s’attache à Satomi, une autre élève qui aura tôt fait de démasquer sa nature, car elle n’est autre que la fille de son inventrice. Shion n’a ni la raideur de la machine qui la ferait remarquer, ni l’instinct caméléon qui la fondrait dans la masse, mais s’avère au contraire une boule d’énergie à la bonne humeur contagieuse. Elle semble étrangement déjà connaître Satomi et cherche constamment à raviver la joie de vivre de l’adolescente maussade, ostracisée dans son lycée. Ses tentatives maladroites vont réunir un cercle d’amis et confidents autour de Satomi, lui faisant découvrir les joies de l’amitié et peut-être de l’amour.

On avait pu l’apprécier dans Patéma et le monde inversé (2013), une de ses œuvres précédentes, Yasuhiro Yoshiura est très bon pour allier un « high-concept » avec une intrigue chaleureuse, un certain sentiment de proximité. Le refoulé et la gaucherie des adolescents est ainsi constamment bousculé par la spontanéité de Shion qui explicite tout ce qu’ils n’osent exprimer par des envolées de chant décomplexé. Cet élément incongru que l’on pourrait voir comme un prétexte à produits dérivés (même si l’on ne doute pas que les chansons du film furent commercialisées) trouve pourtant une justification parfaitement cohérente avec les thèmes et intrigues du film. Alors que l’empathie euphorique de Shion semble découler d’un programme, on comprendra que son expression maladroite découle de la méconnaissance de la retenue des rapports humain ordinaire. L’affection qu’elle exprime n’est certainement pas un calcul d’algorithme mais davantage le fruit d’une proximité insoupçonnée remontant plus loin que ces quelques jours au lycée. Lorsque viendra l’heure des révélations, la construction habile du récit ayant semé plusieurs indices rend les ultimes rebondissements limpides.

Yasuhiro Toshiura utilise un style d’animation 3D selon la technique du cel-shading, c’est-à-dire ayant le rendu d’une animation 2D traditionnelle. Hormis un aspect trop voyant sur certains éléments comme les voitures, l’expressivité des personnages est superbement capturée, la réalité de ces environnements où coexistent humains et machines est très recherchée et crédible dans les designs des bâtiments, les aspérités des décors. C’est cependant dans l’emphase de sentiments représenté par les numéros chantés de Shion, véritables explosions psychédéliques et romantiques bariolées. La connexion et le contrôle exercé par Shion sur les différentes machines permet de réenchanter le réel et l’urbanité froide que représente cette technologie fondue dans la le quotidien. Ce sont des moments magiques où la « machine » sert de révélateurs aux humains, un vecteur d’expression de leurs émotions les plus tendres. En définitive, Sing a bit of harmony est une belle, attachante et modeste fable.

Sorti en bluray français chez All the anime

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