Au début du XVIIIe siècle, des pirates de Madagascar menacent le commerce des Indes. Brian Hawke, un officier de la marine anglaise, est missionné pour infiltrer la bande de criminels. Il découvre alors une toute autre facette de ses ennemis, et tombe sous le charme d'une pirate effrontée...
À l'abordage est une œuvre qui désamorce astucieusement l'habillage de film de pirates sur laquelle elle est vendue. Le couple vedette fait lorgner des souvenirs glorieux du genre, que ce soit Errol Flynn qui y gagna ses galons de stars (Captain Blood de Michael Curtiz (1935), L'Aigle des mers (1940)) ou Maureen O'hara volcanique love interest de Le Cygne noir de Henry King (1942) Pavillon Noir de Frank Borzage (1945). Errol Flynn se trouve alors sur la pente descendante, venant de quitter Warner où il trouva ses rôles les plus prestigieux, en quête d'un second souffle qu'il ne trouvera jamais vraiment dans une suite de productions médiocres (avec quelques exceptions comme Le Soleil se lève aussi d'Henry King (1957) mais où il se trouve au second plan). Au contraire Maureen O'hara rencontre une des périodes les plus épanouissante de sa carrière, tournant d'ailleurs la même année le célèbre L'Homme tranquille de John Ford.Cette dynamique inversée des deux stars semble implicitement imprégner leurs personnages. Les excès en tout genre ont prématurément vieilli Errol Flynn qui apparaît ici moins bondissant, plus usé. Cela va bien avec son personnage d'espion infiltré chez les pirates devant se montrer sur la réserve. On a l'habitude de voir un Flynn viril et tempétueux, à la séduction pressante sur une héroïne méfiante mais progressivement séduite tout en se faisant désirer par sa retenue. C'est presque l'inverse ici puis Spitfire (Maureen O'hara), jeune femme élevée parmi les pirates, intriguée par cet anglais aux manières plus raffinée qui détone en comparaison des rustres qui l'entourent - tout comme Flynn pouvait l'être face à une Olivia de Havilland, jeune femme distinguée détonant dans son univers. C'est elle qui prend avec rudesse les devants dans le jeu de séduction et au contraire Flynn, happé par ses intrigues d'espionnage, qui tente de la refréner. Cela se manifeste notamment par les tenues vestimentaires, Spitfire n'étant jamais plus attirante que dans ses atours farouche de pirate (ce costume vert évoquant Robin des Bois pour bien marquer l'inversion) tandis qu'elle semble jouer un rôle qui ne lui ressemble pas quand elle cherche à se montrer plus féminine et distinguée - et là encore le type d'écueil que pouvait rencontrer Flynn dans ses rôles d'antan où il pouvait être éconduit en tentant maladroitement le transfuge de classe dans ses attitudes.
C'est surtout cette facette du récit, assez rondement menée, qui captive dans À l'abordage. L'aspect aventure maritime est très en retrait et se montre avare en séquences spectaculaires malgré quelques beaux sursauts comme l'attaque du navire indien. C'est néanmoins un vrai plaisir pour les yeux avec le technicolor flamboyant de Russell Metty, une direction artistique superbe et dont les artifices (transparences et matte-paintings très voyant) confèrent même un certain charme à l'ensemble. Le savoir-faire de George Sherman permet un spectacle alerte et prenant, dominé par son couple vedette dont la maturité donne une âme supplémentaire l'éloignant de la bluette, notamment par ses sous-entendus sexuels forts explicites - le again ! plusieurs fois prononcé par la princesse indienne pour un baiser mais fait bien sûr penser à autre chose, Spitfire le disant avec la même véhémence dans la scène finale. Un bon moment.
Sorti en bluray français chez Elephant Films
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