Demain je serai libre est le second volet du diptyque que Vicente Aranda consacre à Eleuterio Sanchez après El Lute, marche ou crève (1987). Cette deuxième partie est très différente de l'austérité et de l'approche sociale du film précédent. C'est un vrai paradoxe d'ensemble puisque Demain je serai libre est à la fois plus intimiste mais aussi nettement plus spectaculaire que son prédécesseur. Le film s'ouvre sur une haletante scène d'évasion qui illustre la transformation du personnage. A l'évasion quasi improvisée du premier film, on oppose cette fois un plan rigoureusement planifié, dont même un léger accroc ne l'empêchera pas de s'échapper. A l'inverse jeune chien fou analphabète dont la police pouvait anticiper les actions, on trouve désormais un adulte rompu aux nécessités de la cavale, autant capable de faire profil bas durant des mois que d'improviser la bonne décision lorsque le danger se rapproche.La première partie du film est un pur thriller observant la fuite de "El Lute", mettant désormais sa maturité intellectuelle au service de sa famille qui va l'accompagner partout. En effet la famille très en retrait du premier film est au centre de l'intrigue ici, les racines mercheros se ressentant par ce sentiment d'unité avec Euleterio jouant son rôle de "patriarche" malgré ses ennuis judiciaires. Il ainsi forcer toute la famille à apprendre à lire, et à adopter dans la mesure du possible une existence sédentaire. Cette sagesse nouvelle se heurte cependant aux instincts criminels qui ont également monté en gamme, les larcins insignifiants du premier volet laissant place au vrai grand banditisme avec perçage de coffre et blanchiment d'argent. Les situations périlleuses trahissent l'épine dans le pied qu'est devenu "El Lute" pour le régime franquiste, tirant à vue sans essayer de l'appréhender durant les scènes de poursuites. Les quelques interactions hors du cercle familial montre ainsi El Lute comme étant devenu un symbole de résistance contre le régime franquiste - il sera d'ailleurs amnistié quelques années à peine après sa chute.La deuxième partie du film montre "El Lute" tentant désormais de se ranger, de construire une stabilité pour lui et les siens. Sous la logique encore très patriarcale (le petit frère forcé d'aller chercher une femme dans une agence matrimoniale, les rites gitans), il y a néanmoins une introspection, une parenthèse enchantée laissant entrevoir une vie normale pour le héros. C'est précisément cette quête de normalité qui va paradoxalement remettre la police sur sa piste, mais la cavale avec une famille à charge est moins aisée qu'une fuite en solitaire. Ce second film semble plus romancé, ou en tout cas moins cohérent que son prédécesseur, et il rencontrera d'ailleurs un succès bien moindre. Ça n'en reste pas moins une suite réussie et prenante, dominée par un Imanol Arias toujours aussi charismatique.
Sorti en bluray espagnol doté de sous-titres anglais
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