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jeudi 2 janvier 2025

Dirty Ho - Lan tou He, Liu Chia-liang (1979)


 Le 11ème prince de la Dynastie Qing et probable futur héritier du trône fait une visite dans une province pour admirer les trésors antiques sous l'identité d'un marchand. Il y fait la rencontre d'un voleur qu'il souhaite prendre comme disciple en secret afin de tuer le prince rival.

Lorsqu’il passe à la réalisation avec The Spiritual Boxer (1975), Liu Chia-liang va soulager la longue frustration ressentie durant les années où il était uniquement chorégraphe de combats sur les productions de la Shaw Brothers. Etant un des rares authentiques maître d’arts martiaux officiant pour le cinéma, il considère sa discipline comme dévoyée dans les œuvres sanglantes, vengeresses et nihilistes souvent réalisée par Chang Cheh (Un seul bras les tua tous (1967), Le Justicier de Shanghai (1972)…). Tout un pan du corpus de Liu Chia-liang réalisateur sera donc consacré à redonner une image noble et réaliste des arts martiaux, notamment par le thème de l’apprentissage et de la relation maître/élève.

Pour ce faire, Liu Chia-liang oscille entre une approche rigoureuse proprement fascinante dans l’ascétisme de La 36e Chambre de Shaolin (1978), ou franchement ludique puisqu’il sera un des fers de lance du sous-genre de la kung fu comedy dans Combat de Maître (1976), Retour à la 36e chambre (1980) ou encore Martial Club (1981). Dirty Ho appartient franchement à cette seconde catégorie et pousse même encore plus loin que d’ordinaire cette veine farfelue pour du Lu Chia-liang. L’apprentissage va ici se faire progressivement entre un prince mandchou (Gordon Liu) traversant anonymement une province, et Ho (Wang Yu), une petite frappe qu’il va prendre sous son aile. Liu Chia-liang reprend à sa manière le principe cher à King Hu de la dissimulation et des faux-semblants (notamment dans L’Hirondelle d’Or (1966) et Dragon Gate Inn (1967)) à travers les aptitudes martiales. 

Quand cela prend un tour presque abstrait et invisible chez King Hu, Liu Chia-liang pousse au contraire franchement dans une veine burlesque. Le prince la joue faussement naïf et couard lors des multiples rencontres houleuses avec Ho, mais retient subtilement ses coups et maîtrise le jeune impudent pensant avoir le dessus. Une des scènes les plus mémorables dans ce style est lorsque le prince utilisera une jeune femme (Kara Hui) comme « marionnette » pour indirectement corriger Ho, le tout avec une inventivité de tous les instants durant la joute.

Le prince décèle en effet les aptitudes martiales à polir, ainsi que le sens moral à développer chez son protégé, et par ses facéties il fait l’éducation de Ho à son insu. Il y a certes un fil rouge narratif autour d’un complot de succession dont est victime le prince, mais le scénario travaille avant tout la répétition de leitmotiv passant de la franche comédie à des enjeux de plus en plus sérieux, la progression gravitant toujours autour des affrontements martiaux. Par deux fois, Ho fait face à des groupes d’adversaires aux capacités grotesques, face auxquels il piétine et ne triomphe que grâce au prince. Il est trop immature et agité pour être conscient de cette aide extérieure au départ, mais la seconde fois une fois devenu un disciple déférent et attentif, la victoire naît de l’association maître/élève lorsqu’il écoutera précieusement les conseils donnés.

Durant ses années de chorégraphe de combat, Liu Chia-liang a eut tout le loisir de maîtriser les outils cinématographiques, la manière dont un cadrage, un découpage efficace, peut dynamiser l’action. La progression du film dans la virtuosité et l’intensité des combats est à ce titre magistrale. Les fameux duels entre amabilités et bottes secrètes offrent de sacrés morceaux de bravoures à Gordon Liu, tout en sourire lors de périlleuses dégustation de vin et visite d’antiquités. L’acteur se régale dans ce registre de mentor malicieux (alors qu’il fut souvent le disciple turbulent chez Liu Chia-liang) et les séquences d’entraînements, forts drôles, se délestent en partie de la cruauté hilarante souvent vu dans la kung fu comedy pour livrer une relation maître/élève dans laquelle chacun s’apporte mutuellement. Il y a une forme de conscience de son peuple pour le prince (la jeune femme qu’il rachète à la maison de plaisirs) et un éveil aux réalités, un égoïsme qui s’estompe chez Ho éduqué physiquement et intellectuellement par son mentor – malgré une ultime scène comique remettant légèrement cette dynamique en cause.

Toute cette construction patiente (et annoncée par le superbe générique) visait montrer le duo formé par le prince et Ho combattre en harmonie parfaite face aux vraies menaces finales. La traversée d’un village abandonné et truffé d’ennemis donne lieu à un combat époustouflant, dans son utilisation du décor, la fluidité des passes d’armes voyant Ho et le prince alterner les adversaires, s’entraider et triompher. Le dernier combat reste cependant le sommet, notamment par la longueur des joutes s’enchaînant sans coupe dans d’impressionnants plans-séquence. Liu Chia-liang traduit par la seule image et le déroulement du combat à la fois la confiance, le support et l’émancipation traversant la relation maître/élève qui ne font désormais plus qu’un et écœurent leurs pourtant redoutables adversaires - notamment lors d'un zoom avant particulièrement jouissif sur le duo. En une séquence magistrale, le réalisateur rejoue la progression dramatique, martiale et spirituelle qu’il a travaillé à mettre en place tout le récit. Un grand film martial. 

Sorti en bluray français chez Spectrum Films

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