Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 3 février 2015

L’Étranger - The Demi-Paradise, Anthony Asquith (1943)

Un jeune ingénieur russe arrive en Angleterre en 1939. Installé à Barchester, une petite ville de province, il découvre un monde replié sur lui-même, attaché aux conventions, et doit affronter les préjugés racistes...

The Demi-Paradise est un bel exemple de l’intelligence du cinéma de propagande anglais des années 40 qui saura toujours diffuser son message dans un versant original et humaniste produisant de vrais bons films. The Demi-Paradise se présente donc comme une sorte de croisement (en moins réussi) du Ninotchka de Lubitsch et de Mrs Miniver (1942) de William Wyler. Du Lubitsch, on retrouve le postulat du russe égaré en Occident avec le personnage d’Ivan (Laurence Olivier), jeune ingénieur venu en Angleterre chercher un partenaire industriel pour financer son invention, une hélice de bateau révolutionnaire. Nourri de préjugé envers les anglais, il verra ceux-ci presque tous confirmés sous des formes diverses. C’est d’abord la légendaire météo grise et pluvieuse londonienne qui va calmer ses ardeurs, puis le ton hautain et guindé ainsi que la méfiance des locaux envers « l’étranger » qu’ils abordent avec leur flegme british le plus glacial. Un unique rayon de soleil viendra éclairer son voyage avec la rencontre de la belle Ann (Penelope Dudley-Ward), fille de son possible mécène. Sa joie de vivre, ses sourires et son humour pétillant amène ainsi un autre visage plus lumineux à cette Angleterre et va troubler un Ivan peu à peu amoureux. Ce dernier arrive également avec la vision binaire du régime communiste malicieusement moquée au détour de quelques dialogues et de la franchise avec laquelle il fustige les mœurs anglaises. 

Si ses aprioris sont raillés à travers la préciosité du héros, ils ne sont pas totalement faux non plus et l’on y retrouve le recul que peuvent avoir les anglais sur leurs propres failles (notamment dans les films de Powell et Pressburger). La première partie du film se déroule en effet en 1939 avant l’engagement Anglais dans la Seconde Guerre Mondiale mais alors qu’Hitler étend son emprise en Europe. Même si biaisé par la vision d’Ivan on voit donc là une Angleterre repliée sur elle-même, cela se manifestant par la méfiance envers l’étranger donc, les discours isolationnistes dominants au sein d’une population tournée vers le passée (symbolisée par la célébration de la bataille de Waterloo annuelle). Cette situation va bien sûr perturber l’amorce de romance entre Ivan et Ann, la rigidité du premier s’opposant à la frivolité de la seconde et brisant pour un temps toute possibilité d’union.
Drôle, captivante et audacieuse, cette première partie est le moment le plus intéressant du film. Dans la seconde, Ivan reparti en Russie revient dans une Angleterre désormais en guerre et confrontée aux restrictions et au Blitz. 

Le ton est clairement plus policé et la dimension de film de propagande se ressent avec la célébration de la solidarité et du courage du peuple anglais face à l’adversité. De même l’humanisme et l’union des peuples sont magnifiés avec ce contexte difficile amenant l’acceptation d’Ivan par la communauté dans une fraternité inattendue. L’histoire d’amour peut ainsi enfin s’épanouir et certaines séquences répondent à la première en écho inversé, la célébration de Waterloo laissant place à une fête russe hommage à la ville natale d’Ivan. 

Tout cela est bienveillant et agréable mais déroule un programme lisse et attendu loin des aspérités intéressantes du début du film. L’histoire d’amour si piquante devient très classique, Penelope Dudley-Ward perd son allant d’héroïne de screwball comedy et Laurence Olivier de sa raideur géniale. Ce n’est pas le message pacifiste qui est en cause mais le traitement linéaire du scénario puisque d’autres œuvres de propagande anglaise sauront à la même période prendre des chemins plus déroutant pour délivrer leur message (les films de Powell/Pressburger bien sûr ou en pépite méconnue le fabuleux Thunder Rock (1942) de Roy Boulting). Surtout que là on esquive les sujets qui fâche et potentiellement intéressant comme le fait qu'à l'origine la Russie est alliée à l'Allemagne. Plaisant, dans un premier temps audacieux mais finalement sans surprise, dommage.

Sorti en dvd zone 2 anglais sans sous-titres assez difficile à trouver mais Elephant Film doit bientôt l'éditer en France

Extra

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