L'heureuse famille
Freeling mène une vie tranquille et prospère dans la petite ville de Cuesta
Verde. Cependant, leur maison devient le théâtre d'étranges phénomènes quand
des objets commencent à se déplacer et que le sol se met à trembler. Une nuit,
la petite Carol Anne disparaît et se met à communiquer avec ses parents à
travers la télévision. Les Freeling font alors appel à un parapsychologue.
En cet été 1982, la schizophrénie de Steven Spielberg se
dévoilait au grand jour avec la sortie d’E.T. qu’il réalisait et de ce Poltergeist qu’il produisait (voir un
peu plus). Le cinéaste aura constamment hésité en ce début de carrière entre un
sens du merveilleux fascinant et touchant (E.T.,
Rencontre du troisième type (1977) et
un talent exceptionnel pour provoquer la terreur (Duel, Les Dents de la mer
(1975)). Une dualité voir un dilemme qui court tout au long de sa carrière et
qui donnera des œuvres bancales comme Jurassic
Park (film tout public aux écarts gore inattendus) et bien sûr Indiana Jones et le temple maudit (1984)
monument de sadisme qu’il reniera par la suite. Il faudra attendre les années
2000 pour qu’il parvienne à résoudre cette schizophrénie dans des films plus
équilibrés et cohérent. Sortis à une semaine d’intervalle, E.T. et Poltergeist sont
les revers d’une même pièce. Le cadre de banlieue pavillonnaire américaine qui
fera le charme des futures productions Amblin sert donc l’introduction d’un élément
surnaturel qui va bouleverser la vie d’une famille ordinaire.
D’un côté un
extraterrestre fragile, messianique et bienveillant, de l’autre des esprits
frappeurs malfaisant. Spielberg a écrit le scénario de Poltergeist et a signé l’histoire d’E.T. (remise en forme par Melissa Mathison pour le script) et les
deux films relèvent bien sûr du traumatisme que furent pour lui le divorce de
ces parents à l’adolescence. Chacun des films s’affirme comme une réponse à
cette douleur originelle. E.T. voyait un être venu d’ailleurs apaiser la
solitude du jeune Elliott dans sa famille séparée, à l’inverse Poltergeist et sa menace de l’au-delà
viendra se briser face à l’amour inconditionnel d’une famille soudée. E.T. est
un des chefs d’œuvres de Spielberg, Poltergeist
sera juste un efficace film fantastique à cause du manque de maîtrise de Tobe
Hooper pourtant largement dépossédé de son pouvoir de décision sur le tournage.
De curieux phénomènes vont se faire jour dans le quotidien
de la famille Freeling, vivant paisiblement dans la ville de Cuesta Verde, en
pleine expansion immobilière. De mystérieux interlocuteurs semblent s’adresser
à la cadette à travers un canal neigeux de la télévision, des objets se
déplacent… Tout cela se déroule dans l’ambiance lumineuse, bienveillante et
bleutée typique de Spielberg mais le malaise s’installe progressivement. Le
film est très représentatif de la transformation du cinéma américain avec l’avènement
des premiers blockbusters que sont Les Dents de la mer (1975) et Star Wars. Alors que sur des thèmes
voisins un Rosemary Baby ose l’ambiguïté et le malaise dans une longue montée d’angoisse
et que Friedkin ennuie volontairement dans sa première heure de mise en place avant
de déchaîner l’enfer dans L’Exorciste
(1973), Poltergeist pêche par sa peur
du vide.
Le script dégaine ses cartouches trop tôt à coup de péripéties
spectaculaires (l’attaque de l’arbre, l’enlèvement de Carol-Ann et les
multiples phénomènes physiques dû au poltergeist) et caractérise
superficiellement la famille, trop parfaite (même si attachante) et du coup
sans autre enjeu ni double lecture que celui du postulat de base. E.T. encore
amenait une plus grande profondeur justement par la longue caractérisation de
la famille meurtrie par le divorce et introduisait avec une grande finesse l’élément
perturbateur qu’était ET (dont les scènes qui précède l'apparition comporte plus de mystère). Ici la famille est idéale et sans aspérité et il faut
toute la conviction d’une excellente JoBeth Williams et la bouille attachante
de Heather O'Rourke pour que l’émotion fonctionne. On se raccrochera à la
critique sociale, rapprochant un peu l’ensemble à du Stephen King lissé quand
on connaîtra les origines sordides de la prospérité immobilière de la ville.
Même problème côté peur puisque l’on est asséné sans
interruption d’effet choc reposant plus sur les trucages que la mise en scène
pour faire monter l’angoisse. L'horreur plus graphique et impressionnante n'est pas un mal en soi mais le tout est de savoir doser ses effets comme Carpenter su le faire magistralement avec The Thing. La touche contemplative de Spielberg fait mouche
le temps de quelques apparitions spectrales mais dans l’ensemble c’est plus
impressionnant que réellement terrifiant (et pour le coup on est plus proche du
Tobe Hooper de Lifeforce (1985)) même
si le final n’hésite pas dans la touche macabre, usant de vrais squelettes
humains (un choix qu’on affirme être la cause de l’espèce de malédiction qui frappa
certains membre du casting disparus dans des circonstances tragiques).
Cet
aspect « horreur tous public » fera le succès du film (qui connaîtra
deux suites) et Spielberg sera le roi de cet été 1982 avec le triomphe de E.T. Un
petit classique du fantastique 80’s donc (auquel les récent Insidious et Conjuring doivent tout) mais peut-être un peu surestimé, un
remake doit sortir en 2015 et avec l’outil numérique le côté fête foraine
risque d’être encore plus indigeste même si l’espoir est permis puis que le réalisateur
est Gil Kenan, responsable du plus bel hommage à Amblin (bien plus que Super 8)
avec le film d’animation Monster House
(2006).
Sorti en dvd zone 2 français chez MGM
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