Violette vit avec
François, un jeune homme instable. Ils volent dans les grands magasins, autant
pour assurer leur subsistance que par jeu antisocial...
Durant les années soixante-dix, le scénariste Jean-Loup
Dabadie triomphe en signant les scripts de grands succès populaires, en
particulier pour Yves Robert (Salut l’artiste
(1973), le diptyque Un éléphant ça trompeénormément/ Nous irons tous au paradis
(1976, 1977) et Courage fuyons
(1979)) et Claude Sautet (Les Choses de la vie (1970), César et Rosalie (1972),
Vincent, François, Paul... et les autres
(1974) et Une histoire simple
(1978)). Entre ces grosses machines, il décide de s’accorder une « parenthèse
enchantée » avec le scénario-roman de
Violette et François. Trop sérieux
pour Yves Robert et à l’inverse pas assez grave pour Sautet, Violette et
François recèle néanmoins une continuité avec les films que Dabadie écrivit
pour eux avec cette figure d l’adulte inadapté à la vie, mal dans son
quotidien. Pour faire court le romantisme joyeux et tourmenté de César et Rosalie côtoie le spleen de Vincent, François, Paul... et les autres.
Jacques Rouffiot dont c’est le troisième film sera un choix étonnant tant ces œuvres
précédente semblent éloignées de cet univers (L'Horizon (1967) et Sept
morts sur ordonnance (1976)) mais saura donner un résultat poignant.
Violette (Isabelle Adjani) et François (Jacques Dutronc)
sont deux jeunes gens qui s’aiment d’un amour passionné et orageux. La violence
des séparations est à la mesure de l’ardeur des retrouvailles, leur
environnement s’estompant alors y compris leur bébé. Sans vraie trame directrice,
le récit est hésitant à l’image du quotidien sans but des personnages. Leur
fougue juvénile et insouciance est progressivement rattrapé par les obligations
ordinaire de l’âge adulte : trouver un travail, un logement stable, se
nourrir au quotidien…
Notre couple n’y semble pas préparé mais pendant un temps
n’en a que faire, jusqu’à un éveil progressif et douloureux aux réalités.
Jacques Dutronc est excellent avec ce personnage reflet de sa propre
désinvolture goguenarde mais frappé d’une mélancolie et vulnérabilité qu’aura
toujours su dissimuler la star. C’est un vrai être romanesque qui dépérit peu à
peu face à l’insignifiance de la vie « normale » et des boulots
minables qu’il ne garde pas bien longtemps. Dès lors la seule aventure, la seule
adrénaline qu’il peut ressentir se déroulera lors de ses vols à l’étalage en
magasin. Isabelle Adjani est aussi expressive et tourmentée que Dutronc sera
secret et taiseux, une boule d’émotivité à vif. Dans cet élan passionné, elle
suivra un temps son compagnon dans ses larcins.
Jacques Rouffiot apporte une atmosphère et un tempo très
particulier au récit. Le ping pong verbal, les gags et la complicité charnelle
du couple rythme le début du film. Lorsque la médiocrité ordinaire s’installe
la présence de l’autre ne suffit plus et sa caméra suit avec une certaine
virtuosité et en instaurant une vraie tension les vols du couple, tout en
restant très ludique. Ce besoin d’artifice extérieur signe pourtant leur
éloignement inexorable tant cette exaltation n’est pas partagée, et surtout
dangereuse. Rouffiot par son montage inventif amène aussi une énergie très
inventive à son film. La scène d’ouverture donne le ton avec Violette quittant
avec fracas son travail, le découpage saccadé lorsque François est pour la
première fois près de se faire arrêter conforte ce côté ludique, ce sentiment d’ivresse
associé au couple (le quasi insert qui montre la rupture de Violette d’avec sa
famille nantie pour François).
Plus les vols se substituent à une vraie vie de
famille apaiser, moins leur mise en image se fait virtuose, avec pour le
dernier méfait une simple course poursuite en François et deux policiers en
magasin. Cela semble aussi signer le point de non-retour pour nos amoureux.
Sous la romance contrariée, le film fait un constat social assez visionnaire
sur la société de consommation. Si les premiers vols concerne l’alimentation et
une volonté de subsister, tous les autres seront totalement gratuit, « pour
le sport » en quelque sorte et visant des objets luxueux et ou à la mode :
parfums, premiers walkman du marché, diamant de platine vinyle.
Rien d’indispensable
donc mais le vol en lui-même permet de se sentir vivant et posséder ses divers
objets d’exister. Un destin peut viable sur la longueur et qui conduira le
couple dans le mur. Une œuvre délicate où l’on sent la filiation avec les
titres cités plus haut, mais qui par ses héros juvénile, son ton percutant et
son milieu modeste trouve sa propre voie avec brio.
Sorti en dvd zone 2 français chez Tamasa
Extrait
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