Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 19 février 2015

La Garce - Beyond the Forest, King Vidor (1949)

Rosa Moline, l'épouse d'un médecin d'une petite ville, a pour amant un homme d'affaires de Chicago, Neil Latimer, qu'elle retrouve les week-ends dans sa luxueuse villa en bordure du lac. Ce dernier devant retourner à Chicago, Rosa décide de le rejoindre. Elle est cependant éconduite, Latimer devant épouser une autre femme. Rosa revient chez son mari et découvre peu après qu'elle est enceinte. Le docteur Moline, pensant être le père, est ravi et espère pouvoir enfin s'attacher sa femme.

Parmi les personnages récurrents de la filmographie de King Vidor, on trouve souvent la figure du héros ambitieux, orgueilleux et prêt à surmonter tous les obstacles pour atteindre son but. Dans Une Romance Américaine (1944), cela s'exprime par l'ascension sociale et l'intégration dans l'expression du rêve américain de l'émigrant déterminé joué par Brian Donlevy qui deviendra un magnat de l'industrie impitoyable. Dans Le Rebelle (1949), cela prend une dimension presque abstraite avec le personnage d'architecte incorruptible de Gary Cooper, expression de la philosophie de l'objectivisme chère à Ayn Rand. Lorsque Vidor fait endosser cette idée à des personnages féminins, cela prend un tour souvent captivant. Soir de noce (1935) révèle une héroïne sacrificielle condamnée à voir ses rêves d'émancipation se briser, Duel au soleil (1946) et La Furie du désir (1953) portée par une fiévreuse Jennifer Jones donne un tour à la fois épique et intimiste à cette quête d'ailleurs.

La Garce s'inscrit dans ce cycle, le personnage de Bette Davis pouvant être vu comme voisin de la Barbara Stanwyck de Stella Dallas (1937). Grande différence cependant, le destin et le tempérament impétueux de ces différentes héroïnes causaient leur pertes mais elles n'en restaient pas moins touchante dans leur quête. La Garce est au contraire un pu diamant noir servi par une Bette Davis inhumaine et prête à toutes les bassesses pour servir ses ambitions.

Les premières images nous montrent des visions bucoliques d'une petite ville ouvrière du Wisconsin, sa nature paisible, son usine prospère. Un havre de paix pour la plupart de ces habitants, un enfer et une prison à ciel ouvert pour d'autres comme la fière Rosa Moline (Bette Davis). Epouse d'un modeste médecin de campagne (Joseph Cotten), elle ronge son frein avec une fureur difficilement contenue. Le scénario (adapté du roman de Stuart Engstrand) ôte toute idée d'empathie pour Rosa et son ennui provincial éventuellement compréhensible qui en aurait une Madame Bovary moderne. Sa perfidie s'exprimant encore à petit échelle dans ses manœuvres pour retrouver son amant (David Brian), le mal latent qu'on devine en elle (ce moment où elle abat sans raison un porc-épic au fusil) nous la rend immédiatement détestable.

Bette Davis, allure provocante, visage dédaigneux et traits constamment altérés par le dépit est extraordinaire, dégageant une dangereuse sensualité. Le problème est que cette émancipation espérée s'avère très superficielle, ne reposant que sur l'apparat et les signes de richesse, l'amant étant bien sûr un riche homme d'affaire et le long moment où Rosa touche envieuse le manteau de vison d'une autre femme étant terriblement révélateur.

Les actions de Rosa seront à la hauteur de la vacuité de son rêve avec nombre de moment particulièrement choquants : adultère humiliant, meurtres et tentative d'infanticide ne seront guère sources de remord pour elle. Vidor fait à de nombreuse reprise l'analogie entre le feu intérieur dévorant de Bette Davis et celui de la cheminée de l'usine de la ville. Cela s'exprimera dans un premier temps par l'association d'idée, puis par un montage alterné et enfin un plan où la cheminée incandescente et la silhouette fébrile de Rosa occupent simultanément l'image.

Ce rapprochement graduel correspond aussi aux étapes que franchit Rosa dans l'abjection et il faut tout le charisme de Joseph Cotten et la subtilité de Vidor pour éviter à l'ensemble de trop basculer dans le Bette Davis show. Cette escalade dans la noirceur correspond ainsi au point de non-retour franchit par le personnage qui après nous avoir révulsé va en devenir pathétique dans un incroyable final. Voyant son rêve lui échapper et après avoir fait tant de mal aux autres pour y parvenir, Rosa en devient pathétique avec un chemin de croix final lourdement appuyé par la mise en scène de Vidor et la musique de Max Steiner. Un film puissant et un King Vidor qui éclaire ses thèmes récurrents d'une saisissante noirceur.

Sorti en dvd zone 2 français chez Warner

Extrait

5 commentaires:

  1. Encore un film très tentant. Tu m'as fait sourire en évoquant le Bette Davis show. J'aime bien le physique très particulier de cette actrice, et même si je n'ai pas vu beaucoup de ses films, je l'avais trouvée extraordinaire dans All about Eve de Joseph L. Mankiewicz.

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  2. Pour le Bette Davis show ^^ je disais ça car dans ces performances les plus extravagantes quand les partenaires ne sont pas à la hauteur il arrive parfois que ça me sorte complètement du film pour ne lus voir que ça. Grande actrice mais qui prend trop d'espace parfois :-)

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  3. Et en plus mon message initial a disparu ? Bon, je te disais donc que Bette Davis semblait être dotée d'une forte personnalité et que je devrais songer à lire une biographie de cette actrice, pour peu qu'elle existe, bien sûr ! Alors oui, elle devait prendre pas mal (trop) d'espace pour peu que ses collègues ne soient pas très charismatiques ;-)

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  4. Oui une carrière passionnante Bette Davis sans un grand réalisateur elle parasite parfois les films par son charisme mais une invention et une variété de rôle fascinante. Pourune biographie il en existe quelques unes en français et une flopée en anglais mais je ne sais pas ce qu'elles valent.

    ps : j'ai effacé les posts incriminés désolé de ne pas l'avoir fait plus tôt c'est plus dur à faire la manip sur mon portable ^^

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    1. Merci pour la manip Justin. Je comprends ça j'ai également pas mal de soucis avec l'iPad ces derniers temps, dont l'impossibilité d'accéder à ton site depuis hier. C'est pour cela que je t'avais répondu avec le pc de mon mari ;-) je vais faire des petites recherches de mon côté et essayer de dénicher une bonne biographie, car je pense que c'est une personnalité qui mérite qu'on s'y attarde.

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