Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 8 avril 2015

À nos amours - Maurice Pialat (1983)

Suzanne a quinze ans. En vacances sur la Côte d'Azur, elle repousse Luc, le jeune homme qui est amoureux d'elle, puis se donne à un Américain inconnu sur la plage. De retour à Paris, elle multiplie les aventures amoureuses. Ses parents se séparent. Son père quitte la maison. Elle doit faire face à l'hostilité de sa mère et de son frère.

Pialat capture avec une rare force les tumultes de l'adolescente avec cette œuvre poignante où il révèle une Sandrine Bonnaire initialement venue postuler en tant que figurante et qui décrochera son premier rôle au cinéma. Pialat part de ce que l'adolescence a de plus beau et candide avant d'explorer les sentiments plus tourmentés de cette période charnière. On débute donc par le versant lumineux lorsque Suzanne (Sandrine Bonne) adolescente de quinze s'épanouit en vacance sur la Côte d'Azur, partagée entre esquisses de premiers émois artistiques et surtout amoureux.

La sincérité, la curiosité et le gout du défi se disputent à cet âge et lui causeront sa première déception. Amoureuse de Luc (Cyr Boitard) un garçon de son âge, elle se refusera pourtant à lui pour finalement céder au premier venu avec ce touriste américain qui la possèdera sans passion et l'ignorera le lendemain. La conscience de ce rendez-vous manqué court ainsi tout au long du film où cette mélancolie se conjugue au délabrement de sa cellule familiale avec le départ de son père (Maurice Pialat).

Le début du film montre donc des conflits parents/adolescents certes épidermique, une Suzanne qui soigne son mal-être dans des bras éphémère mais où le retour au foyer semble toujours représenter une forme d'équilibre pour la jeune fille. Cela donnera une merveilleuse scène intimiste à où père et fille font montre d'une complicité touchante, le jeu très sensible de Pialat se mariant à merveille à la spontanéité des émotions de Sandrine Bonnaire (sa réaction lors de la remarque sur sa fossette). Tous va lentement se disloquer avec le départ du père, d'autant que dans le script celui-ci est supposé être décédé (la remarque de Bonnaire sur son œil jaune était censé être un avertissement de sa mort) et donc joué comme tel par les survivants dont le manque se manifestera par un désespoir hystérique lors de séquences terriblement intense.

Suzanne semble chercher la protection de ce père disparu à travers ses multiples amants, sa mère (Évelyne Ker) ne sait comment répondre à sa dérive et dépérit elle-même de sa solitude et son frère (Dominique Besnehard) tente maladroitement d'endosser ce rôle de chef de famille dans la violence. L'espace scolaire est quasiment absent du quotidien de Suzanne rythmé de fêtes et d'étreintes d'un soir avec des amants plus âgés. En scrutant le malaise de son héroïne, Pialat illustre aussi un choc des générations où si les situations sont toujours d'actualité, elles n'en illustrent pas moins un malaise face à cette libération sexuelle de la jeunesse pour les adultes (la mère apaisée de voir sa fille prématurément mariée, les réactions violentes du frère). Le père joué par Pialat, méfiant mais compréhensif s'efface donc vite du récit pour laisser s'installer cette tension. Le film est clairement un anti La Boum (1980 et où Sandrine Bonnaire fait de la figuration) par sa vision crue et brutale de situations souvent voisines.

Sandrine Bonnaire démontre d'emblée son grand talent, tour à tour lumineuse (merveilleuse ouverture montrant sa silhouette longiligne et sensuelle à l'avant d'un bateau), masque de tristesse et/ou d'indifférence trahissant par ces regards une éternelle quête d'affection. C'est dans les moments muets que Piala saisit le mieux cela comme cette errance urbaine lorsqu'elle découvre que Luc sort avec une de ses amies. La spontanéité, la recherche de l'inattendu par la constante improvisation de Pialat auront courus tout au long du tournage, préparant ainsi les acteurs à une incroyable scène de repas familial en fin de film. Le père ressurgit ainsi comme un spectre venu faire des reproches à ce que sa famille est devenue, ces derniers réagissant comme ils peuvent, taciturne ou furieux.

Le personnage était supposé être mort dans le script et la stupeur des acteurs renforce la vérité de la scène face à l'absent (la caméra n'ayant pas cessée de tourner) la maladresse, la gêne mais aussi la colère improvisée n'en paraissant que plus vrais. Il en va de même pour l'épilogue où le réalisateur use d'un vrai évènement (les vacances de Sandrine Bonnaire aux Etats-Unis avec son petit ami) pour nous offrir un final tendre entre Suzanne et son père. Si celui en début de film avait représenté la dernière trace de son enfance, ce dernier échange semble une entrée plus apaisée dans l'âge adulte. Une grande réussite et un des grands succès de Pialat récompensé du César du meilleur film, du Prix Louis-Delluc et du César du meilleur espoir féminin pour Sandrine Bonnaire.

 Sorti en dvd zone 2 français et bluray chez Gaumont

 

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