Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mardi 18 octobre 2016

Truly, Madly, Deeply - Anthony Minghella (1991)

Nina, à quarante ans, est inconsolable depuis la mort de Jamie, son mari violoncelliste. Un jour pourtant, celui-ci réapparaît, comme si de rien n'était.

Avec ce premier film à l'émotion feutrée, Anthony Minghella est loin de l'emphase romanesque qui caractérisera la suite de sa carrière (Le Patient Anglais (1996), Retour à Cold Mountain (2003)...). Au choix, Truly, Madly, Deeply peut être vu comme le versant plus adulte de Ghost (1990) sorti l'année précédente voire une variante sobre de L'Aventure de Madame Muir (1947). L'histoire dépeint le chagrin inconsolable de Nina (Juliet Stevenson), ne se remettant pas de la disparition de son mari Jamie (Alan Rickman). Le début du film s'attarde longuement sur cette douleur, le vide laissé par le défunt se ressentant sous diverses formes. Les moments légers s'assombrissent dès qu'un détail vient rappeler l'absent (Nina se braquant lorsque sa sœur propose de prêter le violoncelle de Jamie à son fils), l'isolement de Nina et son rapport fuyant face à son entourage amical ou potentiellement amoureux (avec un truculent personnage d'ouvrier polonais) et symboliquement un appartement tombant en décrépitude en reflet de son existence terne. Juliet Stevenson suscite l'empathie immédiate par ses différentes attitudes face au manque, son visage pourtant jovial semblant constamment traversée d'une mélancolie latente et son mal-être s'exprime autant par la neutralité distante que l'expression démonstrative et impudique de sa détresse (magnifique scène chez sa psychanalyste où elle craque véritablement).

Soudainement l'atmosphère dépressive et mortifère s'estompe avec l'impensable, le retour spectral de Jamie. La scène est magistralement filmée par Minghella, jouant de leur lien musical lorsque Nina entame un air qu'ils avaient l'habitude de jouer au piano. Le violoncelle de Jamie se fait alors entendre, puis sa silhouette apparait en arrière-plan flouté puis de plus en plus nette sur la gauche de l'image suggérant ainsi autant une création mentale qu'un véritable fantôme. Ce motif - utilisé tout au long de L'Aventure de Madame Muir justement - se déleste pourtant de toute imagerie éthérée ou immaculée fréquemment adoptée dans ces cas-là.

Les amoureux se retrouve comme si rien n'avait changé dans leurs plaisanteries, leur complicité amoureuse (dont le fameux concours d'adverbe aimant qui donne son titre au film) et Alan Rickman excelle dans un registre léger où la nature de son personnage se révèle sans le fatras habituel (traversée de pièces ou d'objets à la Ghost justement) mais par des détails subtils comme le froid qu'il ressent constamment. Le bonheur des retrouvailles s'estompe progressivement, Minghella accentuant le décalage relationnel de Nina à son entourage par un jeu sur la temporalité (ce qui semble une journée passée avec Jamie étant une semaine d'absence au travail) et un fossé plus grand encore avec les "vivants". L'introspection douloureuse et solitaire du début du film est remplacée par les têtes à tête avec le fantôme de Jamie pour un même résultat, un deuil qui ne se fait pas.

Minghella en abandonnant toute esthétique surnaturelle rend le passé envahissant par des choix plus triviaux et comiques mais qui fonctionne tout autant. Jamie attire ainsi avec lui d'autres acolytes fantômes qui occupent l'appartement et se délecte de classiques en vidéo, prétexte à placer judicieusement un extrait de Brève Rencontre (1945) là aussi œuvre où pèse le poids du souvenir. Le foyer devient un mausolée étouffant qui empêche l'épanouissement, ce dont notre héroïne ne prendra conscience que par son attitude incohérente dans la possible romance avec Mark (Michael Maloney tout en vulnérabilité, très bon). Le final par sa sentimentalité sobre résout avec une grande délicatesse le dilemme dans une conclusion osant un lyrisme un peu plus appuyé. Le film au départ destiné à la télévision sortira finalement en salle et rencontrera un succès inattendu en Grande-Bretagne (BAFTA du meilleur scénario original pour Anthony Minghella, nomination à celui du meilleur acteur pour Alan Rickman) et aux Etats-Unis et constitue désormais un film culte.

Sorti en dvd zone 2 anglais chez MGM et doté de sous-titres français 


Pour les anglophones un petit doc où Minghella revient sur le film


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