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lundi 10 octobre 2016

Winchester 73 - Anthony Mann (1950)

La Winchester modèle 1873 est l'arme qui a conquis l’Ouest. Tous les cow-boys rêvent d'en avoir une. L'usine Winchester, qui la fabrique, en distingue de temps à autre une en particulier dont la qualité dépasse celle de toutes les autres, et cette carabine d'exception est appelée « une sur mille ». Justement, l'une d'elles est l'enjeu du concours de tir organisé à Dodge City pour les fêtes du centenaire de l’indépendance. C'est aussi la raison pour laquelle Lin McAdam s'y rend mais son objectif n'est pas tant de gagner la carabine que de retrouver un homme qui, tireur émérite comme lui, pourrait bien se trouver parmi les candidats.

Winchester 73 est le film qui lance le grand cycle westerns réunissant Anthony Mann et James Stewart, soit des classiques comme Les Affameurs (1952), L'Appât (1953), Je suis un aventurier (1954) L'Homme de la plaine (1955). Pour ce premier film en commun, James Stewart est au départ sollicité par Universal pour tourner dans la comédie Harvey (1950) et le studio en quête d'une tête d'affiche pour son prochain western lui propose également le projet Winchester 73. Impressionné par la mise en scène d'Anthony Mann sur La Porte du diable (1950), Stewart (qui avait croisé la route de Mann dans les années 30 au sein de sa compagnie théâtrale Stock Company) le propose donc au studio après la défection de Fritz Lang initialement engagé. Anthony Mann accepte donc après avoir largement fait remanier le scénario initial de Robert L. Richards (adapté du roman Big Gun de Stuart N. Lake) par Borden Chase.

Le film sans avoir la complexité psychologique des films suivants du cycle offre par son scénario une trame très originale tout en étant traversée par une série d'archétype du western. Le fil conducteur, ce sera la quête de vengeance obsessionnelle de Lin McAdam (James Stewart) poursuivant le malfrat Dutch Henry Brown (Stephen McNally) , le motif et les liens qui les unissent se révélant progressivement. L'enjeu de leur première confrontation sera le gain de l'arme la plus fameuse de l'Ouest, la Winchester 73, durant un concours de tir. Cet objet sert de révélateur à leur antagonisme pour le spectateur et il en aura de même avec le passage de main en main de l'arme mythique tout au long du récit.

Chaque changement de propriétaire est l'occasion de disposer une situation archétypale du genre pour un Anthony Mann qui la transcende à chaque fois par son regard sur la situation, sa mise en scène ou les interactions qu'il crée entre les personnages. La rivalité sur fond de virtuosité de tir tisse de manière ludique et palpitante la haine entre Lin et Dutch, on s'amusera de la roublardise du marchand d'armes John McIntire gagnant la Winchester aux cartes pour basculer dans une brutalité sèche ensuite lorsque le chef indien Young Bull (Rock Hudson) s'en empare à son tour.

Anthony Mann pose un regard à la fois réaliste et baigné de la mythologie et l'histoire de l'Ouest qui humanisera toujours un peu plus un James Stewart fort intimidant au départ. La rencontre avec le célèbre Wyatt Earp (incarné avec bonhomie par Will Geer) exprime bien cette idée, la force de la légende calmant les ardeurs violentes et imposant le respect à Lin lorsqu'il se présentera. Un affrontement avec une armée d'indiens hargneux - avec en filigrane de nouveau l'élément réel de la chute de Custer à Little Big Horn - est ainsi l'occasion pour Mann de mener un morceau de bravoure d'une violence rare (les morts sanglantes et douloureuses abondent) dont le déroulement montre les qualités de stratèges de Lin tout en se concluant sur un instant de camaraderie chaleureux - Jay C. Flippen en officier de l'armée emportant l'adhésion du spectateur en quelques minutes de présence à l'écran - où les alliés d'aujourd'hui se souviennent des temps où il furent adversaires lors des batailles de Gettysburg et Shiloh .

Ces allers-retours entre violence et humanité du récit expriment donc les soubresauts des sentiments de Lin, symbolisant la violence et les espoirs de l'Ouest à lui seul. L'avenir possiblement plus doux se devine à travers les rencontres répétées et la romance en pointillé avec la chanteuse Lola Manners (Shelley Winters) dont les mésaventures feront voir également le danger (les indiens), la lâcheté et la folie ordinaire de l'Ouest (Dan Duryea imprévisible en pistolero psychotique. On oscille ainsi constamment entre l'apaisement et le chaos sans que la tension ne se relâche dans une narration rondement menée et fluide, Anthony Mann concluant l'ensemble sur une conclusion mémorable lors du duel entre Lin et Dutch.

La gestion de l'espace magistrale, l'intelligence des deux adversaires et leur sang-froid se combinent de manière virtuose dans la mise en scène de Mann. Le déterminisme vengeur du récit aura toujours été contrebalancé par le contraste des rencontres et péripéties et après l'exutoire final violent, la conclusion semble enfin promettre autre chose pour les personnages. Le cycle démarre sur des hauteurs fabuleuses.

Sorti en dvd zone 2 français chez Universal 

1 commentaire:

  1. Bonjour, trés bonne analyse d'un film au sujet original qui lance surtout, comme vous dites, Anthony Mann sur une voie royale culminant avec l'Appât, son chef-d'oeuvre.

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