Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 23 mars 2023

Hellzapoppin - H.C. Potter (1941)


 Au cours d'un tournage, le réalisateur interrompt les prises de vues, car le film n'a pas de sens. Il lui manque une histoire d'amour. Jeff, le scénariste, se met au travail et laisse alors libre cours à son imagination. Parallèlement, Ole et Chic, les vedettes de la revue Hellzapoppin, font tout leur possible pour saboter le spectacle pour lequel le régisseur cherche un commanditaire.

Hellzapoppin constitue une véritable date dans l’histoire de la comédie américaine au cinéma. Le film est un des premiers grands succès de Broadway à connaître une adaptation cinématographique, après un triomphe scénique s’étalant de 1938 à 1941. Bien que la plupart du casting originel ne fasse pas la transition vers le grand écran (hormis le duo comique Ole Olsen/ Chic Johnson et le collectif dansant de Whitey's Lindy Hoppers), les spécificités de la pièce sont largement conservées dans cette adaptation produite par Universal.

Hellzapoppin durant ses trois années d’exploitation initiale avait la particularité d’être un constant work in progress où pouvait s’ajouter gags et répliques en lien avec l’actualité. C’est le cas ici avec l’ajout de gags référentiels plus spécifiquement liés au cinéma comme cette allusion au Rosebud de Citizen Kane (1941). Les éléments de comédie musicale (les danses sous-marines de jolies filles en maillot de bain) et la construction du film peuvent éventuellement évoquer celle des films de Busby Berkeley (42e rue (1933), Prologue (1933)) dans son intrigue un peu lâche prétexte à déployer le grand spectacle (facette plus marquée dans Dames (1934), Wonder Bar (1934) chez Berkeley). 

Cela se caractérisait par une romance aussi convenue que charmante (en général entre Ruby Keeler et Dick Powell), fil rouge auquel se greffait tout l’arrière-plan dansant et chantant. Hellzapoppin prend le problème à l’envers en démarrant par le chaos absolu avant qu’une mise en abyme incite les concepteurs à intégrer avec opportunisme une romance parce que tous les films en ont une ». Alors que d’habitude dans ce genre de greffe la romance se fait encombrante et perturbe/retarde le grand spectacle, c’est tout l’inverse ici où la tonalité azimutée des acteurs et de la narration cavale après l’histoire d’amour (un triangle amoureux) pour la malmener. Les acteurs de la romance ayant la fadeur et le charme convenu pour maintenir un semblant d’intérêt, cet élément n’est pas gênant puisque régulièrement dynamité.

Si certains éléments ont vieillis, si la provocation d’alors n’est pas équivalente pour un spectateur contemporain, l’inventivité et l’énergie déployée emporte tout sur son passage même si tous les gags ne font pas mouche. Le quatrième mur est brisé plus d’une fois et à plusieurs niveaux, que ce soit celui des créateurs/producteurs ou celui du projectionniste, ce qui entraîne des situations délirantes comme lorsque les bobines se mélangent à celles d’un autre film et que les personnages se retrouvent dans un western. L’influence music-hall est omniprésente et permet l’introduction de personnages farfelus comme ce transformiste, sans parler d’autres figures directement issues de la comédie sociale et sophistiquée des années 30 avec ce noble déchu en quête d’une riche héritière.

Hellzapoppin fait partie des films ayant introduit les codes du cartoon (et en particulier ceux des réalisations folles furieuses de Chuck Jones chez Warner) dans le cinéma en prises de vues réelles, avant de voir à son tour certains de ses gags repris par la suite dans l’animation. C’est vraiment novateur puisqu’à l’époque seul un Preston Sturges (précédé en partie par les Marx Brothers mais sur des intrigues prétextes) s’y risquait, mais que tout un pan de la comédie américaine y plongera de plain-pied dans les années 50 comme Frank Tashlin (issu du cartoon) et des films de Jerry Lewis. On peut même voir plus loin puisque l’absurde et la comédie nonsensique voire parodique exprimée ici anticipe autant les futurs délires des Monty Python que ceux des ZAZ (cet ours parlant et évitant les balles). Donc même si la connaissance des excès de successeurs pas entravés par la censure atténuera la force de certains gags, leur avalanche ininterrompues arracheront forcément un fou rire au spectateur contemporain. L’abondance finit par payer pour notre plus grand plaisir.

Sorti en dvd zone 2 français chez Swift

1 commentaire:

  1. Je l'ai revu en décembre dernier, ça reste jubilatoire avec plein de trouvailles visuelles.

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