Vers 1930, Al Wonder dirige le Wonder
bar, un cabaret parisien. Le danseur Harry flirte avec une cliente,
Liane Renaud, épouse d'un banquier, ce qui provoque la jalousie de la
danseuse Inez, amoureuse d’Harry. Lorsque ce dernier reçoit un bijou de
Liane, en cadeau, il essaie de le vendre à son patron. Or, M. Renaud
cherche à récupérer son bien...
La collaboration désormais bien rôdée entre Lloyd Bacon et Busby Berkeley parvient a habilement se renouveler avec ce Wonder Bar.
Alors que tous les films précédents déroulait une trame quasi identique
(la confection d'un spectacle à Broadway) avec comme seule variante la
tonalité dramatique ou comique (42e Rue pour le mélo, Prologue
pour l'atmosphère festive). On quitte donc les scènes de Broadway pour
les cabarets parisiens des Années Folles. Tous les chemins semblent donc
mener les personnages vers l'un d'entre eux, le Wonder Bar et pour diverses
raisons. Le danseur Harry (Ricardo Cortez) y mène un double jeu amoureux
entre sa partenaire de scène Inez (Dolores del Río) et l'épouse (Kay
Francis) d'un prestigieux client. Un homme ruiné pense à s'y suicider
dans l'excès, le compositeur (Dick Powell) et le patron (Al Jolson)
sont aussi éperdument amoureux d'Inez et pour la caution comique deux
couples américains cherchent à s'encanailler avec les
gigolos/prostituées locales. Tous ces enjeux se résoudront dans une
unité de temps et de lieux durant une soirée festive parmi tant d'autres
du Wonder Bar.
Lloyd Bacon mène tous ses registres avec brio
grâce à son sens du rythme et un riche casting. Dolores del Rio affole
autant qu'elle émeut en amoureuse éperdue (et une première apparition
mémorable en négligé blanc) tandis que Ricardo Cortez allie séduction et
vilénie avec brio. Kay Francis n'est pas en reste niveau séduction et
amène un jeu plus subtil que del Rio dans le dépit amoureux et on
savourera le grand numéro de maître de cérémonie sautillant d'Al Jolson
(géniale scène sur ses origines russes).
Les séquences musicales ne
constituent pas ici le clou du récit puisqu'elles n'en sont pas l'enjeu
et constituent plutôt une spectaculaire ponctuation des états d'âmes des
personnages. La valse d'ouverture est typique de l'emphase de Berkeley
et illustre l'euphorie et le romantisme de la vie parisienne,
démultipliant les danseurs derrière des colonnes, confondant les couples
dans une série de fondus au noir sur la piste et les unissant dans
d'impressionnantes formes géométriques. Plus tard un tango furieux
illustrera la liaison destructrice de Harry et Inez, sans le moindre
artifice grandiloquent si ce n'est un fouet claquant sur une Inez
soumise et folle d'amour. Le film fait preuve également d'une certaine
audace pour le meilleur et pour le pire.
Le plus osé sera cette scène
dont on se demande comment elle a pu passer entre les filets du Code
Hays où un homme vient demander une danse à un couple sur la piste et
ignore la jolie jeune femme pour choisir son partenaire. L'allusion gay
est même surlignée par une envolée maniérée d'Al Jolson Boys will be boys! Woo ! (une scène ouvrant d'ailleurs le documentaire The Celluloid Closet (1996) sur l'imagerie gay à Hollywood). Cette ouverture est contrebalancé par le controversé Goin’ to Heaven on a Mule
numéro musical concluant le film.
Al Johnson grossièrement peinturluré
en noir y accède ainsi à un paradis truffés de clichés raciste où le
ciel est un havre composé de cuisse de poulet frit, arbres aux côtes de
porc et pastèques. Consternant d'autant que contrairement aux autres
scènes musicales on cherche encore le lien avec la trame du film, ce
racisme n'étant même pas atténué par la scénographie et la chorégraphie
pauvres de la séquence. Un moment gênant qui gâche un peu la conclusion
plutôt réussie quant au sacrifice d'Al Jolson.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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