Amant de Madeleine de
Seaulieu, patronne d’une maison de haute couture, Antoine rencontre Claire, la
meilleure amie de celle-ci. Antoine, entretenu par Madeleine, se fait passer
pour riche, alors que Claire, mariée à un archiviste, fait croire qu'elle est
la femme d'un diplomate que ses occupations absorbent à longueur de journée,
mais à qui elle doit son samedi et son dimanche. Les jours passent dans la
facilité, elle vivant dans son rêve, et lui, échappant à l'accaparement
tyrannique de Madeleine.
Philippe de Broca avait développé un univers personnel et
ludique à travers ses deux premiers films Les Jeux de l’amour (1960) et Le Farceur
(1960), porté par son double cinématographique d’alors Jean-Pierre Cassel. L’acteur
par son personnage séducteur, sautillant et immature y incarnait
merveilleusement les thématiques chères à de Broca sur la fuite du réel vers un
monde de rêve. L’Amant de cinq jours
est sans doute la plus belle réussite de la collaboration entre Jean-Pierre
Cassel et de Broca mais c’est pourtant un film que le réalisateur n’aimait pas.
Ce refuge dans le rêve constituera toujours une issue positive dans toute la
filmographie de de Broca, quitte à saborder son intrigue par une pirouette
narrative comme dans Un Monsieur de compagnie (1964) ou de transformer un dénouement supposé tragique en
triomphe avec le chef d’œuvre Le Roi de cœur
(1966). L’Amant de cinq jours semble
être une des rares fois où de Broca confronte ce tempérament rêveur à une vraie
noirceur, ce qui peut expliquer son désamour pour le film.
Quand souvent la
légèreté et l’insouciance du fantasme est synonyme de refuge pour de Broca, c’est
ici la résultante d’une peur profonde pour chacun des personnages. Madeleine
(Micheline Presle), directrice d'une maison de haute couture voit dans son amant
juvénile et entretenu Antoine (Jean-Pierre Cassel) l’illusion de sa beauté et
jeunesse pourtant déclinante. Claire (Jean Seberg) jeune mariée mère de deux
enfants projette également sur Antoine qu’elle croit riche la flamboyance
absente de son quotidien ordinaire. On pourrait même y ajouter son époux
Georges (François Périer), si perdu dans ses ouvrages et son gout pour l’Histoire
qu’il n’en remarque pas l’infidélité d’une épouse trop souvent absente du
foyer.
Paradoxalement, Jean-Pierre Cassel, tout en réitérant une performance
bondissante et enjouée incarne finalement le personnage le plus lucide et en
quête de réel. Les après-midi avec Claire sont des esquisses de passion trop
brèves qui s’arrêtent quand il est l’heure de rejoindre mari et enfant ou
lorsqu’arrive la fin de semaine. Les weekends avec Madeleine offre un vague
semblant de vie de couple alors qu’en semaine elle est bien trop occupée pour
être en sa compagnie. Antoine comble les vides affectifs de ses deux amantes
tout en étant lui-même dans une frustration affective perpétuelle. Et c’est
précisément en essayant d’y remédier qu’il risquera de tout perdre.
Avant d’en montrer les limites, de Broca amène ainsi toute
la flamboyance romantique dont il est capable lors des scènes de couple. Dans l’alcôve
de l’appartement, la fantaisie côtoie le rapprochement charnel le plus tendre
lorsqu’après avoir improvisés une danse écossaise, Antoine effeuille avec une
infinie délicatesse une Claire conquise et le dévorant des yeux. On touche le
sublime lors de leurs première nuit ensemble, là encore amusement et passion
amoureuse s’entremêlant. Un passage tumultueux sur les champs de cours précède
ainsi une sublime traversée nocturne de Paris en péniche, la danse du couple
alternant avec des vues les immeubles endormis brièvement éclairés.
La
magnifique musique de George Delerue parvient à traduire la candeur de ces
instants tout en exprimant une profonde mélancolie traduisant leur nature
éphémère. Cela annonce les lendemains qui déchantent où chaque personnage verra
son fantasme cruellement se retourner contre lui. Madeleine voit ainsi Antoine
l’abandonner pour une Claire plus jeune. Celle-ci voit la réalité la rattraper
avec un amant lui promettant une redite de sa vie terne en souhaitant vivre
réellement avec elle et par ses propres moyens.
Jean Seberg compose un personnage indigne sur le papier mais
touchant dans sa quête d’absolu, fut-il factice. Claire délaisse mari et enfant
sans remord tant qu’est maintenue l’illusion, poursuivant sa liaison avec
Antoine même quand elle connaîtra la vérité sur la source de ses revenus. Les
sentiments de la jeune femme sont indéfectibles tant que subsiste le contour du
rêve quant à l’inverse ceux d’Antoine seront tout aussi solides face au mensonge
(Claire se vantant d’une pseudo-vie de grande bourgeoise) mais pour emmener
leur romance vers le réel. En restant fidèle à ses préceptes, de Broca dessine
donc un drame cruel ou cette fuite dans le rêve perd tous ses atours facétieux
pour constituer une prison qui s’ignore.
François Périer (touchant de tendresse
aveugle et/ou résignée) en époux aimant et capable de pardonner maintient l’illusion
d’un foyer uni et Madeleine (magnifique Micheline Presle qui campera une beauté
fanée avec plus de grâce encore dans Le
Roi de cœur) se trouvera sans doute un autre amant juvénile pour se
rassurer. C’est pourtant bien le sort du couple phare qui bouleverse. Antoine
dans la solitude de sa garçonnière et surtout Claire qu’on devine prête à céder
à une autre promesse d’ailleurs clinquant et l’éloignant de tout choix
douloureux. Plutôt que de nous faire échapper à une réalité douloureuse, les
rêves laissent échapper un bonheur à portée de main. Un paradoxe qui explique le
reniement de de Broca mais qui constitue toute la beauté du film.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez TF1 vidéo
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