Après la perte brutale de son amant, Watako retourne discrètement à sa vie conjugale, sans parler à personne de cet accident. Lorsque les sentiments qu’elle pensait avoir enfouis refont surface, elle comprend que sa vie ne pourra plus être comme avant et décide de se confronter un à un à tous ses problèmes.
La Mélancolie est le second long-métrage de Takuya Tako, jeune réalisateur ayant davantage travaillé au théâtre en tant que dramaturge et metteur en scène. C’est une expérience dont il irrigue habilement La Mélancolie dans ses choix narratifs et esthétiques. La scène d’ouverture notamment nous fait découvrir l’héroïne Watako (Mugi Kadowaki), tandis que la voix de son interlocuteur masculin se fait entendre en laissant ce dernier est hors-champs. Le cadre (un site de camping) et l’intimité de la tente laisse supposer que Kimura (Shota Sometani) est le mari ou du moins le compagnon, mais la conversation du couple sur le chemin du retour nous indiquera qu’il s’agit de l’amant. La séparation qu’on devine coutumière du couple illégitime va malheureusement s’avérer définitive à cause d’un tragique incident auquel assiste Watako, impuissante et forcée de garder ses distances.
Takuya Tako procède de la même façon tout au long du récit, exprimant un constant décalage entre ce qu’évoque l’image et l’environnement des relations entre les personnages, puis la réalité sous-jacente de ces liens. Ainsi la scène d’ouverture exprimait des sentiments et une proximité tout en traduisant de manière implicite l’adultère par l’hors-champ, alors que le couple marié et légitime formé par Watako et Fuminori (Kentaro Tamura) révèle le fossé qui le sépare en les réunissant paradoxalement à l’image. Les racines théâtrales de Tako se ressentent dans les plans d’ensemble de l’appartement conjugal que Watako et Fuminori arpentent sans se regarder, des discussions banales imprégnés d’un langage corporel dénué de la moindre marque d’affection. Un simple échange laissait transparaître la complicité du couple adultère, de longues séquences communes révèlent le schisme des mariés. Les dialogues finiront par révéler les raisons de cet état, mais Takuya Tako n’est jamais meilleur que quand il le traduit par une forme froide, une neutralité de la photo prolongeant celle des interactions des protagonistes.Le réalisateur se fait ainsi le vecteur d’un non-dit, d’un refoulé typique de la société japonaise ou rentrer dans le rang et maintenir les apparences prévaut sur la confrontation. Les errances de l’héroïne, comblant la disparition du disparu en remontant le fil de sa vie et ses proches, est désormais un adultère plus spirituel que charnel lui permettant d’échapper encore au délitement de son couple. Tant que cela passe par la pure image et ne se perd pas en surlignage dialogué, l’introspection et la mélancolie (belle inspiration que ce titre francophone) sont palpable et n’en rendront que plus poignant les sursauts plus expressifs des émotions. Le mariage s’avère un carcan institutionnel dont les étapes s’imposent de façon programmatique (la manière dont Kimura annonce vouloir une maison et un enfant à Watako), alors que l’insouciance, la complicité et la passion n’existe qu’en dehors de cette cage.La Mélancolie est donc une œuvre sensible et subtile dans son approche, même s’il ne manquera pas de laisser un sentiment de redite dans le fond et la forme (pour le spectateur français du moins) par rapport à la ligne éditoriale de son distributeur Art House ayant sorti plusieurs films creusant le même sillon (The Housewife (2022), Love Life (2023)…).En salle le 14 août
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