Boris Szames fond une recherche très documentée, riches en bons mots et anecdotes, dans le récit alerte de l’ascension de Marion Morrison, sa mue en John Wayne puis la bascule de cette superbe au vieillard réactionnaire en décalage avec son temps. L’auteur dépeint son enfance pauvre et ballotée à travers le pays, le désamour maternel, les déconvenues paternelles, qui endurciront le garçon d’abord chétif mais bagarreur amené à devenir le gaillard bien bâti et fier à l’écran. Boris Szames développe l’apprentissage du jeune acteur pour devenir John Wayne, les aléas de la vie et une ascension laborieuse faisant de son aura héroïque une pure création de cinéma. LE cowboy américain par excellence ne s’est en effet pas construit dans les rudesses de l’Ouest depuis l’enfance, mais sur les plateaux en tirant le diable par la queue durant les années 30. Là, durant le tournage de westerns de série B voire C, il côtoie d’authentiques cowboys dont il observe puis mime les manières rustres, y trouvant sa fameuse démarche chaloupée.
Le mentor et père spirituel John Ford qui a constamment gardé un œil sur lui durant ces heures de vaches maigres lui donnera la seconde chance (la première étant dû à Raoul Walsh sur le western à gros budget La Piste des géants (1930) échec commercial avec un Wayne encore trop tendre et citadin pour la tête d’affiche en mâle alpha de l’Ouest) qu’il saura saisir avec La Charge fantastique (1939). On regretterait presque la brièveté l’ouvrage tant certains chapitres, dont celui consacré à l’amour vache entre Ford et Wayne, s’avèrent savoureux et plaisant à lire sous la verve de l’auteur. C’est cependant cette concision qui construit habilement les contradictions de John Wayne, « american hero » des écrans mais « planqué » du vrai front alors que des stars hollywoodiennes comme James Stewart ou Henry Fonda s’engagent réellement durant la Deuxième Guerre Mondiale.
Si ce retrait (qui lui sera largement renvoyé par ses
détracteurs) va asseoir sa position au box-office durant les années 40, cela
restera une fêlure qu’il cherchera à compenser par un anticommunisme primaire
durant la Guerre Froide, aussi convaincu qu’opportuniste. Boris Szames ne prend
jamais de haut l sujet de son portrait, dépeignant sans fard la dichotomie
entre l’homme public et ses opinions réactionnaires, mais faisant montre d’une
vraie tendresse pour la star intime, jusqu’au bout dans ses petits souliers
face à « pappy » John Ford (qui lui impose sa présence sur le
tournage de Alamo (1960) sa première réalisation). La description des
vieux jours, du déclin, de la mélancolie et perte des compagnons de route est
très joliment écrite, faisant du livre une vraie œuvre littéraire au-delà du
seul portrait biographique. Libre au lecteur d’aller chercher des ouvrages plus
fouillés s’il souhaite en savoir davantage, mais Boris Szames nous offre là
plus qu’une belle introduction au mythe John Wayne et à son envers plus controversé, en résonance avec une société contemporaine moins indulgente.
Publié dans l'excellente collection Stories aux éditions Capricci
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