Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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dimanche 13 octobre 2024

Old Boy - Park Chan-wook (2003)


 1988. Oh Dae-soo est kidnappé par des inconnus en sortant de chez lui. Après avoir perdu connaissance il se rend compte qu'il est emprisonné, quelque part. Tous les jours il est nourri et lavé. Après une tentative d'évasion et une tentative de suicide qui échouent, il se rend compte qu'il n'a même plus la liberté de se donner la mort. En regardant la télévision il découvre que sa femme a été sauvagement assassiné et qu'il est le suspect n° 1. Dae-so jure de se venger...

Old Boy est l’œuvre qui mis en lumière l’âge d’or entamé par le cinéma coréen depuis le début des années 2000. Des films comme JSA de Park Chan-wook (2000), L’île de Kim Ki-duk (2000), Peppermint Candy de Lee Chang-dong (2000) ou Ivre de femmes et de peinture de Im Kwon-taek (2002) s’était déjà, entre autres, taillés un chemin vers les salles ou vidéoclubs français mais Old Boy marque vraiment un tournant. La sélection et l’obtention du Grand prix du jury au Festival de Cannes 2004 (après être passé de peu à côté de la Palme d’or avec une président du jury aussi réceptif que Quentin Tarantino) va en effet populariser le thriller coréen, genre longtemps le plus plébiscité issu du pays du matin calme. L’esthétique léchée, la violence décomplexée, le sadisme physique et psychologique, tous ces éléments qui détoneront du tout venant et deviendront des archétypes du genre éclatent ainsi à la face du monde avec Old Boy – sortie la même année qu’un autre marqueur majeur, Memories of Murder de Bong Joon-ho.

Old Boy est l’adaptation du manga éponyme de Nobuaki Minegishi et Garon Tsuchiya (publié en 1997), et constitue le deuxième volet de la trilogie de la vengeance de Park Chan-wook, initiée par Sympathy for Mister Vengeance (2002) et conclut par Lady Vengeance (2005). Si Sympathy for Mister Vengeance marie le thriller à la profonde noirceur nihiliste, Old Boy masque davantage son jeu. Son postulat hors-normes, ses morceaux de bravoures devenus mythiques (le poulpe ingurgité vivant, le combat sauvage en travelling à un contre dix) et ses environnements stylisés en font un pur film de genre captivant et jouissif. D’ailleurs Lady Vengeance avec l’allure iconique de l’héroïne lorgnant sur celle de La Femme Scorpion appâte d’une manière semblable par un écrin chatoyant avant de cueillir le spectateur à froid. Alors que Sympathy for Mister Vengeance dénonce un système et dépeint une fatalité conduisant à une violence par laquelle chacun est à la fois coupable et innocent, Old Boy nous fait faussement jubiler avant de nous entraîner dans les tréfonds de l’âme humaine.

L’hilarante scène d’ouverture voyant Oh Dae-soo (Choi Min-sik), ivre au dernier degré, semer la zizanie par ses pitreries dans un commissariat, est l’expression d’une attitude désinhibée stimulées par les volutes de l’alcool. Les manquements à la bienséance du personnage s’inscrivent dans une norme sociale typiquement coréenne et acceptée par ses interlocuteurs cherchant simplement à le calmer. Les 15 ans de captivité forcée, sans la moindre interaction, laissent émerger un tout autre homme. Oh Dae-soo s’avère en décalage avec son environnement par ses silences, ses réactions inattendues, désormais en dehors de la norme malgré une différence moins exubérante que celle temporaire causée par l’ivresse. Le salaryman hors de forme s’est mué en un intimidant homme taiseux, l’isolation en a fait un homme différent, presque un surhomme comme souhaite nous le faire croire Park Chan-wook. L’expérience géôlière douloureuse en a fait un être désormais dédié à un seul et unique but, la vengeance.

Le jeu de piste et l’atmosphère paranoïaque forment une boucle de cette soif de vengeance, l’aspect ludique masquant le ressentiment encore plus profond de l’instigateur de ce plan machiavélique. Peu à peu, l’on comprend que le décalage de Oh Dae-soo n’est pas là pour le rendre plus grand que nature, mais au contraire pour désamorcer toute aura héroïque à ses actes. La violence de certains actes escamote l’empathie possible, notamment par l’humour noir très singulier de Park Chan-wook, notamment la destruction de la dentition d’un antagoniste lors d’un interrogatoire musclé. Peu à peu, les ruades de Oh Dae-soo sont tuée dans l’œuf et semblent s’intégrer à une entreprise plus vaste, plus nocive. La première tentative d’étreinte du héros avec sa bienfaitrice Mido (Kang Hye-jeong) semble retardée à des fins romantiques (et filmée comme telle quand ils consommeront) mais tout ce que l’on prendra pour une tonalité excentrique est en fait le rouage habile d’une vengeance plus cruelle.

L’artificialité, le luxe et la grandiloquence de la majorité des décors sont la projection de la personnalité et des objectifs opaques de Lee Woo-jin (Yu Ji-tae), marionnettiste en chef. Si Park Chan-wook nous prépare habilement par les motifs évoqués à la chute de son héros hargneux, le méchant n’échappe pas à cette déconstruction de la vengeance. En allant au bout de sa démarche revancharde, Oh Dae-soo active tous les leviers qui le conduiront à sa perte. Lee Woo-jin en accomplissant son noir dessein n’a plus qu’à faire face à son terrible passé. Park Chan-wook a brillamment mis en place l’écrin le plus chatoyant pour enfermer ses personnages dans cette terrible spirale, et la « libération » finale choisit enfin de s’éloigner de l’urbanité froide les grands espaces. Si l'ampleur de la vengeance de Le Woo-jin était à la hauteur de sa culpabilité, ce paysage final est une métaphore de l’esprit d’Oh Dae-soo, vierge d’un passé et d’un secret traumatisant. 

Sorti en bluray français chez Metropolitan

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