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mardi 11 mars 2025

La Vénus en fourrure - Le malizie di Venere, Massimo Dallamano (1969)

Séverin, réside dans un hôtel au bord d’un lac pour travailler sur son prochain livre. Arrive alors Wanda, un mannequin au pouvoir de séduction hypnotique. Séverin va d’abord espionner discrètement Wanda, qui aime se promener nue dans son manteau en fourrure. Elle lui rappelle ses premiers émois érotiques de son enfance. Puis il va l’entraîner dans une relation sadomasochiste sulfureuse.

La Vénus en fourrure est une production érotique italo-allemande adaptant le roman éponyme de Leopold von Sacher-Masoch publié en 1870. Le roman était une sorte d’autobiographie romancée de l’auteur qui contribua à démocratiser les fantasmes masochistes – l’invention du terme de cette pathologie étant inspiré, au grand dam de Leopold von Sacher-Masoch par son nom. Malgré les pratiques sulfureuses y étant dépeintes, le roman n’avait rien d’explicitement érotique et constituait davantage un dialogue et une réflexion sur l’application des préceptes masochistes au sein du couple. La libération des mœurs durant les années 60 provoque une sorte d’appel d’air pour une adaptation plus frontale du roman. On n’en dénombre pas moins de trois en cette fin de décennie avec Venus in Furs de Joseph Marzano (1967), Venus in Furs de Jess Franco (1968) et donc La Vénus en fourrure de Massimo Dallamano. Les adaptations ont dans l’ensemble davantage tendance à prendre l’argument initial comme un prétexte pour s’éloigner du roman (notamment la plus récente version de Roman Polanski en 2013, adaptant certes une pièce inspirée du roman), notamment en déplaçant l’intrigue dans un cadre contemporain. Si Massimo Dallamano cède également à cet écueil, sa version reste tout de même largement plus fidèle au matériau d’origine que les autres productions.

Dallamano est initialement est un directeur photo actif depuis la fin des années 40, officiant sur tout le spectre du cinéma italien de son temps et collaborant avec quelques grands réalisateurs en devenir, comme Dino Risi sur L’Homme au cent visages (1960) et surtout Sergio Leone pour les deux premiers volets de la trilogie des dollars, Pour une poignéede dollars (1964) et Et pour quelques dollars de plus (1965). Passé à la réalisation durant la fin des années 60, Dallamano fait déployer une courte (il décède prématurément d’un accident de voiture en 1975) mais passionnante filmographie où son brio formel va lui permettre d’aligner quelques pépites bis dans le giallo (Mais... qu'avez vous fait à Solange ? (1972)) ou le cinéma érotique (Annie ou la Fin de l'innocence (1976)).

Le récit s’amorce par la romance construite sous forme de « contrat » entre Séverin (Régis Vallée) et Wanda (Laura Antonelli). Séverin est un jeune bourgeois pour lequel, depuis un traumatisme d’enfance, l’amour et la volupté se confondent avec la douleur physique et psychique. La rencontre avec Laura ravive ce souvenir d’enfance par le biais du voyeurisme quand il observera les ébats de cette dernière avec un employé par le trou du mur de sa chambre. En séduisant Wanda, il reconnaît en elle son égal et celle qui osera pousser au plus loin ses fantasmes les plus retors. En effet, Laura était consciente d’être observée durant sa coucherie, et assume être incapable d’être assouvie trop longtemps par l’amour d’un seul homme. Dès lors, sur la proposition insistante de Séverin, un jeu de rôle et d’humiliation s’instaure, dont le couple ne ressortira pas indemne.

Le tournage hors d’Italie permet à Massimo Dallamano de dresser un écrin érotique aussi raffiné qu’explicite pour l’époque. Lesbianisme, sadomasochisme, nudité frontale et situations scabreuses en pagaille s’affichent dans un filmage stylisé où jeu d’ombres baroques, cadrages sophistiqués et direction artistique rococo mettent en valeur les corps nus et les poses lascives du casting photogénique en diable. Si la forme est au rendez-vous, Dallamono n’exploite pas pleinement le fond constituant la sève du roman, ce questionnement quant à la démocratisation d’un rapport masochiste au sein du couple, le rapport dominant/dominé ambigu, la notion de contrat sur les écarts jusqu’auquel peut entraîner le fantasme. Il se montre même presque moralisateur en instaurant un rapport de jalousie bien plus terre à terre lorsque Wanda s’amourache d’un mâle caricaturalement viril au détriment de Séverin préférant (pour un temps) observer et souffrir.

Néanmoins, Dallamono se montre assez visionnaire sur l’imaginaire érotique que charrie une Laura Antonelli (ici blonde) et pas encore star. Le fantasme du candaulisme (soit voir sa compagne possédée par d’autres hommes) est un cœur du génial Ma femme est un violon de Pasquale Festa Campanile (1971), dont l’imagerie de BDSM ludique est d’ailleurs reprise par Dallamano puisque la scène où Laura Antonelli chevauche Séverin suit celle celle de L’Amour à cheval (1968) du même Campanile. Laura Antonelli possède cet érotisme ambigu entre la madone et la nymphomane où elle semble subir et savourer les situations scabreuses dans lesquelles le récit la plonge, parfois en même temps – la scène où elle finit en larmes après avoir couché avec le peintre. 

C’est un fil rouge de sa persona filmique dont certains réalisateurs sauront s’emparer avec brio tel le Luigi Comencini de Mon dieu comment suis-je tombée si bas ? (1974). Le revirement « moral » final et antinomique avec le livre renforce cela, la chevelure blonde de l’actrice renforçant pour une fois davantage le côté vamp sulfureuse que madone secrète. La Vénus à la fourrure s’avère en définitive un vrai plaisir esthétique, et malgré ses scories le haut de gamme en termes d’ambition thématique du tout venant du cinéma érotique de l’époque.

Sorti en bluray français chez Artus Films

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