Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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mercredi 11 septembre 2013

Pain & Gain - Michael Bay (2013)


À Miami, Daniel Lugo, coach sportif, ferait n’importe quoi pour vivre le « rêve américain » et profiter, comme sa clientèle fortunée, de ce que la vie offre de meilleur : maisons de luxe, voitures de course et filles de rêve… Pour se donner toutes les chances d’y arriver, il dresse un plan simple et (presque) parfait : enlever un de ses plus riches clients et… lui voler sa vie. Il embarque avec lui deux complices, Paul Doyle et Adrian Doorbal, aussi influençables qu’ambitieux.

Michael Bay et ses blockbusters décérébrés constituent pour beaucoup la lie du cinéma commercial américain. Effets clippesques tout en montage syncopé et filtres pétaradants, couchers de soleil publicitaires dignes d’un clip d’Aerosmith et scènes d’actions over the top, tout Michael Bay est là. Chez lui, les personnages masculins sont de préférence bien bâtis, rigolards et machos, les filles des bimbos aux formes affolantes - Scarlett Johansson, Kate Beckinsale ou Megan Fox y sont exposées sous leur jour le plus sexy - tandis que les exploits héroïques se font le plus souvent sur fond de bannières étoilées où la corporation militaire est largement mise en valeur.

Michael Bay, c’est un peu l’américain moyen qui quand il va au restaurant commande le plus gros steak et lorsqu'il s'agit d'acquérir une nouvelle voiture s’achète le Hummer le plus imposant. Le tout est ainsi d’en mettre plein la vue et d’en imposer, ce qui se retrouve dans ses films à l’action démesurée, Bay aimant qualifier une séquence spectaculaire réussie de "awesome", son effet de style favori étant le travelling circulaire. Mais si tout cela est bien vrai, on aurait toutefois tort d’y résumer là Michael Bay, le cinéaste s’avérant bien plus intéressant que des tâcherons anonymes et interchangeables comme Bret Rattner ou John Moore.

Tous les motifs visuels et narratifs précités représentent en quelque sorte un idéal beauf du rêve américain dans tout ce qu’il a de plus racoleur, m’as-tu-vu et putassier. Il les a largement mis en valeur dans ses premiers films, notamment Armageddon (1998), imprégné d'imagerie americana mais néanmoins étonnamment touchant sous l’avalanche de clichés, de patriotisme et de rock FM - tout comme dans Rock (1996), où entre deux explosions se dessine un intéressant rapport filial, non anodin lorsqu'on sait que Michael Bay est un enfant adopté. Par la suite, Bay se perdit en cherchant à faire du « vrai » cinéma avec le sinistre Pearl Harbor (2001) où l’épopée romantico-guerrière se rêvant nouveau Titanic (James Cameron, 1998) tournait court du fait d'un casting transparent et de scènes sentimentales dignes de la collection Arlequin, le seul intérêt du film étant finalement la scène d’attaque où il laissait s’exprimer son sens de la destruction.

Plus tard, la schizophrénie serait de mise entre nouvelle tentative de cinéma plus classique mais rencontrant l’échec commercial - la SF plutôt efficace de The Island (2005) - et films ouvertement décérébrés et vulgaires faisant un triomphe - l’inénarrable Bad Boys 2 (2004), monument de vulgarité crasse où la caméra passe en plan-séquence sous les jupes des filles, où des souris font l’amour en missionnaire et où un duo de flics rase la moitié de Cuba lors d’un climax furieux.

La saga des Transformers, pour un premier volet où Spielberg producteur aura réussi à maîtriser Bay pour un honnête divertissement, sombrera dans les écarts les plus absurdes et débiles dans les deux épisodes suivant (2009 et 2011). Dans Bad Boys 2 comme dans les Transformers, Michael Bay se plaisait à piétiner et truffer de déviances ce rêve américain (bimbos, grosses voitures et couchers de soleil) qu’il vantait - quoi qu’on en pense - avec une réelle sincérité dans ses premiers films, laissant à penser qu’il n’en était pas dupe. Entre bêtise, génie ou simple goût de la provocation, on ne savait ainsi que penser du réalisateur à ce propos. Jusqu’à Pain and Gain.

Pain and Gain est un projet de longue date de Michael Bay, qui a toujours souhaité pouvoir s’atteler à un plus petit film entre deux blockbusters mastodontes. En acceptant de signer un Transformers 4, Bay avait dans le deal exigé de pouvoir enfin réaliser Pain and Gain. Le film s’inspire d’un sordide faits divers des 90’s à Miami où un groupe de culturistes avait séquestré, torturé puis tué des nantis, les forçant à signer des documents afin de s’approprier leurs biens. Le scénario fait de cette affreuse histoire une comédie noire à la Fargo (Joel et Ethan Coen, 1995) où nous suivrons les trois culturistes dans leurs pérégrinations sanglantes. On peut résolument parler de la rencontre d’un auteur avec son sujet tant tous les tics visuels propres à Miami sont exploités : bling bling, étalage de richesse, bimbos siliconées et climat ensoleillé dans une sorte de catalogue publicitaire du plus mauvais goût.

Un cauchemar pour certains, le rêve américain pour d’autres à l’image du héros Daniel Lugo (Mark Wahlberg). Coach dans une salle de sport, ambitieux et persuadé que son tour viendra dans la longue file d’attente de la réussite sociale, Daniel Lugo décide pourtant de prendre un sanglant raccourci. L’étalage vulgaire de plaisir et la frustration vis-à-vis de sa clientèle richissime vont donc l’amener au kidnapping du vantard et plein aux as Kershaw (Tony Shalhoub) dont il va spolier la fortune avec l’aide de ses acolytes, le frustré et adepte des stéroïdes Adrian (Anthony Mackie) et le colosse Paul (The Rock).

L’intrigue développe une escalade de séquences extrêmes et hilarantes où Bay dénonce la bêtise profonde de ses héros ainsi que la vacuité du rêve qu’ils poursuivent. Tout n’est qu’apparence à l’image du culte du corps qu’ils entretiennent et les mantras ridicules de sportifs dont ils se galvanisent ("My name is Daniel Lugo, and I believe in fitness") et qui seront les mêmes que lorsqu’ils chercheront la fortune, d’abord avec des gourous ("Are you a doer, or are you a dont’er?") puis ensuite dans leur actions criminelles extravagantes - où même là ils ne montreront guère de disposition, telle cette longue scène de meurtre raté où effectivement l'on nage en plein Fargo.

Une fois fortune faite, le rêve américain a effectivement belle allure, ce même s'il s’avère bien conventionnel : villas en quartier résidentiel, voitures de luxe et cocaïne. Le personnage de Kershaw s’avère tout aussi pathétique dans la manifestation de sa réussite sociale, énumérant ses possessions et alignant les punchlines condescendantes à mourir de rire (« Tu sais qui a inventé la salade ? Les pauvres ! »).

 Michael Bay démarre le film dans son esthétique bien connue : palmiers, coucher de soleil flamboyant, boîte de nuit aux strip-teaseuses topless… seulement, il n’y a plus comme dans ses films d’action de héros téméraires et courageux aptes à surgir de cette fange mais bien trois pieds nickelés hors-la-loi. Dès lors, cette imagerie du rêve américain vire sous acide avec des idées de mise en scène complètement folles, des situations déviantes (la scène du barbecue final vaut à elle seule le déplacement) et un festival de répliques aussi ordurières qu’inventives. Un panneau viendra même, lors d’un dérapage anthologique, rappeler au spectateur stupéfait de tant d’excès que « Ceci est toujours une histoire vraie » !

Les trois acteurs donnent magnifiquement de leur personne, Mark Wahlberg pur produit de cette Amérique white trash de par son passé - et certains de ses rôles comme Boogie Nights (Paul Thomas Anderson, 1997) ou le récent Fighter (David O. Russell, 2011) - dévoile un potentiel comique énorme, surgonflé et l’air ahuri tandis que The Rock amène une - petite - touche d’humanité avec ce personnage pieux et en quête de rédemption, entre deux sniff de cocaïne tout du moins. Pain and Gain, assez éreintant et un peu trop long dans ses excès, demeure cependant un sacré ovni et couve un potentiel de film culte en puissance.

Mais le plus drôle serait de voir un pamphlet dans la vision de ce que Michael Bay a toujours célébré, ce dont on doute fort et que l’épilogue confirme, où plus que dans l'objectif, c'est dans les moyens employés (et l’imbécilité des protagonistes) qu’il faut voir la critique. La vie de pacha, ça se mérite et ce n’est pas cet acharné de travail (dix films en treize ans tout de même) qui dira le contraire. Un parfait pendant du Spring Breakers (et dans une moindre mesure le Bling Ring de Sofia Coppola) de Harmony Korine pour ce qui est en cette année 2013 du rêve américain sous acide .

En salle en ce moment 

2 commentaires:

  1. Un article de la revue "So film" traite de cette histoire. Je ne sais pas si je dois te remercier mais tu m'as donné envie de le voir !

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  2. Hé hé à la rigueur si l'on n'est pas client de Bay (compréhensible) et qu'il ne fallait en voir qu'un ce serait bien celui là.

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