Lorsqu'il parade au
milieu de ses amis, Antonio Berlinghieri, ingénieur de quarante ans, fait
étalage de sa forme sportive et de ses succès de tous ordres. Le médecin l'a
bien prévenu d'avoir à se ménager, mais il n'en tient pas compte. Un dimanche
matin, il prend sa décapotable pour aller voir son fils dans l'internat où il
l'a mis. Sur la route, il dépanne un groupe de jeunes et reste avec eux, n'ayant
d'yeux que pour Francesca. Démon de midi ? Les jeunes se moquent de lui, mais
il s'accroche.
La Voglia Matta
est une sorte de film jumeau du bien plus célèbre Le Fanfaron (1962) de Dino Risi et qui comme ce dernier sous
couvert de comédie estivale légère distille une mélancolie inattendue. Le récit
narre une sorte de conflit des générations entre la jeunesse italienne oisive
et insouciante du début 60’s avec celle plus mature qui au sortir de la guerre
et à force de travail aura rendu possible le boom économique que le pays. D’un
côté il nous sera d’abord présenté Antonio Berlinghieri (Ugo Tognazzi), ingénieur
quarantenaire et macho italien dans toute sa splendeur, coureur et séducteur
avec les femmes qui se réduisent à une source de plaisir mais avec lesquels il
évite tout rapport trop sentimental, à l’image de la jolie maîtresse entretenue
qui l’accompagne en début de film.
Un premier scénette en aparté (motif qui
courra tout le film pour montrer le décalage du héros entre ce qu’il est et tel
qu’il souhaite paraître) nous montre néanmoins la vulnérabilité qu’abrite cette
attitude virile avec son médecin lui recommandant une existence moins agitée
que celle actuelle du jeune homme qu’il n’est plus. Parti au volant de sa
rutilante décapotable blanche (la Lancia du Fanfaron
est remplacée par une Alfa Roméo mais renforce l’effet miroir entre les deux
films prolongement de l’autosatisfaction de Gassman comme de Tognazzi en
personnages similaires ) en voyage d’affaire et visiter son fils en internat,
Antonio va croiser la route de jeune gens en panne qu’il dépanne tout en étant
quelque peu raillé par eux. Une suite circonstance l’amène à devoir s’acoquiner
à eux bien malgré lui et bien qu’il s’en plaigne, la situation n’est pas pour
le déplaire puisqu’il est sous le charme de la belle Francesca (Catherine
Spaak).
Raillant tout d’abord les attitudes séductrices de la jeune
femme de seize ans, Antonio va pourtant peu à peu s’abandonner à un sentiment
qui lui est inconnu. Catherine Spaak croise candeur et vraie séduction érotique
avec un talent certain dans ce qui était son principal emploi dans ses premiers
rôles adolescent (Les Adolescentes
(1960) d’Alberto Lattuada, Le Fanfaron
encore). Visage d’ange, regard mutin et attitudes aussi tendre que provocantes,
il n’en faut pas plus pour tourner la tête d’Antonio incapable de quitter ces
jeunes gens bruyants et rieurs tant qu’il n’aura pas conquis Francesca.
L’ensemble du film est ainsi une
suite d’humiliation ou son corps forcit, ses mœurs dépassées et même
l’expression vieux jeu de son amour se verra confrontée, toujours à son désavantage,
à la vigueur et à l’insouciance de ses acolytes juvénile. Francesca n’y voit
qu’un jeu même si on devine un certain attachement pour cet homme mûr bougon.
Elle est encore dans une phase où elle teste son pouvoir de séduction et passe
d’un bras d’un garçon à un autre, embrassant chacun sans distinction. Antonio
retombe ainsi en adolescence, cédant à tous les défis et vantardises possible
pour conquérir sa belle mais sera constamment en décalage de par le fossé des
générations et son physique moins fringant. On s’amuse ainsi beaucoup de voir
toute ses tentatives de se mettre en valeur tomber à plat pour l’hilarité de
tous, manquant de peu la noyade dans une course à la nage, forcément ridicule
quand les garçon en slip font un concours de culturistes, malmené quand il
tentera de se battre avec un rival amoureux évidement plus vif…
Les apartés en
flashback ou issus de son imagination (ainsi que les rodomontades en voix-off)
renforce le fossé entre ce qui peut fonctionner avec des gens de sa génération
(la blague provoquant l’hilarité en flashback et la circonspection au présent
avec une répétition pathétique) et pas du tout avec les jeunes turcs qui
l’entoure, le réel statut qu’il a dans son milieu (lorsqu’il imagine les grands
hommages qui lui seront rendus s’il mourrait) et les rires méprisant de cette
jeunesse pour laquelle il n’est qu’un vieux schnock râleur.
Comme tout amoureux
fou il est conscient de sa bêtise mais ne peut faire autrement tel ce moment où
son double lucide incite à son moi
inconsistant de reprendre ses esprits. Tout cela se fait dans la langueur de
l’été faite de danse, de jeu sur la plage et de baisers fougueux. Par de courts
instants, on sent cette superficialité s’évaporer pour de vrais sentiments et
une tendresse sincère (magnifique scène de slow où Catherine Spaak abandonne la
posture pour réellement se blottir dans les bras d’Ugo Tognazzi) mais une
blague potache viendra toujours désamorcer ces élans pour un retour à la
désinvolture.
S’il ne peut égaler ces rivaux en vigueur, Antonio loin du macho
du début gagne en empathie en exposant sa détresse de cette façon. A l’inverse
les jeunes oisifs nous apparaîtront de plus en plus superficiel et ignares
(cette fille pensant que Mussolini est un musicien) et l’on a même un court
instant presque prophétiques des soubresauts politiques à venir quand on les
verra hilares écouter un discours d’Hitler.
Un parfum de spleen se fait progressivement sentir, autant
pour les jeunes que cette fin d’été va ramener à leurs obligations scolaires
qu’à Antonio comprenant qu’il est condamné à échouer. Les flashbacks et le
décalage qui en résulte se fait alors assez cruel quand on voit le pas que cet
homme froid (la rencontre avec son fils en pensionnat) a été capable de
franchir par amour, en vain.
Il n’aura droit qu’à un vague regard endormi et à
la dérobée de Francesca pour des adieux invisible et devra reprendre le cours
de son existence sans l’avoir revue une dernière fois. Les dernières sont
bouleversantes dans l’illustration de l’amour éconduit, que ce soit cette larme
qu’il laisse perler sur sa joue et surtout cette autoroute qu’il sillonne au
ralenti, tout à son chagrin et laissant tout le monde le dépasser.
Sorti en dvd zone 2 français chez SNC/M6 Video
Extrait
Extrait
Bravo, votre analyse est bien plus pertinente que celle du bonus de Gili sur le DVD...
RépondreSupprimerMerci ! Après c'est plus simple de dérouler sa pensée à l'écrit que sur un module dvd au temps limité, Jean Gili est un grand érudit du cinéma italien que j'ai beaucoup lire.
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