Holly Golightly, une
pétillante jeune femme, rêve d'amour et d'argent. De New York, où elle vit,
elle ne connaît surtout que les vitrines du grand joaillier Tiffany's, qu'elle
contemple platoniquement, la prison de Sing Sing, où elle rend visite à un
truand, et les restaurants où de vieux messieurs chic l'emmènent dîner. Paul
Varjak, son voisin, un écrivain en panne d'inspiration, qui vit des grâces
généreuses de sa protectrice, Edith Parenson, est rapidement séduit par le charme
mutin de Holly.
Breakfast at Tiffany's
est la première manifestation de la veine plus délicate et sensible de Blake
Edwards après des débuts placés sous le signe de la comédie potache. Le film
adapte la nouvelle éponyme de Truman Capote parue en 1958 et dont la
transposition à l’écran fut de longue haleine. Le fond scabreux demande une
illustration moins directe notamment mais le souci principal sera de trouver l’interprète
pour incarner Holly Golightly. La candidate idéale est Marilyn Monroe, Truman Capote
pensant à elle quand il écrivait la nouvelle et l’on imagine parfaitement
l’icône incarner le mélange de charme ingénu et de sensualité provocante du
personnage. Capote cédera les droits de sa nouvelle dans l’idée de voir Marilyn
jouer son personnage, initialement dirigée par John Frankenheimer.
La star
déclinera pourtant la proposition car en pleine influence actor’s studio et
sous la coupe de Lee Strasberg qui lui conseillera de refuser ce rôle de
prostituée associé à l’image sexy qu’elle souhaite atténuer (son choix se
portera à la place sur Les Désaxés
(1961) de John Huston). Après un nouveau refus de la part de Kim Novak (qui
quand on pense au Embrasse-moi idiot
(1964) de Billy Wilder aurait été un merveilleux choix aussi) les producteurs firent
un choix étonnant en engageant Audrey Hepburn, au grand désarroi de Truman
Capote. La sage, mutine et introvertie Audrey Hepburn pour incarner un
personnage aussi extravagant était un vrai risque qui allait déterminer le ton
très différent du film désormais dirigé par Blake Edwards (Frankenheimer ayant
été écarté à la demande d’Hepburn qui n’avait jamais entendu parler de lui).
L’histoire dépeint la rencontre de deux solitudes qui par
leur sexe, origines sociales et caractères opposés n’ont pas la mêmes moyens
d’échapper à leur destin. Paul Varjak (George Peppard) est un jeune écrivain en
panne d’inspiration luxueusement entretenu par une riche et séduisante
protectrice (Patricia Neal). Il va rencontrer en emménageant sa charmante
voisine Holly Golightly (Audrey Hepburn), jeune femme volage subsistant en se
prostituant auprès d’amants nantis mais qui rêve de jours meilleurs symbolisé
par ces arrêts au petit matin devant les vitrines du joaillier Tiffany’s. Le
récit marque progressivement les similitudes et différences entre Paul et Holly.
Plus introverti et réfléchi, Paul pêche par oisiveté en s’engonçant dans le
confort accordé par sa riche bienfaitrice et retardant ainsi son retour à
l’écriture.
Holly n’a pas cette planche de salut artistique et s’accroche à des
rêves aussi incertains que ses nombreux amants, le scénario résumant les
« passes » à un paiement de 50 dollars pour aller aux toilettes pour
dames. Avec Audrey Hepburn, la vulnérabilité et la fragilité d’Holly l’emporte
sur son côté sexy même si la seule issue vénale de réussite est savoureusement croquée
lorsqu’entre deux nouveaux arrivant masculins elle se dirigera vers celle étant
la « 9e fortune de moins de cinquante ans » au physique
pourtant fort disgracieux.
Cette seule motivation pécuniaire lui évite de
tisser des liens trop étroit avec quiconque (que ce soit son appartement pas
meublé ou son chat sans nom) mais ne lui attirera finalement que les plus
odieux et libidineux des prétendants. Le passé douloureux (mariage précoce,
enfance rurale misérable, petits larcins) se devine en filigrane au fil du
récit et la fuite en avant permanente de Holly devient compréhensible, elle qui
n’a jamais représenté qu’un bel objet même pour ceux l’aimant sincèrement à
l’image de du vieux vétérinaire texan et éphémère époux revenu la chercher à
New York.
Dépeint ainsi on pourrait croire le film réellement lugubre
mais il n’en est rien. La relation amicale entre Paul/ Fred et Holly amène une
éclaircie et une légèreté bienvenue à cet arrière-plan tragique, chaque scène
commune faisant étalage de leur complicité dans un grand éclat de rire. On
pense à cette séquence de fête où Blake Edwards répète The Party (1968) avec ces convives hétéroclites et alcoolisés, son
festival de gags délirants.
L’excursion où le couple tente de nouvelles
expériences loufoques est une pure merveille de drôlerie également dans un New
York de conte de fée. C’est pourtant bien quand l’environnement s’estompe, que
les personnages sont laissés seuls à leur mélancolie et échangent des regards
aimant que la magie fonctionne pleinement. C’est le cas lors de ce baiser au
retour de la fameuse ballade mais surtout quand Holly entonne la merveilleuse Moon River, alertant à l’étage du dessus
un Paul subjugué. Blake Edwards à travers le regard de Paul nous place à ces
deux moments en plongée face à une Audrey Hepburn mise à nu et délestée de sa
superficialité de façade pour redevenir ce petit être fragile qu’il faut protéger.
Il faudra pourtant qu’elle apprenne à se sauver elle-même en acceptant que le
vrai salut extérieur ne peut venir que de l’amour et pas d’une fortune
conséquente, un long chemin qui passera par d’autres péripéties malheureuse. On
passera sur les rares fautes de gouts (Mickey Rooney en japonais caricatural, l’intrigue
policière des bulletins météo amenée de manière assez poussive) pour ne se
souvenir que de ce merveilleux final sous la pluie new yorkaise où, enfin, le
couple s’avoue désirer la même chose au même moment dans un tendre baiser
final. Le conclusion plus amère de Truman Capote se voit supplanté par cette issue plus lumineuse dans une bijou de comédie romantique.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Paramount
Et la merveilleuse Moon River par Audrey Hepburn
Final repris par Eastwood du côté de Madison... Lecture conseillée (désormais en poche) :
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