Emmet, une personne
ordinaire vivant à Briqueburg, est pris par erreur pour le Spécial, qui peut
sauver l'univers. Grâce à l'aide de Vitruvius, un vieux mystique, d'une jeune
femme robuste nommée Cool Tag, et de Batman, Emmet va se battre contre le tyran
maléfique Lord Business qui veut détruire l'univers LEGO avec le Kragle, une
machine permettant de coller toutes les figurines LEGO.
Au premier abord, on ne voyait guère plus qu’une entreprise
destinée à vendre encore plus de jouets en transposant l’univers des Lego dans
un film d’animation. C’était sans compter la présence à la réalisation (et au
scénario) des deux génies Phil Lord et Chris Miller, responsable d’un des films
d’animation les plus fous et inventifs de ces dernières années, Tempête de boulettes géantes (2009). Les
deux bougres se sont mis en retrait de la suite décevante de leur classique pour
offrir un spectacle encore plus virtuose avec ce Lego Movie.
Le récit inclus dans son déroulement et visuel le principe
même du monde des Lego, du moins la façon dont il se présente sur les
présentations de ces boites. C’est donc un environnement reproduisant
fidèlement des cadres réalistes ou plus fantaisiste de manière ordonnée,
parfaitement agencée et où les figurines aux visages uniformisés et
interchangeable se réduise à leur seule fonction. Un peu figé si l’on y voit
que des jouets, ce cadre devient un cauchemar totalitaire à la Brazil (1985) dès lors qu’on y invite la
fiction.
Sous les couleurs bariolés et la joie de vivre de façade, le train de
vie y est donc terriblement monotone et robotique (auquel s’ajoute une satire
sur les sitcoms simplistes, la pop FM uniformisée et abrutissante dans les
hymnes joyeux des ouvriers) où végète le normal et peu imaginatif Emmet,
ouvrier de chantier.
Il va découvre l’existence d’un monde moins organisé et
plus imaginatif qui n’attend que son élu, son « Spécial » pour
renverser l’ordre ambiant imposé par Lord Business. En mettant la main sur l’artefact
destiné à contrer les pouvoir de Lord Business, Emmet va être pris par erreur
pour le Spécial alors que sa normalité constitue un obstacle de taille.
Miller et Lord nous baigne au départ dans une folie
parfaitement organisée et reflet monstrueux de nos existence régentée du monde
réel par l’intermédiaire des Lego. Le malaise se ressent d’emblée sous l’entrain
apparent et la solitude urbaine ordinaire se devine dans la joie quelque peu
forcée d’Emmet dans ses actes quotidiens. La rencontre avec la rébellion vient
apporter une dose d’anarchie bienvenue où les personnages déjantés apportent
une irrésistible dose d’imprévu. Notre héros se retrouve ainsi entraîné dans le
sillage de maîtres constructeurs, des êtres imaginatifs et incontrôlable
capable de transformer cette réalité trop ordonnée.
Le côté géométrique et
encastrable des éléments de décors et d’objets est dynamité par ce don de
transformation qui pliera constamment l’univers à l’imagination des rebelles.
Cela prendra des proportions de plus en plus folles, une course poursuite se
déclenchant quand nos héros fabriqueront un bolide à partir d’objets divers
amassés, s’échapperont par des passages secrets élargissant les frontières de
ces cités sans âmes, et ce jusqu’à l’apothéose finale où ce monde totalitaire
est dissous par la folie douce régnant dans le cœur de chacun des habitants.
Les réalisateurs nous introduisent à chaque fois dans un environnement Lego connu
et figé (la ville de western, le monde des pirates, la ville industriel) pour y
semer l’anarchie et créer des situations improbables et incohérentes tel une
voiture de police volante surgissant dans un monde de western. Cette anarchie
concernera aussi les rencontres impossibles, la Warner permettant de déployer
tous les personnages dont elle possède les droits avec un hilarant Batman (voix
grave, dure à cuire et broyant du noir dans une parfaite parodie de la version
Nolan du super héros), Gandalf, Wonder Woman et voir même un petit coucou de
Han Solo et Chewbacca à bord de leur Millenium Enterprise.
Tous compose des asociaux
et des anormaux ne pouvant se fondre dans ce monde uniformisé et sous l’humour,
les situations s’avèrent diablement inquiétante pour montrer l’aliénation
régnant dans le monde « normal) où est gommé violemment toute trace de
différence dans le décor comme on l’a vu mais aussi dans les caractères à l’image
de Bad Cop dont le versant Good Cop est littéralement effacé par l’infâme Lord
Business.
Si la construction du film peut éventuellement évoquer le
premier Matrix (1999), le film est
surtout un digne héritier du Brazil
de Terry Gilliam. Le fatras sur l’élu, le Spécial, n’est qu’un prétexte pour
célébrer le libre arbitre d’un être normal, commun et qui ne peut s’en sortir
qu’en faisant confiance à son imagination, dépassant les dogmes qu’on lui a
imposé pour s’épanouir enfin. Dans Brazil,
cette échappatoire par le rêve était aussi féérique que tragique dans sa
conclusion et évidemment La Grande
Aventure Lego ne peut s’aventurer dans une pareille noirceur.
L’idée finale
s’avèrera magnifique pour privilégier une approche plus lumineuse avec un twist
apportant une hauteur méta qui fait
de la lutte du film une opposition entre l’esprit libre et imaginatif de l’enfance
et la rigueur sans âmes des adultes ayant oublié leur candeur d’antan. Une
chute surprenante et qui cueille le spectateur par son émotion inattendue après
toute la frénésie qui a précédée. Le film marque également une vraie date dans
l’histoire récente de l’animation.
Lord et Miller avait brillamment réintroduit
l’imagerie cartoon avec Tempête de
boulettes géantes, les visages hyper expressifs, les corps élastiques et
les décors les plus fous venant bousculer la perfection froide de l’animation
numérique. The Lego Movie va encore
plus loin avec une animation par ordinateur s’adaptant à l’univers exploré où
une nouvelle fois l’imperfection volontaire est reine.
Les personnages Lego
déambulent ainsi de manière saccadé en cohérence avec les silhouettes carrées (prolongement de leurs actions programmées, leur visage étant aussi une extension de leur émotions prédéfinies),
les transformations de décors et d’objets évoquent autant les Lego que la patte
à modeler (et laisse ouvertement apparaitre les éléments d’encastrement des
objets, ne nous faisant jamais oublier que ce sont des jouets) et l’on a
souvent l’impression d’un film d’animation image par image alors que tout a été
conçu en numérique. Un film culte en puissance, visuellement ébouriffant et
inventif, touchant et doté d’un message étonnamment subversif. La Warner confirme
qu’elle constitue actuellement le studio hollywoodien le plus aventureux et
Lord et Miller sont définitivement géniaux.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Warner
Hello Justin, Et ben, tu as bien aimé. Je dois reconnaitre que c'est un film malin, mais pour moi, tout est moche dans ce film (en gros, les personnages en lego sont chez moi des obstacles qui bloquent toute émotion). :D
RépondreSupprimerStrum
L'esthétique est assez originale et particulière effectivement dommage que tu ai bloqué dessus. Les limites expressives et motrices des lego sont pourtant bien intégrées au sujet à travers les émotions factices et la lobotomisation de l'univers du film, poussant à l'extrême et par l'absurde celle de la vie urbaine réelle. C'est plutôt bien vu et ça saborde bien l'argument mercantile bien réel du film destiné à vendre des jouets. Peut être en choix visuels moins extrême et pour un résultat passionnant aussi essaies peut être Tempête de boulettes géantes leur précédents film d'animations qui sous le divertissement dit pas mal de choses intéressantes sur le gaspillage et la malbouffe.
RépondreSupprimerJ'en parlai là sur le blog
http://chroniqueducinephilestakhanoviste.blogspot.fr/2012/10/flint-lockwood-est-uningenieur-et.html