La crise du logement qui sévit aux
Etats-Unis pendant la dernière guerre, oblige la jeune Connie à louer un
appartement à un vieux monsieur, Benjamin Dingle. Celui-ci, de son
côté, le sous-loue au jeune officier Carter...
Un an après l'excellent La Justice des hommes (1942), George Stevens retrouve Jean Arthur pour une autre merveille de romance en huis-clos avec cet excellent The More the Merrier.
S'il ne part pas dans les réflexions philosophiques de son
prédécesseur, le film s'inscrit avec humour dans une réalité d'alors à
savoir la pénurie de logement au sein de cette Amérique en guerre. La
scène d'ouverture amuse ainsi par son décalage avec sa voix off vantant
les vertus de l'accueil à Washington tandis qu'à l'image s'enchaîne les
visions d'hôtels et de pensions saturées. C'est dans ce contexte que va
se profiler une promiscuité inattendue entre nos trois héros. Benjamin
Dingle (Charles Coburn) est un homme politique venu justement à
Washington pour mettre en place un programme immobilier et va
ironiquement se trouver à la rue le temps de son séjour.
Il va avec
roublardise et insistance réussir à sous-louer une chambre à Connie
(Jean Arthur) jeune célibataire qui aurait préféré la compagnie d'une
autre femme. Les manières coincées et l'organisation rigoureuse de
Connie s'opposent à la désinvolture rigolarde de Dingle et George
Stevens par son sens du rythme et sa gestion de l'espace fait de
l'appartement un hilarant théâtre de ces deux caractères opposés. Le
procédé est poussé plus loin encore lorsque Dingle va sous-louer sa
propre chambre à Carter (Joel McCrea) un jeune officier de passage, et à
l'insu de Connie bien sûr. A ces mouvements perpétuels désordonnés
s'ajoutera ainsi une hilarante partie de cache-cache où Charles Coburn
est absolument génial dans ses efforts à dissimuler sa duperie tandis
que ses deux colocataires vaquent à leurs occupations.
Après
avoir introduit les personnages dans les entrechoquements de cet espace
restreint, Stevens met la pédale douce sur les gros gags pour développer
subtilement leur caractère. Charles Coburn s'avère aussi volontariste
que désinvolte dans ses actions sociales et dans son rôle d'entremetteur
goguenard qu'il interprète avec un plaisir non dissimulé. Jean Arthur
est une nouvelle bouleversante quand se dessine peu à peu la solitude de
Connie sous l'attitude psychorigide, "fiancée" à un homme surtout
préoccupé par sa carrière et pour qui cette compagnie un autant un
dérangement qu'un piquant dans son quotidien morne. Joel MCrea est
également très subtil en soldat de passage à l'attitude détachée, ses
responsabilité ne lui permettant pas de se lier trop longuement à qui
que ce soit (la première rencontre avec Dingle où il est constamment
allusif sur ses activités).
La fragilité et le charme de Connie vont
pourtant faire vaciller progressivement cette froideur. Ce rapprochement
se fait dans le quotidien, le temps de quelques séquences anodines (un
petit déjeuner à trois, une séance de bronzage...) d'un charme fou où
Dingle a recours à des procédés grossiers pour briser la retenue des
deux jeunes gens. Connie est trop fière et distinguée pour faire le
premier pas, Carter n'est même pas conscient d'être en train de tomber
amoureux. Les dialogues sont tordants lorsque les deux hommes mettent à
mal la patience de Connie (toutes les piques sur son fiancé) et l'on
passe un vrai bon moment.
Comme La Justice des hommes,
Stevens brise cet aparté de manière un peu artificielle dans
l'avalanche de rebondissement de la dernière partie alors que le
romantisme se développait bien mieux dans l'attente. Néanmoins les
situations sont suffisamment drôles pour susciter l'adhésion, comme ce
moment où se vérifie les tirades de Charles Coburn sur la pénurie
d'hommes à Washington (huit femmes pour un homme) et où Carter est
subitement assailli de prétendantes dans un restaurant. On pense aussi à
la réaction ahurie du fiancé (Richard Gaines) lorsqu'il découvrira les
liens curieux unissant nos trois héros. La magie opère définitivement
dans les purs moments romantiques où le film se détache de sa mécanique
et ose ralentir.
Deux moments de grâce fonctionnent ainsi en parallèle.
Connie et Carter dans leurs chambres respectives, allongés, s'avouent
leur amour, le mur séparant les deux pièces semblant disparaitre par la
finesse du montage laissant croire qu'ils sont côté à côte. La dernière
scène répond à ce moment, quand devant se séparer notre couple reprend
une attitude distante pour cacher sa détresse. A l'inverse, la mise en
scène de Stevens filmant ce passage de l'extérieur fait supposer qu'ils
sont séparés et en fait le mur a cette fois (littéralement) disparu. Le
rapprochement mutuel se sera fait en domptant leur cœur et cet espace,
idée que conjugue avec brio le réalisateur par la seule image (et assez ironiquement l'aveu amoureux se fait dans une promiscuité indécente par le montage, l'hypocrisie revient alors que la relation est "régularisée" beau pied de nez au Code Hays). Un petit
bijou de comédie romantique et Jean Arthur est définitivement la plus
craquante des "girl next door" du cinéma américain.
Sorti en dvd zone 1 chez Sony et doté de sous-titres anglais (assez défaillants quand même)
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