Dans un futur proche,
des hordes d'extraterrestres ont livré une bataille acharnée contre la Terre et
semblent désormais invincibles: aucune armée au monde n'a réussi à les
vaincre. Le commandant William Cage, qui n'a jamais combattu de sa vie,
est envoyé, sans la moindre explication, dans ce qui ressemble à une
mission-suicide. Il meurt en l'espace de quelques minutes et se retrouve
projeté dans une boucle temporelle, condamné à revivre le même combat et à
mourir de nouveau indéfiniment…
Entre Minority Report
(2001), La Guerre des Mondes (2005)
et le plus récent Oblivion (2013),
Tom Cruise aura montré un penchant certain pour la science-fiction et chacune
de ses incursions dans le genre aura donné des résultats marquants. Cela se
confirme avec cet excellent Edge of
Tomorrow. Adapté du roman japonais All
You Need Is Kill d’Hiroshi Sakurazaka, le film mêle science-fiction et film
de guerre à travers un concept diablement excitant. Dans un futur proche la
Terre mène une lutte désespérée contre une féroce race extraterrestre bien
décidé à l’envahir. Lors de l’ultime bataille où tout va se jouer, un soldat
inexpérimenté (Tom Cruise) meurt rapidement pour aussitôt ressusciter la veille
de la bataille. Fort de ce pouvoir et malédiction dont il n’a pas encore
soupçonné l’origine, il va devoir utiliser sa connaissance et compétence
croissante pour vaincre l’ennemi au fil de ses multiples reset.
Le roman faisait de son héros un simple bleu qui découvrait
le champ de bataille. Le scénario s’adapte ici à l’âge de Tom Cruise pour
grandement étoffer son protagoniste. Cage est un gradé de pacotille parachuté à
ce titre afin d’assurer le service de communication des armées dans les médias.
Une manière d’utiliser son métier de base (publicitaire) et de se tenir aussi
loin du front que possible. Cependant il est sollicité par le général Brigham
(Brendan Gleeson) pour filmer les troupes sur le terrain le lendemain.
Non
content de se défiler, notre héros tente même de faire chanter le général pour
échapper à son sort. La sanction tombe, il est envoyé comme simple soldat à
cette bataille désespérée et son cauchemar ne fait que commencer. Tom Cruise
s’amuse grandement à effriter son image de bellâtre sûr de lui et arrogant, le
regard enjôleur et le sourire en coin dissimulant un lâche qui va en payer le
prix. Doug Liman adapte totalement sa mise en scène au point de vue de son
héros et de sa découverte du front.
Les cadrages se font chaotiques, l’avancée
est totalement confuse et incertaine à travers le regard apeuré et le corps
tremblant de Cage, le réalisateur reprenant, les éléments SF en plus,
l’esthétique des images d’archives du Débarquement et s’inspirant grandement d’Il faut sauver le soldat Ryan (1998) de
Steven Spielberg. Les corps tombent comme des mouches, les soldats s’agitent en
tous sens et les explosions détonent de tout part dans un parfait sentiment de
confusion où l’inexpérience d’un Cage ahuri est parfaitement retranscrite.
Lorsque surgit l’ennemi extraterrestre, la terreur face à leur terrible
vélocité et le mystère dégagé par les plus puissantes renforcera ce sentiment
d’impuissance jusqu’à une mort inévitable, et un réveil inattendu la veille des
évènements.
Doug Liman s’était essayé aux redites narratives et au
jeu sur les points de vue dans Go
(1999) et applique la recette avec une vraie virtuosité dans Edge of Tomorrow. Le scénario use ainsi
de toute les possibilités possibles et imaginables pour Cage qui va tenter sans
succès d’avertir ses supérieurs, de profiter de sa maigre expérience pour
survivre un peu plus longtemps, de carrément s’enfuir mais avec la mort et le
retour à la case départ comme seule conséquence à chaque fois. Liman sait jouer
de manière dramatique et ludique de cette répétition. Au fil des aptitudes guerrières
croissante de Cage, certain moments identiques sont filmés de façon totalement
différente. Lors du premier parachutage Cage terrorisé s’effondre comme un
personnage de cartoon, tétanisé par la peur et alourdit par son massif
exosquelette de combat (qui ressemble d’ailleurs diablement à ceux dépeint par
Robert Heinlein dans son Starship
Troopers mais pas utilisé par Verhoeven dans son adaptation).
Au bout de
trois boucles temporelles, dans ce même passage Cage atterrit droit sur ses
jambes, véloce et à l’affut du danger. Ce principe d’apprentissage servira donc
grandement à ridiculiser notre héros n’avançant qu’au fil d’une connaissance de
plus en plus accrue du terrain, avec son lot de morts ridicule (cette roulade
mal négociée sous un camion, fous rires garantis) et d’humiliations. Le film
est ainsi une des retranscriptions les plus fidèles à des fins narratives des
préceptes du jeu vidéo. Pas forcément dans l’esthétique mais surtout dans
l’esprit, en particulier les jeux de plateformes des 80’s et 90’s (Super Mario,
Sonic et autres Alex Kid) où chaque manœuvres approximatives, chaque erreur se
paie par la reprise de la partie depuis le départ. Cet esprit sera également de
mise lors de l’ultime affrontement où Cage ne pourra plus compter sur son
pouvoir et devra terminer la guerre/le jeu avec une seule « vie ».
Le récit déjà très ludique atteint une profondeur
insoupçonnée en rendant progressivement plus touchant le drame de Cage à
travers la romance platonique entretenue avec Rita Vrataski (Emily Blunt à la présence farouche et élégante).
Cette dernière, ancienne détentrice du pouvoir et guerrière redoutable sera le
seul atout et compagnons d’armes de Cage. Elle va impitoyablement l’aguerrir au
fil des boucles temporelles, mais quand lui apprend à la connaître et s’attache
de plus en plus, il reste un relatif inconnu pour elle.
Liman après avoir été
relativement linéaire pour le spectateur dans la progression des boucles nous
fait volontairement perdre le fil pour signaler le rapprochement d’abord de manière
comique (les phases d’entraînements), puis dramatique des deux protagonistes.
La force du film est de ne jamais surligner cela, on devine de manière
sous-jacente la connaissance accrue et donc l’affection que ressent Cage pour
Rita. Cette femme qui a péri sous ces yeux de des centaines de fois et pour qui
il reste un homme qu’elle connaît à peine, est pourtant au fil des boucles la
personne qu’il connaît le mieux.
L’enjeu du récit bascule ainsi, Rita
entièrement guidée par la mission alors que toutes les actions de Cage ne
visent plus qu’à la sauver. La scène clé sera ainsi celle de la cabane, où avec
une subtilité idéale Liman laisse s’exprimer ces sentiments contrariés.
L’attitude de Cage trahit sa connaissance de l’issue (la mort inévitable de
Rita) et la manière dont cela lui fait retarder la mission quand Rita ne partage
pas le même passif. C’est finalement une histoire d’amour à sens unique sobre
et touchante qui se dévoile là dans l’urgence de l’aventure. Liman avait déjà
montré son talent à dépeindre un couple naissant dans La Mémoire dans la peau (2002 et meilleur volet de la trilogie Bourne) voire même Mr et Mrs Smith (2004) et insère un spleen inattendu dans cette
grosse machinerie guerrière.
Incompétent au départ pour sauver sa propre vie, trop limité
pour renverser le cours de cette guerre, Cage gagne ainsi ses galons de héros
par amour. Liman le filme sous les angles les plus iconiques qui soient, un
guerrier impitoyable loin du pleutre originel. Le scénario (signé entre autre
par Christopher McQuarrie partenaire de Cruise sur Walkyrie (2007) et Jack
Reacher (2012)) en laissant poindre le drame s’accorde ainsi des
respirations surprenantes (Cage profitant d’une de ses « journées »
pour prendre un verre et assister à la fin du monde en ville) et réussit à
relancer constamment l’action par la découverte du fonctionnement des aliens.
Le tout se tient avec une rigueur magistrale où seule la résolution prêtera à
discussion (mais que le romantique qui s’ignore acceptera et qui se tient tout
de même) dans un récit diablement efficace et plus profond qu’il n’y
parait (la lecture de la transposition manga de la même histoire bien
inférieure atteste de la grande réussite du film). Tom Cruise et la SF, une
bonne pioche de plus dans un des spectacles les plus excitants de l'année.
Sorti en dvd zone 2 et bluray chez Warner
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