Le journaliste David Fakrikian signe ici la premier vrai
ouvrage français consacré à James Cameron (d’autres livre existaient mais
toujours centré sur une œuvre en particulier comme Terminator et Titanic). C’est
assez étonnant au vu de la popularité de sa filmographie mais témoigne du
statut singulier du réalisateur, partageant le flair grand public et la
capacité d’évasion d’un Spielberg avec une vraie aura de démiurge obstiné et
perfectionniste à la Kubrick. Grand fan de Cameron, David Fakrikian aura au fil
des années accumulé une documentation considérable sur lui et l’ensemble du
livre est parcouru d’interviews diverses de l’intéressé et de ses
collaborateurs. Cependant il s’agira toujours de documents issus de la période
de sortie des films pour éviter le révisionnisme de rigueur qui se fait
toujours avec le temps. Ces éléments entrecoupent une vraie biographie où se
dessinent la personnalité de James Cameron, la singularité formelle et
narrative de son cinéma ainsi que quelques savoureuses anecdotes de tournages
et quelques révélations sur les coulisses hollywoodiennes.
L’auteur cerne précisément les deux facettes de Cameron
cinéaste : l’artiste et l’ingénieur. Cela tient aux origines modestes de
Cameron dont l’imaginaire se façonne dans la lecture des comics, roman de
science-fiction et séries telles que La
Quatrième dimension ou Au-delà du
réel. A cette époque deux films seront un véritable choc pour lui : 2001 l’odyssée de l’espace de Stanley
Kubrick (1968) le captive par son spectacle exigeant et ses images inédites tandis
que Docteur Jivago de David Lean
(1965) éveille son gout du romanesque. Dès lors James Cameron rêve de devenir
cinéaste mais ses maigres moyens ne lui permettent pas l’inscription dans une
école de cinéma et marié très jeune, il doit entrer dans la vie active où il
occupera divers métiers ouvrier. Il ne se résout pourtant pas à renoncer à ses
ambitions et fera son apprentissage en pur autodidacte, écumant les bibliothèques
où il s’abreuve d’ouvrages techniques. Ces visions d’artiste se conjuguent donc
constamment à une réflexion artisanale où il devra acquérir toutes les
compétences techniques pour raconter ses histoires. Son impressionnant premier
court-métrage Xenogenesis (1978) en
plus d’être un pur condensé de son œuvre à venir, témoigne de cette approche.
Il se trouve incapable de savoir utiliser la caméra 35 mm empruntée pour le
tournage et pour comprendre son fonctionnement il va la démonter entièrement.
Le côté risque-tout du cinéaste s’exprime également déjà puisqu’il n’hésite pas
à dilapider les économies du ménage pour parvenir aux effets qu’il souhaite
pour le film.
Fort de cette carte de visite, il s’immisce dans l’écurie de
Roger Corman et son savoir-faire et autorité naturelle l’amène bientôt à se
charger des effets des Mercenaires de l’espace
ou plus tard New York 1997 (1981) de
John Carpenter. Cette école de la débrouille servira grandement Terminator (1984), simple série B dont
la facture parait si impressionnante que le film semble avoir couté trois fois
son budget. Là encore le défi technique n’oublie jamais l’émotion, l’adrénaline,
la brutalité et l’énergie de l’ensemble servant une poignante histoire d’amour.
Le caractère buté et prolo de James Cameron s’avère une vrai force, tant dans l’approche
faussement simpliste de ces histoires (où le cœur féminin et l’émotion dépassent
toujours les genres typiquement masculins qu’il aborde) que dans une exigence
qu’il doit satisfaire à tout prix. Si cela sera source de déconvenue avec le
faux départ que constitue le ratage Piranha
2 : Les Tueurs volants (1981) – où il est dépossédé du film par le
producteur avec cette anecdote légendaire le voyant forcé la porte de la salle
de montage pour remonter le film alors qu’l a déjà été renvoyé – ce sera un
atout pour un combat acharné face à ses producteurs et une inimitié de ses
équipes desquels il exige le maximum – mais qu’il s’impose aussi toujours à
lui-même. La jungle hollywoodienne demande pourtant cela au vu de certaines
coulisses peu reluisantes dévoilées, que ce soit la promotion bâclée qui
atténue le succès surprise du film où la fourberie du roublard auteur de SF
Harlan Ellison qui parvient à être crédité à cause d’un supposé plagiat et
touchera des droits juteux.
David Fakrikian dépeint en détail le style Cameron et en
particulier cette fameuse règle du triple climax qui donne ce crescendo si
intense à ses conclusions et qui s’affirme dès Terminator puis se retrouvera dans chacun de ses films. L’entourage du
réalisateur est largement abordé aussi notamment Mike Cameron, inventeur de
génie prêt à surmonter tous les écueils techniques que rencontre son frère. Le
portrait que fait Fakrikian de James Cameron est celui d’un outsider acharné,
pendant longtemps sous-estimé (y compris étrangement par la communauté geek des
80’s) mais dont le gout du risque est le plus souvent récompensé par les succès
immenses de ses films. Ayant prématurément atteint le statut de wonder boy hollywoodien
après le succès de Aliens (formidable
suite au classique de Ridley Scott devenu un spectacle guerrier féministe), l’ambition
de Cameron ne sera plus de surmonter des défis techniques limités par les
moyens financiers, mais au contraire s’en créer de nouveaux grâce au budget
désormais considérable dont il peut disposer.
Cela l’emmène donc vers le tournage sous-marin et épique d’Abyss (1989) où tout est à inventer : des caméras étanches pouvant filmer sous l’eau, des micros permettant aux acteurs de déclamer distinctement leur texte dans leur combinaison de plongée, les premières images numériques avec la fameuse colonne d’eau métamorphe révélant les extraterrestres. L’auteur se délecte d’anecdotes diverses sur la tyrannie de Cameron prenant cependant tous les risques dont un moment marquant où il manque de se noyer, un exécutif du studio ayant la mauvaise idée de venir demander des comptes alors qu’il retrouve à peine des couleur – le malheureux cadre sera jeté à l’eau par Cameron et ne pointera plus le bout de son nez. Fakrikian semble plus privilégier la facette musclée de Cameron et se montre assez sévère dans le livre avec Abyss alors que celui-ci constitue certainement (notamment dans sa version longue) le chef d’œuvre du réalisateur, mais malheureusement aussi son seul échec commercial.
Cela l’emmène donc vers le tournage sous-marin et épique d’Abyss (1989) où tout est à inventer : des caméras étanches pouvant filmer sous l’eau, des micros permettant aux acteurs de déclamer distinctement leur texte dans leur combinaison de plongée, les premières images numériques avec la fameuse colonne d’eau métamorphe révélant les extraterrestres. L’auteur se délecte d’anecdotes diverses sur la tyrannie de Cameron prenant cependant tous les risques dont un moment marquant où il manque de se noyer, un exécutif du studio ayant la mauvaise idée de venir demander des comptes alors qu’il retrouve à peine des couleur – le malheureux cadre sera jeté à l’eau par Cameron et ne pointera plus le bout de son nez. Fakrikian semble plus privilégier la facette musclée de Cameron et se montre assez sévère dans le livre avec Abyss alors que celui-ci constitue certainement (notamment dans sa version longue) le chef d’œuvre du réalisateur, mais malheureusement aussi son seul échec commercial.
Si le réalisateur peut encore conjuguer budget mastodontes
avec les cadences des série B des débuts (le récit de l’écriture et du tournage
éclair de Terminator 2 (1991) lucrativement prévendu et à la date de sortie immuable),
Cameron devient pourtant désormais un une sorte de maniaque à l’image de son
mentor Kubrick explosant budget et délais avec le plus mineur True Lies (1994) et surtout avec l’immense
Titanic (1998). Là encore l’auteur
fait le lien judicieux entre le côté grand architecte et peintre de l’intime de
Cameron qui assume cette fois pleinement sa veine romanesque. On regrettera
peut être que pour ce film Fakrikian s’arrête principalement sur la partie
technique et le tournage rocambolesque (la description restant passionnante,
notamment concernant l’astuce de Cameron qui sous la mégalomanie retrouve des
idées économes en faisant construire une seul moitié de bateau et inversant les
images, et les tenues des figurants pour les passages se déroulant de l’autre
côté) pas plus sur l’émotion et le sens du spectacle du film en lui-même.
On aurait par exemple aimé en savoir plus sur son rapport avec le duo Leonardo Di Caprio/Kate Winslet si assorti et attachant, alors que sa relation avec Arnold Schwarzenegger est plutôt bien abordée. Par contre l’analyse reste judicieuse en reprenant l’idée du triple climax, la schizophrénie de Cameron déployant des moyens monumentaux pour paradoxalement toujours dénoncer cette technologie dans ses films et surtout la démonstration brillante où il fait de Titanic une sorte de remake romanesque de Terminator. De plus le côté aventurier kamikaze passionné et désintéréssé du réalisateur s'affirme encore plus ici, le voyant renoncer à son salaire (tout comme ce fut le cas sur Abyss) après les dépassements (mais grassement rattrapé en royalties après le triomphe au box-office) et qui au final aura le plus souvent négligé de constituer un empire à la Spielberg (l'excellent Strange Days (1995) de Katrhyrn Bigelow qu'il écrit et produit) pour poursuivre avec acharnement ses propres projets.
On aurait par exemple aimé en savoir plus sur son rapport avec le duo Leonardo Di Caprio/Kate Winslet si assorti et attachant, alors que sa relation avec Arnold Schwarzenegger est plutôt bien abordée. Par contre l’analyse reste judicieuse en reprenant l’idée du triple climax, la schizophrénie de Cameron déployant des moyens monumentaux pour paradoxalement toujours dénoncer cette technologie dans ses films et surtout la démonstration brillante où il fait de Titanic une sorte de remake romanesque de Terminator. De plus le côté aventurier kamikaze passionné et désintéréssé du réalisateur s'affirme encore plus ici, le voyant renoncer à son salaire (tout comme ce fut le cas sur Abyss) après les dépassements (mais grassement rattrapé en royalties après le triomphe au box-office) et qui au final aura le plus souvent négligé de constituer un empire à la Spielberg (l'excellent Strange Days (1995) de Katrhyrn Bigelow qu'il écrit et produit) pour poursuivre avec acharnement ses propres projets.
Production plus récente oblige (et tournage ultra secret) le
livre se montre plus succinct sur le retour triomphal que constitua Avatar même
si tout le livre dépeint en filigrane un projet en gestation depuis les années
80 et qui conjugue tout ce qui motive Cameron et ses aficionados :
innovation techniques avec la motion-capture et la démocratisation de la 3D,
romance et spectacle flamboyant au service d’un récit primitif d’une efficacité
éblouissante. On aura aussi quelques développements sur la galaxie Cameron
notamment l’alter-ego que sera son ex-épouse Kathryn Bigelow et un
développement intéressant sur les multiples montages existants (et plus ou
moins pertinent) des films du réalisateur. Un ouvrage captivant donc, écrit
dans un style percutant à l’image du réalisateur et où on sent la vraie passion
de David Fakrikian allant sans retenue dans le vrai dithyrambe pour exprimer
son point de vue.
Paru aux éditions Fantask
Et en prime le premier court métrage de James Cameron, Xenogenesis
Paru aux éditions Fantask
Et en prime le premier court métrage de James Cameron, Xenogenesis
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