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jeudi 27 avril 2017

James Cameron, l'odyssée d'un cinéaste - David Fakrikian

Le journaliste David Fakrikian signe ici la premier vrai ouvrage français consacré à James Cameron (d’autres livre existaient mais toujours centré sur une œuvre en particulier comme Terminator et Titanic). C’est assez étonnant au vu de la popularité de sa filmographie mais témoigne du statut singulier du réalisateur, partageant le flair grand public et la capacité d’évasion d’un Spielberg avec une vraie aura de démiurge obstiné et perfectionniste à la Kubrick. Grand fan de Cameron, David Fakrikian aura au fil des années accumulé une documentation considérable sur lui et l’ensemble du livre est parcouru d’interviews diverses de l’intéressé et de ses collaborateurs. Cependant il s’agira toujours de documents issus de la période de sortie des films pour éviter le révisionnisme de rigueur qui se fait toujours avec le temps. Ces éléments entrecoupent une vraie biographie où se dessinent la personnalité de James Cameron, la singularité formelle et narrative de son cinéma ainsi que quelques savoureuses anecdotes de tournages et quelques révélations sur les coulisses hollywoodiennes.

L’auteur cerne précisément les deux facettes de Cameron cinéaste : l’artiste et l’ingénieur. Cela tient aux origines modestes de Cameron dont l’imaginaire se façonne dans la lecture des comics, roman de science-fiction et séries telles que La Quatrième dimension ou Au-delà du réel. A cette époque deux films seront un véritable choc pour lui : 2001 l’odyssée de l’espace de Stanley Kubrick (1968) le captive par son spectacle exigeant et ses images inédites tandis que Docteur Jivago de David Lean (1965) éveille son gout du romanesque. Dès lors James Cameron rêve de devenir cinéaste mais ses maigres moyens ne lui permettent pas l’inscription dans une école de cinéma et marié très jeune, il doit entrer dans la vie active où il occupera divers métiers ouvrier. Il ne se résout pourtant pas à renoncer à ses ambitions et fera son apprentissage en pur autodidacte, écumant les bibliothèques où il s’abreuve d’ouvrages techniques. Ces visions d’artiste se conjuguent donc constamment à une réflexion artisanale où il devra acquérir toutes les compétences techniques pour raconter ses histoires. Son impressionnant premier court-métrage Xenogenesis (1978) en plus d’être un pur condensé de son œuvre à venir, témoigne de cette approche. Il se trouve incapable de savoir utiliser la caméra 35 mm empruntée pour le tournage et pour comprendre son fonctionnement il va la démonter entièrement. Le côté risque-tout du cinéaste s’exprime également déjà puisqu’il n’hésite pas à dilapider les économies du ménage pour parvenir aux effets qu’il souhaite pour le film.

Fort de cette carte de visite, il s’immisce dans l’écurie de Roger Corman et son savoir-faire et autorité naturelle l’amène bientôt à se charger des effets des Mercenaires de l’espace ou plus tard New York 1997 (1981) de John Carpenter. Cette école de la débrouille servira grandement Terminator (1984), simple série B dont la facture parait si impressionnante que le film semble avoir couté trois fois son budget. Là encore le défi technique n’oublie jamais l’émotion, l’adrénaline, la brutalité et l’énergie de l’ensemble servant une poignante histoire d’amour. Le caractère buté et prolo de James Cameron s’avère une vrai force, tant dans l’approche faussement simpliste de ces histoires (où le cœur féminin et l’émotion dépassent toujours les genres typiquement masculins qu’il aborde) que dans une exigence qu’il doit satisfaire à tout prix. Si cela sera source de déconvenue avec le faux départ que constitue le ratage Piranha 2 : Les Tueurs volants (1981) – où il est dépossédé du film par le producteur avec cette anecdote légendaire le voyant forcé la porte de la salle de montage pour remonter le film alors qu’l a déjà été renvoyé – ce sera un atout pour un combat acharné face à ses producteurs et une inimitié de ses équipes desquels il exige le maximum – mais qu’il s’impose aussi toujours à lui-même. La jungle hollywoodienne demande pourtant cela au vu de certaines coulisses peu reluisantes dévoilées, que ce soit la promotion bâclée qui atténue le succès surprise du film où la fourberie du roublard auteur de SF Harlan Ellison qui parvient à être crédité à cause d’un supposé plagiat et touchera des droits juteux.

David Fakrikian dépeint en détail le style Cameron et en particulier cette fameuse règle du triple climax qui donne ce crescendo si intense à ses conclusions et qui s’affirme dès Terminator puis se retrouvera dans chacun de ses films. L’entourage du réalisateur est largement abordé aussi notamment Mike Cameron, inventeur de génie prêt à surmonter tous les écueils techniques que rencontre son frère. Le portrait que fait Fakrikian de James Cameron est celui d’un outsider acharné, pendant longtemps sous-estimé (y compris étrangement par la communauté geek des 80’s) mais dont le gout du risque est le plus souvent récompensé par les succès immenses de ses films. Ayant prématurément atteint le statut de wonder boy hollywoodien après le succès de Aliens (formidable suite au classique de Ridley Scott devenu un spectacle guerrier féministe), l’ambition de Cameron ne sera plus de surmonter des défis techniques limités par les moyens financiers, mais au contraire s’en créer de nouveaux grâce au budget désormais considérable dont il peut disposer.

Cela l’emmène donc vers le tournage sous-marin et épique d’Abyss (1989) où tout est à inventer : des caméras étanches pouvant filmer sous l’eau, des micros permettant aux acteurs de déclamer distinctement leur texte dans leur combinaison de plongée, les premières images numériques avec la fameuse colonne d’eau métamorphe révélant les extraterrestres. L’auteur se délecte d’anecdotes diverses sur la tyrannie de Cameron prenant cependant tous les risques dont un moment marquant où il manque de se noyer, un exécutif du studio ayant la mauvaise idée de venir demander des comptes alors qu’il retrouve à peine des couleur – le malheureux cadre sera jeté à l’eau par Cameron et ne pointera plus le bout de son nez. Fakrikian semble plus privilégier la facette musclée de Cameron et se montre assez sévère dans le livre avec Abyss alors que celui-ci constitue certainement (notamment dans sa version longue) le chef d’œuvre du réalisateur, mais malheureusement aussi son seul échec commercial.

Si le réalisateur peut encore conjuguer budget mastodontes avec les cadences des série B des débuts (le récit de l’écriture et du tournage éclair de Terminator 2 (1991) lucrativement prévendu et à la date de sortie immuable), Cameron devient pourtant désormais un une sorte de maniaque à l’image de son mentor Kubrick explosant budget et délais avec le plus mineur True Lies (1994) et surtout avec l’immense Titanic (1998). Là encore l’auteur fait le lien judicieux entre le côté grand architecte et peintre de l’intime de Cameron qui assume cette fois pleinement sa veine romanesque. On regrettera peut être que pour ce film Fakrikian s’arrête principalement sur la partie technique et le tournage rocambolesque (la description restant passionnante, notamment concernant l’astuce de Cameron qui sous la mégalomanie retrouve des idées économes en faisant construire une seul moitié de bateau et inversant les images, et les tenues des figurants pour les passages se déroulant de l’autre côté) pas plus sur l’émotion et le sens du spectacle du film en lui-même.

On aurait par exemple aimé en savoir plus sur son rapport avec le duo Leonardo Di Caprio/Kate Winslet si assorti et attachant, alors que sa relation avec Arnold Schwarzenegger est plutôt bien abordée. Par contre l’analyse reste judicieuse en reprenant l’idée du triple climax, la schizophrénie de Cameron déployant des moyens monumentaux pour paradoxalement toujours dénoncer cette technologie dans ses films et surtout la démonstration brillante où il fait de Titanic une sorte de remake romanesque de Terminator. De plus le côté aventurier kamikaze passionné et désintéréssé du réalisateur s'affirme encore plus ici, le voyant renoncer à son salaire (tout comme ce fut le cas sur Abyss) après les dépassements (mais grassement rattrapé en royalties après le triomphe au box-office) et qui au final aura le plus souvent négligé de constituer un empire à la Spielberg (l'excellent Strange Days (1995) de Katrhyrn Bigelow qu'il écrit et produit) pour poursuivre avec acharnement ses propres projets.

Production plus récente oblige (et tournage ultra secret) le livre se montre plus succinct sur le retour triomphal que constitua Avatar même si tout le livre dépeint en filigrane un projet en gestation depuis les années 80 et qui conjugue tout ce qui motive Cameron et ses aficionados : innovation techniques avec la motion-capture et la démocratisation de la 3D, romance et spectacle flamboyant au service d’un récit primitif d’une efficacité éblouissante. On aura aussi quelques développements sur la galaxie Cameron notamment l’alter-ego que sera son ex-épouse Kathryn Bigelow et un développement intéressant sur les multiples montages existants (et plus ou moins pertinent) des films du réalisateur. Un ouvrage captivant donc, écrit dans un style percutant à l’image du réalisateur et où on sent la vraie passion de David Fakrikian allant sans retenue dans le vrai dithyrambe pour exprimer son point de vue.

Paru aux éditions Fantask

Et en prime le premier court métrage de James Cameron, Xenogenesis 

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