Malgré un début de
carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les désillusions. Divorcé de
Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son travail de détective
privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus pouvoir payer la pension
alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. A présent, Ryota tente de regagner
la confiance des siens et de se faire une place dans la vie de son fils. Cela
semble bien mal parti jusqu’au jour où un typhon contraint toute la famille à
passer une nuit ensemble…
Après la tempête
s’inscrit dans le veine récente de Kore-eda, cette approche subtile où la
langueur doucereuse masquait des sujets profond tel que le deuil, la filiation
ou les familles recomposées dans I wish
(2011), Tel père, tel fils (2013) et Notre petite sœur (2015). Ce ton s’avère
très différent de la noirceur plus marquée qui fit la renommée du réalisateur
avec le magnifique Nobody knows
(2004) ou Air Doll (2009). On peut
situer la transition avec le merveilleux Still walking (2008) dont Après la tempête
reprend en partie la structure avec un huis-clos servant de révélateur et
catharsis à des rancœurs familiales trop longtemps enfouies.
C’est une œuvre très personnelle pour le réalisateur dont le
postulat part d’une situation qu’il a vécue. En 2001 alors qu’il vient de perdre
son père, Kore-eda voit sa mère retourner habiter en HLM. Le fait de ne pouvoir
lui prodiguer un logement plus décent l’amènera à une profonde remise en
question sur sa propre situation à ce stade de sa vie. Ryota (Abe Hiroshi)
héros du film et double filmique du réalisateur se trouve donc dans la même
impasse. Ecrivain raté et fraîchement divorcé, il végète dans un emploi de
détective privé, se perd dans les jeux d’argent et peine une payer la pension
alimentaire à son épouse. La scène d’ouverture est typique du cinéma de
Kore-eda. On y voit mère et fille cuisiner joyeusement tout en discutant du
deuil paternel récent, et surtout ce frère/fils dont elle désespère de voir se
stabiliser et arriver à maturité. Une introduction très littéraire dans l’idée
avec cette manière de présenter le personnage principal par la voix d’autres
protagonistes. C’est aussi typique du style du réalisateur où un moment tendre
et anodin révèle sans appuyer outre mesure les enjeux du récit, mais aussi la
tendresse qui lie les personnages.
La première partie amusée et mélancolique accompagne ainsi
les errances de Ryota où chaque regard l’interroge quant à son instabilité.
Regard agacé pour son ex épouse Kyoko (Mari Yoko), incertain pour son jeune
fils Shingo (Taiyo Yoshizawa), aimant et résigné pour la sœur et la mère (Kilin
Kiki habituée du cinéaste). Tout cela renvoie Ryota à ces manques tandis que le
regard de son jeune collègue de l’agence de détective lui rappellera ce moment
où il s’est détourné de l’image de celui qu’il aspirait à être. La profondeur
de ces questionnement se conjugue à un ton étonnamment badin (les piques
échangées entre frère et sœurs) et des situations amusantes, que ce soit les
magouilles pathétiques de Ryota où la filature de son ex qui aspire à refaire
sa vie. Le parallèle entre l’inconstance du héros, la mélancolie et bonhomie de
sa mère ainsi que la volonté de changement de l’épouse tisse trois fils
narratifs en apparence flottant mais qui nous conduisent logiquement au
huis-clos de la dernière partie. Un typhon oblige les protagonistes à
cohabiter, se parler et surmonter leur situation.
Still walking sur
une structure voisine rendait la réunion conflictuelle par le poids des
rancœurs et douleurs du passé, entre deuil non surmontés, non-dits et
déception. Après la tempête est une
œuvre plus lumineuse où à la promiscuité forcée servira à redéfinir l’avenir.
Ce ne seront pas des blessures à panser mais une nouvelle réalité à enfin
accepter. Kore-eda par des moments isolés amenés avec justesse confronte tous
les personnages et les amène à mutuellement s’ouvrir. La plus touchante est une
fois de plus la truculente Kilin Kiki, roublarde dans ses tentatives de
rapprocher à nouveau son fils et sa belle-fille.
Son âge mûr l’amène néanmoins
à accepter placidement les faits, l’affection intacte surmontant la nouvelle
donne comme le montrera un bel échange avec Kyoko. La discussion sera plus rude
dans le couple séparé tandis que les liens avec le fils peuvent prendre un tour
moins superficiel. Le typhon à l’extérieur n’est pas une métaphore de
destruction mais de renouveau, une scène où père et fils s’y confronte étant
même un des instants les plus touchant du film. Kore-eda avec ces quartiers
populaires et barres d’immeubles HLM donne d’ailleurs à voir un Japon différent
qui contribue à l’atmosphère et au ton particulier du film. Alors que dans Still walking les vérités dites apaisait
les maux passés mais n’éclairait pas forcément le futur, Après la tempête par son épilogue doux et hésitant fait croire à
des lendemains certes différents mais paisibles.
En salle
Hello Justin, ce que tu dis est vrai quant à l'apaisement final, mais j'ajouterais qu'a contrario, par rapport à Still Walking, la mise en scène est ici moins soignée, moins lumineuse. Dans Still Walking, la beauté et l'ampleur de la mise en scène apportait un contrepoint formel apaisant à sa manière qui atténuait la noirceur du récit. Du coup, j'ai préféré d'assez loin Still Walking et sa mise en scène supérieure à Après la tempete (qui est une sorte de suite déguisée, avec le meme acteur d'ailleurs). Strum
RépondreSupprimerSalut Strum ! Alors en fait je pense que le côté moins soigné d'Après la tempête est volontaire. Still walking contrebalance sa noirceur par la beauté de l'environnement rural, des cadres soignés mettant en valeur le charme traditionnel de la maison et du coup le pessimisme qui demeure même avec le final moins lourd. Après la tempête est plus abrupt de part son environnement urbain sinistre, l'appartement plus étriqué mais donne un futur plus positif que Still walking au personnages.
SupprimerJ'apprécie les deux approches d'autant que Kore-eda va vers une narration plus marquée par rapport à celle flottante de Notre petite soeur. Ca change un peu de la douceur des deux précédents au moins il se renouvèle ;-)