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lundi 24 avril 2017

Après la tempête - Umi yori mo Mada Fukaku, Hirokazu Kore-eda (2017)

Malgré un début de carrière d’écrivain prometteur, Ryota accumule les désillusions. Divorcé de Kyoko, il gaspille le peu d’argent que lui rapporte son travail de détective privé en jouant aux courses, jusqu’à ne plus pouvoir payer la pension alimentaire de son fils de 11 ans, Shingo. A présent, Ryota tente de regagner la confiance des siens et de se faire une place dans la vie de son fils. Cela semble bien mal parti jusqu’au jour où un typhon contraint toute la famille à passer une nuit ensemble…

Après la tempête s’inscrit dans le veine récente de Kore-eda, cette approche subtile où la langueur doucereuse masquait des sujets profond tel que le deuil, la filiation ou les familles recomposées dans I wish (2011), Tel père, tel fils (2013) et Notre petite sœur (2015). Ce ton s’avère très différent de la noirceur plus marquée qui fit la renommée du réalisateur avec le magnifique Nobody knows (2004) ou Air Doll (2009). On peut situer la transition avec le merveilleux Still walking (2008) dont Après la tempête reprend en partie la structure avec un huis-clos servant de révélateur et catharsis à des rancœurs familiales trop longtemps enfouies. 

C’est une œuvre très personnelle pour le réalisateur dont le postulat part d’une situation qu’il a vécue. En 2001 alors qu’il vient de perdre son père, Kore-eda voit sa mère retourner habiter en HLM. Le fait de ne pouvoir lui prodiguer un logement plus décent l’amènera à une profonde remise en question sur sa propre situation à ce stade de sa vie. Ryota (Abe Hiroshi) héros du film et double filmique du réalisateur se trouve donc dans la même impasse. Ecrivain raté et fraîchement divorcé, il végète dans un emploi de détective privé, se perd dans les jeux d’argent et peine une payer la pension alimentaire à son épouse. La scène d’ouverture est typique du cinéma de Kore-eda. On y voit mère et fille cuisiner joyeusement tout en discutant du deuil paternel récent, et surtout ce frère/fils dont elle désespère de voir se stabiliser et arriver à maturité. Une introduction très littéraire dans l’idée avec cette manière de présenter le personnage principal par la voix d’autres protagonistes. C’est aussi typique du style du réalisateur où un moment tendre et anodin révèle sans appuyer outre mesure les enjeux du récit, mais aussi la tendresse qui lie les personnages.

La première partie amusée et mélancolique accompagne ainsi les errances de Ryota où chaque regard l’interroge quant à son instabilité. Regard agacé pour son ex épouse Kyoko (Mari Yoko), incertain pour son jeune fils Shingo (Taiyo Yoshizawa), aimant et résigné pour la sœur et la mère (Kilin Kiki habituée du cinéaste). Tout cela renvoie Ryota à ces manques tandis que le regard de son jeune collègue de l’agence de détective lui rappellera ce moment où il s’est détourné de l’image de celui qu’il aspirait à être. La profondeur de ces questionnement se conjugue à un ton étonnamment badin (les piques échangées entre frère et sœurs) et des situations amusantes, que ce soit les magouilles pathétiques de Ryota où la filature de son ex qui aspire à refaire sa vie. Le parallèle entre l’inconstance du héros, la mélancolie et bonhomie de sa mère ainsi que la volonté de changement de l’épouse tisse trois fils narratifs en apparence flottant mais qui nous conduisent logiquement au huis-clos de la dernière partie. Un typhon oblige les protagonistes à cohabiter, se parler et surmonter leur situation. 

Still walking sur une structure voisine rendait la réunion conflictuelle par le poids des rancœurs et douleurs du passé, entre deuil non surmontés, non-dits et déception. Après la tempête est une œuvre plus lumineuse où à la promiscuité forcée servira à redéfinir l’avenir. Ce ne seront pas des blessures à panser mais une nouvelle réalité à enfin accepter. Kore-eda par des moments isolés amenés avec justesse confronte tous les personnages et les amène à mutuellement s’ouvrir. La plus touchante est une fois de plus la truculente Kilin Kiki, roublarde dans ses tentatives de rapprocher à nouveau son fils et sa belle-fille. 

Son âge mûr l’amène néanmoins à accepter placidement les faits, l’affection intacte surmontant la nouvelle donne comme le montrera un bel échange avec Kyoko. La discussion sera plus rude dans le couple séparé tandis que les liens avec le fils peuvent prendre un tour moins superficiel. Le typhon à l’extérieur n’est pas une métaphore de destruction mais de renouveau, une scène où père et fils s’y confronte étant même un des instants les plus touchant du film. Kore-eda avec ces quartiers populaires et barres d’immeubles HLM donne d’ailleurs à voir un Japon différent qui contribue à l’atmosphère et au ton particulier du film. Alors que dans Still walking les vérités dites apaisait les maux passés mais n’éclairait pas forcément le futur, Après la tempête par son épilogue doux et hésitant fait croire à des lendemains certes différents mais paisibles.

En salle 

2 commentaires:

  1. Hello Justin, ce que tu dis est vrai quant à l'apaisement final, mais j'ajouterais qu'a contrario, par rapport à Still Walking, la mise en scène est ici moins soignée, moins lumineuse. Dans Still Walking, la beauté et l'ampleur de la mise en scène apportait un contrepoint formel apaisant à sa manière qui atténuait la noirceur du récit. Du coup, j'ai préféré d'assez loin Still Walking et sa mise en scène supérieure à Après la tempete (qui est une sorte de suite déguisée, avec le meme acteur d'ailleurs). Strum

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    1. Salut Strum ! Alors en fait je pense que le côté moins soigné d'Après la tempête est volontaire. Still walking contrebalance sa noirceur par la beauté de l'environnement rural, des cadres soignés mettant en valeur le charme traditionnel de la maison et du coup le pessimisme qui demeure même avec le final moins lourd. Après la tempête est plus abrupt de part son environnement urbain sinistre, l'appartement plus étriqué mais donne un futur plus positif que Still walking au personnages.

      J'apprécie les deux approches d'autant que Kore-eda va vers une narration plus marquée par rapport à celle flottante de Notre petite soeur. Ca change un peu de la douceur des deux précédents au moins il se renouvèle ;-)

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