Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 25 juin 2020

Act-age - Tatsuya Matsuki (scénario) et Shiro Usazaki (dessins)


Act-age est un des succès récents du célèbre magazine de prépublication de manga Shonen Jump. Le genre phare et source des plus grands succès de la revue est le « nekketsu » (sang chaud en japonais), récit emblématique des valeurs japonaises célébrant l’accomplissement individuel et le dépassement de soi tout en se reposant sur le collectif. Le nekketsu passe souvent par les mondes imaginaires, les héros adolescents en construction et les combats épiques qui demanderont toujours plus d’efforts, de courage et de quête de puissance aux personnages. C’est l’approche des célèbres Dragon Ball d’Akira Toriyama, Saint Seiya de Masami Kurumada dans les plus anciens, ou encore Naruto de Masashi Kishimoto, Bleach de Tite Kubo en classiques plus contemporains. Ces préceptes s’appliquent également en tout point au manga sportif et aura donné quelques fameux titres, Captain Tsubasa (rebaptisé Olive et Tom en France) ou Slam Dunk de Takehiko Inoue donnant des proportions épiques (et parfois plaisamment irréalistes) à la compétition. Le Shonen Jump a les jeunes garçons comme cible éditoriale (même si le lectorat s’avère plus large) d’où les éléments plus « guerriers » que l’on retrouve souvent dans le nekketsu afin de faire vibrer le lecteur, mais ce n’est pas une norme figée.
Act-age se différencie ainsi en ayant pour cadre le monde du cinéma. La jeune Kei Yonagi rêve de devenir actrice, désir entretenu par les milliers de films vu durant son enfance, et son talent repose à la fois sur les fictions dont elle s’est imprégnées mais surtout d’un jeu  misant sur sa jeune et déjà difficile expérience de vie. Kei a adoptée instinctivement la « Méthode » Stanislavski adoptée par les stars hollywoodiennes des années 50 (Marlon Brando, Paul Newman, Marilyn Monroe) sous l’égide de Lee Strasberg et qui consiste (entre autre) à puiser dans son propre vécu pour endosser au plus profond un rôle. Notre héroïne ne le maîtrise cependant pas, perdant le contrôle lorsqu’elle est emportée par ses interprétations. Elle végète ainsi de casting en casting jusqu’au jour où elle est repérée par le réalisateur Suiji Kuroyama qui, fasciné, décide de polir ce diamant brut pour en faire la star de son prochain film.

Tous les codes shonen nekketsu s’inscrivent dans cet environnement réaliste. Kei est une adolescente talentueuse mais inexpérimentée qui va devoir progresser en maîtrise, apprendre à se reposer sur ses partenaires (un excellent chapitre où en casting ses numéros de solistes déstabilisent les autres) et gravir les échelons jusqu’au succès. Un des aspects captivant est la plongée dans le monde du spectacle si spécifique au Japon. Des jeunes Idols sont façonnés dès l’adolescence par des agences artistiques afin de s’illustrer dans des disciplines aussi diverses que la chanson, le mannequinat, le cinéma ou les dramas télévisés. La pure dévotion au jeu de Kei dénote donc dans une atmosphère concurrentielle délétère, et des interprétations calibrées pour plaire au plus grand nombre plutôt qu’au service du rôle et de l’art. Un bon shonen repose toujours sur une grande rivalité et cet élément s’inscrit ici justement dans cette approche différente du jeu d’acteur. Kei est un livre ouvert d’émotions quand « l’ange » Chiyoko Momoshiro est une icône insaisissable qui ne vit qu’à travers le regard des autres.

On est à la fois captivé par la plongée dans l’entertainment nippon, le quotidien d’un tournage (éléments qui promettent d’être encore plus approfondis dans les volumes suivants) mais c’est surtout l’observation de l’essence du jeu qui fait l’originalité du manga. Le dessin est bon sans être exceptionnel (le trait trouve généralement ses marques au bout de plusieurs volume), l’humour fonctionne bien mais dès qu’il s’agit de capturer la perte de contrôle, le don de soi que signifie s’emparer d’un rôle, quelque chose se passe indéniablement. La mise en page se fait plus aventureuse, les traits de l’héroïne se font plus éthérés à travers un crayonnage plus fin qui exprime la quête au plus profond de son âme de la vérité du rôle. Le suspense qui menace Kei de potentiellement perdre la raison à se livrer ainsi sans retenue promet aussi pour la suite. Le manga allie avec brio l’intensité du shonen et l’émotion du shojo (manga à la cible éditoriale féminine), ce dernier n’ayant pas attendu pour explorer ce thème avec Glass no Kamen, que l’on connaît en France grâce à son adaptation animée Laura ou la passion du théâtre diffusé dans les 80’s. Donc si vous aimez le cinéma ET les mangas, Act-age est un titre prometteur et à lire instamment ! 

Les deux premiers volumes sont édités chez Ki-OOn 

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