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jeudi 4 juin 2020

Women - Nu ren xin, Stanley Kwan (1985)

 Après avoir découvert que son mari la trompait, Liang Bo-Yi demande le divorce. Elle doit maintenant gérer seule ses nouvelles relations avec son fils et sa volonté de refaire sa vie

Stanley Kwan par son attrait et sa justesse des portraits féminins fut souvent qualifié de George Cukor hongkongais. C'est un titre qu'il endosse pleinement dès sa première réalisation (après avoir fait ses armes quelques années à la télévision) avec ce Women. Le film, sans être un remake, s'affirme cependant comme une vraie variation moderne de Femmes de George Cukor (1939). Le point de départ est le même avec une femme mariée qui décide de divorcer de son époux infidèle avant d'être en proie au doute et au remord quant au sens à donner à son existence célibataire. Le film de Cukor détonait par son casting entièrement féminin et ses questionnements novateurs à l'époque, tout en évitant toute complaisance sur les chemins sinueux et parfois peu flatteurs empruntés par cette communauté féminine en quête d'émancipation. Nous suivrons donc ici Liang Bo-Er (Cora Miao), jeune femme mariée depuis 8 ans qui va dès la scène d'ouverture annoncer sa volonté de divorcer à son mari volage Derek (Chow Yun-fat). Cette entrée en matière est d'ailleurs magistrale puisque sous ses dehors joyeux où Derek s'amuse avec son fils, on devine le caractère immature de l'époux et en filigrane la lassitude de Liang Bo-Er qui vient briser le tableau familial par son annonce.

Dès lors le récit accompagne les premiers pas de célibataire de Liang Bo-Er, le quotidien avec son jeune fils devant accepter la séparation, les contacts gênés à maintenir avec Derek avant la séparation officielle et signée du divorce. Il s'agit bien moins d'un film choral que l'original de Cukor, mais néanmoins Stanley Kwan observe avec brio la communauté féminine qui gravite autour de l'héroïne avec son groupe d'amies. La seconde scène est d'ailleurs la première réunion post séparation avec les amies qui connaissent cette situation depuis bien longtemps. La caméra de Stanley Kwan virevolte pour saisir le ping pong de dialogues piquants où certaines prennent leur statut avec humour et où les hommes en prennent pour leur grade (l'anecdote de cet époux voulant un dernier "coup" pour entériner la séparation). Cependant sous les rires, le réalisateur isole du cadre celles qui le vivent le plus mal mais se trahiront par leurs larmes, mais aussi celle qui cachent leur détresse sous une désinvolture de façade comme Liang Bo-Er.

La démarche est certes moins inédite qu'à l'époque de George Cukor, il n'en reste pas moins que l'on pas si souvent vu ce type de portrait de femmes, plus des jeunes filles mais avec des désirs, des aspirations allant au-delà du simple statut de mère de famille. Stanley Kwan oscille avec brio entre le trivial et le plus tragique pour dépeindre cette évolution. On le voit dans le rapport aux hommes, où tromper la solitude se réduit à engager un "toy boy" pour une scène aux conséquences tragiques, mais aussi la redécouverte (voire la découverte pour Liang Bo-Er dont Derek fut le premier homme) des rendez-vous galants et de la séduction. On a ainsi une hilarante scène de déjeuner collectif où la caméra oscille entre les mots doux échangés en haut de la table, et leur conséquence en bas de cette même table où le poids des mots incite à furtivement se faire du pied. Stanley Kwan glisse d'ailleurs de furtives allusions à la problématique gay (une des amies de Liang Bo-Er étant lesbienne, et une rencontre masculine bisexuelle) qu'il abordera plus explicitement beaucoup plus tard dans Yang ± Yin: Gender in Chinese Cinema (1995) et Lan Yu (2001).

Là où le réalisateur touche le plus juste, c'est surtout dans la comédie du remariage qui se joue entre Derek et Liang Bo-Er. Les situations sont originalement drôles, notamment quand Liang Bo-Er retrouve son ancien espace familial investi par une présence féminine plus jeune et sexy avec la belle Sha Niu (Cherie Chung). Stanley Kwan anticipe la justesse dramatique du Shinji Somai de Moving (1993) avec ce moment de gêne subtile de Derek quand il voit le regard mélancolique de son fils alors que Sha Niu se montre un peu pressante de baisers. Il faut d'ailleurs souligner la remarquable performance de Chow Yun-fat (toujours intéressant et hors de sa zone de confort chez Stanley Kwan notamment le beau Love unto waste (1986) qui rend terriblement attachant ce personnage d'époux si maladroit.

Tout sonne incroyablement juste, même les protagonistes en apparence caricaturaux dévoilent des nuances plus fines, comme Sha Niu qui a droit à un aparté plus apaisé avec sa rivale dans une très jolie scène de solidarité fac à l'inconséquence masculine. La dernière partie s'émancipe complètement de Cukor et fait preuve d'une grande modernité en ne rendant pas si simple la réconciliation. Ce ne sont pas les mœurs ou le Code Hays qui guident les retrouvailles de façon implicite, mais un amour sincère qui n'empêchera pas les faux-pas. Derek se montre ainsi bêtement infantile lors d'une des dernières scènes et l'image figée de la famille réunie laisse ironiquement apparaître une phrase qui nous indique des futures et ponctuelles sorties de route du couple, et cela des deux côté (quand l'infidélité maritale semblait une tare typiquement masculine chez Cukor). Un excellent premier film, et dire que le meilleur était encore à venir !

Sorti en dvd hongkongais 

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