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samedi 22 janvier 2022

Pee-Wee's Big Adventure - Tim Burton (1985)


 Pee-Wee est un personnage excentrique vivant dans une maison conçue comme un rêve d'enfant. Son objet fétiche est une bicyclette au look retro et comportant de nombreux gadgets. Le jour où il se fait voler sa bicyclette, Pee-Wee se lance à travers une quête qui l'emmènera jusqu'au Texas puis à Hollywood, croisant au passage de nombreux personnages farfelus qui accepteront de l'aider dans sa recherche. Pee-Wee finit par retrouver sa bicyclette et se voit proposer de voir son histoire portée au cinéma.

Pee-Wee's Big Adventure est le premier long-métrage d’un Tim Burton ayant enfin trouvé une porte de sortie à l’impasse rencontré au sein du studio Disney. La firme en grande oreilles rencontre à l’époque une période tumultes faite d’échecs commerciaux et de dissensions internes, qui va amener une fuite des cerveaux là de ne pas trouver de considérations et ne pas se voir confier de responsabilités, comme Don Bluth. Disney est pourtant bien conscient de compter un génie en son sein avec Tim Burton et lui dégage donc un budget afin qu’il puisse réaliser deux court-métrages plus personnels (auquel s’ajoute Hansel et Gretel un téléfilm de commande diffusé sur Disney Channel en 1982), un en animation Vincent (1982) et l’autre en prise de vues réelles Frankenweenie (1984). Envisagé pour être projeté en avant-programme d’une ressortie de Pinocchio, le contenu sombre de Frankenweenie effraie le studio qui en limite la diffusion. C’est la déconvenue de trop pour Tim Burton qui quitte alors Disney, qu’il ne retrouvera qu’avec L’Etrange noël de Monsieur Jack (1993) auréolé d’un tout autre statut. 

L’expérience n’a cependant pas été vaine puisqu’une amie de Burton va montrer Frankenweenie aux pontes de Warner alors en quête d’un réalisateur pour un film consacré à la star comique Paul Reubens et son personnage culte de Pee-Wee Herman. Convaincus, ils engagent donc un Tim Burton qui saura saisir cette chance. Pee-Wee est un homme-enfant excentrique créé par Paul Reubens dont la drôlerie se situe à deux niveaux. Ses facéties et son univers bariolés parlent immédiatement aux enfants, tandis qu’en sous-texte on distingue des allusions plus adultes et parfois grivoises. Pee-Wee triomphe sur scène avec un spectacle à succès en 1981 puis devient populaire à la télévision. 

C’est donc fort d’un certains cahiers des charges que Tim Burton va devoir aborder le film. Cependant la nature de quasi-film à sketches de Pee-Wee’s Big Adventure va finalement servir le réalisateur. La base du scénario vient d’un constat de Paul Reubens voyant les comédiens et le personnel de Warner circulant tous à vélo dans les locaux du studio. Il en réclame un à son tour et se voit offrir une vieille bicyclette Schwinn des années 1940 remise à neuf. Cela va stimuler l’imagination de Reubens qui fait du vol de ce vélo, trésor absolu de Pee-Wee, le prétexte à un road-movie délirant à travers les Etats-Unis pour le retrouver. 

Tous les personnages à venir de Tim Burton sont des figures hésitant toujours à intégrer un monde fasciné et méfiant face à leur originalité. Leur facette excentrique et torturée s’impose au monde sous un masque clownesque afin d’y semer le chaos avec Beetlejuice (1988) ou le Joker de Batman (1989), s’y imposer en figure de justice dans le même film où au contraire constater avec mélancolie leur incapacité à s’y intégrer avec Edward aux mains d’argent (1990). Tout est déjà là avec ce Pee-Wee à l’existence en vase-clos de sa maison « de poupée » truffée de gadgets, de jouets et de couleurs criardes où notre héros se suffit à lui-même.  Au sommet de ses accessoires trône ce vélo adoré qu’il veille jalousement, s’aliénant de toute relation amicale ou amoureuse trop prononcée pour vivre dans son monde. Le vol révèle donc ce penchant monstrueux et égoïste où Burton déploie tout l’arsenal inquiétant dont il a le secret : gros plan agressif et jeu d’ombres inspirés du cinéma allemand expressionniste, contre-plongée saisissante rendant intimidante la figure joviale de Pee-Wee. Tout cela est cependant doté d’une touche décalée à travers le jeu extravagant de Paul Reubens, tout en grimaces, rires étranges et poses incongrues. 

Le voyage va donc permettre à Pee-Wee de se confronter à une certaine réalité clichée de l’Amérique et le sortir de son cocon. C’est l’occasion de rencontres improbables et donc de sketches plus ou moins réussis. C’est un terrain de jeu constant pour Burton notamment lors des scènes de rêves où il s’amuse avec la stop-motion, une course poursuite finale truffée de gags référentiels où en semant la zizanie au studio Warner, Pee-Wee entraîne dans son sillage Godzilla, le rock’n’roll à la Grease, les films de plages soit les grands genres d’un certain cinéma d’exploitation.  L’émotion n’est pas totalement absente dans ce périple, par exemple avec le beau personnage de Simone (Diane Salinger) serveuse rêvant d’aller en France et convaincu par Pee-Wee de franchir le pas – la rencontre est aussi pour les anglophone le prétexte à une merveille de jeu de mot salace. 

L’ironie mordante de Burton fait mouche lors de la scène finale où il fustige la faculté de récupération hollywoodienne dévitalisée quand les aventures de Pee-Wee sont adaptée en film dont la projection conclut le récit. Pee-Wee y est devenu une sorte de James Bond rouleur de mécanique (joué par James Brolin qui se console d’avoir manqué le rôle de James Bond pour lequel il auditionna à l’époque de Octopussy (1983)) et c’est toute l’aseptisation hollywoodienne incapable de retranscrire fidèlement les freaks, les marginaux. Cela allait bientôt changer avec un Burton dont le succès inattendu du film allait mettre la carrière sur les rails que l’on sait. 

Sorti en bluray et dvd zone 2 français chez Warner

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