Vincent Malloy est un petit garçon de 7 ans, qui n'a qu'un seul rêve  : être Vincent Price, acteur à la voix ténébreuse coutumier des films  d'épouvante. C'est ainsi que sous son apparence d'enfant bien élevé,  c'est un grand amateur de la littérature d'Edgar Allan Poe et rêve de  transformer son chien en zombie, faire de sa tante une poupée de cire et  délivrer son épouse, enterrée vivante. 
Premier film « professionnel » de Tim Burton (les œuvres adolescentes 
The Island of Doctor Agor, relecture de 
L’Île du Docteur Moreau et 
Doctor of Doom auront précédé, ainsi que son film d’étudiant 
Stalk of the Celery Monster) 
Vincent  s’affirme d’emblée comme un de ses plus personnels. C’est alors une  époque de confusion pour Disney sur le déclin et qui patine sur la  direction artistique à opter.
Cette période donnera des œuvres à  l’esthétique et à la tonalité surprenantes comme le film de SF 
Le Trou noir (1979), l’heroic fantasy ténébreuse du 
Dragon du lac de feu (1981) ou encore le dessin animé 
Taram et le chaudron  magique (1985). Tous seront des échecs commerciaux retentissant mais  sont la preuve que Disney en crise laisse à cette époque les talents   personnels s’exprimer afin de se relancer. Tim Burton bénéficie donc de  ce contexte en se voyant confier ce court métrage en forme de carte de  visite.
Conscient d’abriter un talent unique, les exécutifs Julie  Hickson et Tom Wilhite vont lui donner ce petit espace pour s’exprimer.  Visuellement, tout Burton est déjà là, avec nombre de partis-pris forts.  Le noir et blanc, l’esthétique gothique ténébreuse et la tonalité de  film muet montrent déjà l’influence de l’expressionnisme allemand chez  lui, qui s’épanouira pleinement au sein de la Gotham City de 
Batman (1989).
Le paisible pavillon familial plié aux pensées morbides de Vincent prend  alors des atours oppressants par un jeu d’ombres splendide, où la seule  source de lumière est notre héros  éclairé dans les ténèbres pour  signifier son isolement d’avec le monde qui l’entoure. Le choix de  l’animation image par image avec ces mouvements saccadés accentue le  lien avec le muet et la direction artistique, à mi-chemin entre  tradition gothique et une tonalité plus décalée, fait merveille. Ainsi à  travers les fantasmes de Vincent, de grandes figures du fantastique  ressurgissent, notamment 
Frankenstein lorsqu’il rêve des  expériences auxquelles il soumettrait sa tante ou son chien (le  compagnon canin, une figure constante des œuvres à venir).
Ces facettes  référentielles et personnelles fusionnent dans ce qui est le cœur du  film : la figure de Vincent Price et son identification par Vincent/Tim  Burton. Burton ne fait qu’un avec son héros et l’isolement, le refuge  dans l’imaginaire qu’il exprime à travers lui est celui des siens, bien  réels  durant cette enfance et adolescence ingrates, où il s’est  toujours senti marginal. Vincent est donc une grande œuvre sur la  solitude et l’impossibilité du « freaks » à se mêler au monde réel, à  avoir une vie normale (symbolisé par la réprimande de la mère  l’obligeant à aller jouer dehors).
Burton  use du prisme du cinéma pour dévoiler cette part de l’intime  grâce à Vincent Price et Edgar Allan Poe.  Price fut surtout reconnu  pour ses interprétation dans les adaptations de Poe signés Corman et les  références sont nombreuses entre 
La Chute de la Maison Usher ou 
Le Corbeau qui semble avoir inspiré la narration en vers de 
Vincent.  Cerise sur le gâteau pour le jeune réalisateur, c’est son idole Vincent  Price en personne qui viendra assurer la voix-off maniérée du film.
Tout Burton est déjà là (notamment 
Beetlejuice) et  particulièrement certains éléments de sa future filmographie liée à  l’animation : on entraperçoit ainsi Jack Skellington mais aussi le  visage de Victoria future fiancée des 
Noces Funèbres. Malgré toutes ses qualités, la noirceur de 
Vincent  effraiera les cadres de Disney, ramenant Burton à sa modeste condition.  Ils lui laisseront une seconde chance avec un autre court live cette  fois, 
Frankenweenie (relecture canine du mythe 
de Frankenstein) pour le même résultat brillant et le même accueil dubitatif. En tout cas ses 5 minutes sont plus précieuses que toute sa filmographie des années 2000.
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