Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 29 décembre 2011

New York 1997 - Escape from New York, John Carpenter (1980)

En 1988, suite à une explosion de criminalité aux États-Unis, l'île de Manhattan est devenue une ville-prison. En 1997, alors que le président des États-Unis se rend à une importante conférence, son avion Air Force One est détourné par des terroristes. Le président parvient à s'enfuir en s'éjectant à bord d'une capsule de survie qui s'écrase au cœur de Manhattan. Il est aussitôt retenu en otage par les prisonniers de l'île. Le responsable de la sécurité, Bob Hauk, fait alors appel à Snake Plissken, un redoutable hors-la-loi et lui donne 24 heures pour sauver le président en échange de sa grâce.


Grand classique de John Carpenter, Escape from New York s’affirme à cette étape de sa carrière comme son film le plus aboutit et surtout le plus représentatif de sa personnalité. Si on excepte le potache Dark Star inaugural et plus création collective que film personnel, les premiers films de Carpenter surent chacun poser les jalons essentiels de sa future filmographie. Assaut, remake officieux et moderne de Rio Bravo est la profession de foi de ce grand admirateur de Howard Hawks dont il reprend tous les motifs (personnages taciturne qui se définissent et tissent leur lien dans l’action, maîtrise bluffante du scope). Halloween chef d’œuvre de l’épouvante le pose en digne disciple d’Hitchcock et dévoile son attirance pour le mal, le goût du mystère et à nouveau cet art de l’épure narrative et visuelle.

Avec Fog Carpenter se fond définitivement dans le créneau du cinéma de genre (et fantastique plus précisément) et montre sa capacité à en tirer des scripts toujours inventifs et surprenant. Il ne manquait à cet ensemble que le Carpenter iconoclaste et politisé qui explosera notamment dans l’excellent Invasion Los Angeles et New York 1997 vient corriger cela. Le film est issu d’un des premiers scénarios écrit par Carpenter qui le relance lorsqu’il piétine sur son futur projet d’alors Philadelphia Experiment. Lorsqu’il le proposa pour la première fois aux producteurs en 1974, les portes se refermèrent devant ce récit un peu trop caustique envers le Président des Etats-Unis alors qu’on nage en plein scandale du Watergate. Quelques années plus tard, fort du succès d’Halloween et dans un contexte politique plus propice le film pourra enfin se faire. L’inspiration de Carpenter est multiple sur New York 1997.

La montée d’insécurité croissante dans la ville de New York et les films angoissants et violent inspirés de ce cadre (Un Justicier dans la ville surtout) donne un arrière-plan fort au réalisateur qui va l’exacerber. Carpenter décide également de reprendre à son échelle le formidable point de départ du roman SF de Harry Harrison Le Monde de la Mort où l’homme le plus dangereux de l’univers se voit justement envoyé en mission sur la planète la plus dangereuse de la galaxie.

A l’écran, cela donnera donc cette cité de New York désormais condamnée par des murailles autour de l’île de Manhattan et réduite à une prison à ciel ouvert dans une zone de non droit où les criminels sont livrés à eux même sans espoirs de sortie. Lorsque des terroristes font s’écraser Air Force One dans ces lieux sinistres (avec une séquence tristement prémonitoire où Air Force One percute un gratte-ciel) c’est un malfrat plus dangereux encore qui est envoyé pour le sauver, amnistie à la clé. Presque tous les films de Carpenter sont des westerns masqués et Escape From New York s’avère le plus manifeste entre tous. Le pitch délesté de ses aspects futuristes est typique du genre et avec Snake Plissken on a un archétype du héros solitaire taciturne et digne descendant des Eastwood et autres John Wayne.

Carpenter en amplifie la dimension asociale avec cette formidable création qu’est Snake Plissken. Le personnage est un double filmé et radical du réalisateur qui n’a de héros que le nom. Sociopathe uniquement préoccupé par lui-même, Snake n’agit que dans son propre intérêt (ce moment où il passe son chemin imperturbable alors qu’une femme est violée sous ses yeux) et s’avère rétif à toute autorité sauf s’il est contraint et forcé. A nouveau tel un héros de western, sa réputation quasi légendaire le précède partout ici manifestée par un amusant leitmotiv où chaque personnage le reconnaissant lui affirme qu’il le croyait mort.

Formidable rencontre artistique et naissance d’une belle amitié entre Carpenter et Kurt Russel (les deux avaient collaborés sur un téléfilm à succès Le Roman d’Elvis ou Russel interprétait le King), ce dernier se détachant des rôles propret de Disney dans lesquels il a débuté. Le bandeau sur un œil borgne tandis que le valide vous gratifie du regard le plus dédaigneux, barbe de trois jours et l’allure menaçante, il EST Snake Plissken.

Hormis la présence du World Trade Center datant forcément le film, l’illusion reste intacte près de 30 ans plus tard malgré un budget limité. Les grands films de SF de l’époque (Alien, Blade Runner…) sont ceux qui auront su inscrire leur futur dans un prolongement du monde contemporain plutôt que d’en mettre plein la vue avec une esthétique trop dépaysante.

New York 1997 est dans cette lignée avec son univers dont l’architecture laissent deviner la nature totalitaire, la sobriété de sa technologie dans l’ensemble purement fonctionnelle et sans artifice. Les trucages « à l’ancienne » restent parfaits avec cet usage brillant de maquettes, de matte painting et de trucages visuels qui offrent des vues impressionnante de ce New York carcéral (l’arrivée en planeur de Snake).

La science du montage et du cadrage (l’usage du cinémascope de Carpenter est sans égal dans le cinéma récent) entretiennent cette crédibilité qu’on doit notamment à un certain James Cameron responsable d’une grande partie des effets visuels. Le paysage apocalyptique et menaçant de New York sera filmé à Saint-Louis dont les extérieurs se prêtaient bien à cette désolation puisque la ville en crise avait subit un grand incendie qui ravagea un partie des quartiers en 1977. Le film impose ainsi une esthétique maintes fois copiée (les allures de punk peroxydés des malfrats) mais jamais égalée.

La science de l’épure de Carpenter atteint ici des sommets avec cette introduction glaciale (sur une voix off de Jamie Lee Curtis héroïne d’Halloween et Fog) qui pose avec concision le contexte. Le scénario limpide nous emmène d’un point à un autre selon les informations et les rencontres (tout en s’autorisant des pauses surprenantes comme lorsque Snake pourtant pressé par le temps s’assoit un moment, dépité), le tout sans fioritures ou apartés quelconques une vraie leçon de narration classique dont Carpenter est le chantre.

Le rythme se fait haletant de bout en bout dans un récit riche en péripéties (la traversée finale du pont de Brooklyn inoubliable) et personnages haut en couleurs : Ernest Borgnine en taxi candide, Lee Van Cleef manipulateur Hauk, Harry Dean Stanton fourbe et calculateur Brain (assisté par la plantureuse Adrienne Barbeau épouse de Carpenter à l’époque) et un terrifiant Isaac Hayes en Duc de New York.

Carpenter associe avec brio cette influence western avec les atmosphères surnaturelles d’Halloween et Fog notamment les premières scènes nocturnes dans la prison, avec son obscurité menaçante, ses silhouettes quasi spectrales (Romero et ses zombies ne sont pas loin lorsque surgissent de terrifiants êtres des égouts) rendent les lieux non seulement dangereux mais inquiétant et hanté lors de la découverte à travers le regard de Snake.

La conclusion fait du cynique Snake l’être le plus droit et moral du film, celui qui va jouer un drôle de tour à ce Président qui ne vaut finalement guère mieux que les criminels qui l’on séquestrés (Donald Pleasance parfait de couardise). John Carpenter exprime ainsi son iconoclasme et son individualisme de manière sobre et cinglante, et c’est sur les nappes synthétiques de son score hypnotique (qui fera école dans la musique électronique) que l’on quitte Snake, poor lonesome cowboy rebelle des temps futurs qui s’éloigne lentement. Un grand film dont Carpenter tirera une suite fort dispensable quinze ans plus tard…

Sorti en en dvd zone 2 français chez Studio Canal, également en zone 1 chez MGM avec un bonus de taille à savoir la scène d'introduction coupée au montage.



Et la fameuse scène d'introduction judicieusement coupée mais une curiosité à voir.

6 commentaires:

  1. Superbe article, un pur régal pour le fan de Big John que je suis ! :)

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  2. Merci, gros fan de Big John aussi il était temps que j'en chronique un quand même ! ;-)

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  3. Vu à sa sortie en salle ...un grand souvenir. Et puis cette musique lancinante ...

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  4. Bonjour Justin, le dvd zone 1 comprenant en bonus la scène coupée c'est celui là ??
    https://www.amazon.fr/dp/B0000CNY27/ref=olp_product_details?_encoding=UTF8&me=

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  5. Salut Catherine oui c'est bien cette édition ;-)

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