Hong-Kong, 2008. Le
jeune idéaliste Lee Xiang et la surdouée Kat Ho font leurs débuts chez Jones
& Sunn, une multinationale sur le point d’entrer en bourse. Alors que la
banque Lehman Brothers fait faillite aux États-Unis, la tension commence à se
faire sentir au sein de l’entreprise. Lee Xiang et Kat Ho vont petit à petit
découvrir le monde extravagant et outrancier de la finance…
Johnnie To n’avait pas eu les honneurs d’une sortie salle en
France depuis La Vie sans principe (2012)
et Office est l’occasion de souligner
le style versatile du réalisateur hongkongais. C’est par le polar que Johnnie
To devient la coqueluche de la critique française et notamment l’excellent The Mission (1999). Avant cette réussite
il avait pourtant tâté de tous les genres, de l’action survoltée des super
héroïnes du diptyque Heroic Trio/Executionners à tout un pan de comédie
cantonaise bien grasse. Même si le polar crépusculaire demeure son genre de
prédilection, Johnnie To a plus d’une corde à son arc et on a pu en avoir un
aperçu dans le virtuose dans Sparrow
(2008), histoire de pickpocket où planait l’influence du Jacques Demy des Parapluies de Cherbourg (1964). Ce
penchant pour la comédie musicale est plus explicite dans Office où il se mêle
aux préoccupations socio-économiques de La
Vie sans principe.
On suit là les méandres d’une multinationale hongkongaise
sur le point d’entrer en bourse à la veille de la crise financière de 2008. Le
film adapte la pièce de Sylvie Chang (également interprète et scénariste ici)
et nous fait découvrir à travers le regard des juniors Lee Xiang (Ziyi Wang) et
Kat (Yueting Lang) les enjeux économiques et les rivalités intestines qui règnent
au sein du groupe. Le président (Chow Yun-fat) a ainsi délégué les pouvoirs à
sa maîtresse Winnie (Sylvie Chang) qui semble pourtant comploter dans son dos
aidé de son âme damnée David (Eason Chan). La dénonciation du capitalisme mêlée
de sous-intrigue de soap opera tourne assez court ici malgré l’interprétation
convaincante et l’aspect comédie musicale ne décolle pas (à l’exception de la
scène touchante où deux personnages chantent la nostalgie de leur région
natale) noyé sous la pop cantonaise mielleuse. Des films hollywoodiens comme Margin Call (2010) ou en plus ancien La Tour des Ambitieux de Robert Wise (1954)
ou Patterns de Fielder Cook (1956)
traitent la question de façon bien plus pertinente.
L’intérêt est donc avant tout formel et To déploie des
trésors d’inventivité pour illustrer les jeux de pouvoirs de ce monde de
faux-semblants. L’aspect de fourmilière étouffante et aliénante de cette vie de
salary-man se ressent dans le rituel allant du métro encombré (et où la
préoccupation financière ne disparait jamais voir tous les regards braqués sur
le manuel d’un voyageur Comment devenir
riche) à l’entrée de la multinationale où l’on fait la queue pour prendre l’ascenseur
- l’ambition étant de prendre celui du milieu, emprunté par les cadre
supérieurs qui n’ont plus à attendre. Le réalisateur déploie une véritable
scénographie jouant des dispositifs d’entreprise moderne avec ce gigantesque
open-space tout en baies vitrées transparente où l’on observe, espionne et
médit sur le collègue rival, sur le supérieur imbitable, sur le subalterne aux
dents longues. Les influences du Jacques Tati de Playtime (1967) se marient ainsi au ton oppressant des Temps Modernes (1936) et à défaut d’être
mémorables, la niaiserie musicale des passages musicaux joue avec ironie de
cette atmosphère concurrentielle et de défiance permanente.
Le décor conçu par William
Chang (fidèle collaborateur de Won Kar Wai) est une création incroyable qui
assume la dimension théâtrale du matériau d’origine tout en lui conférant une
puisse évocatrice toute cinématographique. L’activité est capturée par une mise
en scène fluide où selon l’humeur, le fourmillement interne s’observe dans
toute son agitation anonyme ou alors joue d’une véritable scénographie dans la
disposition des employés dans le décor, soumis, en attente ou défiant. La 3D
joue habilement de la profondeur de champ et de ce sentiment de paranoïa
permanent sous le ton plutôt léger du film.
L’atmosphère est claustrophobe, les
rares extérieurs font plus factice que les bureaux et cette transparence se
prolonge même dans la vie personnelle des employés (transparence vie privée/vie
professionnelle mais aussi dans ces même baies vitrées donnant sur l’extérieur
dans l’appartement de Sophie (Tang Wei). Tout ce qu’il y a de convenu et
attendu dans les situations et le scénario est donc superbement transcendé par
les trouvailles formelles de Johnnie To dans cette jolie réussite.
En salle
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