Luther Kelly, un trappeur, ayant sauvé la vie
du chef indien Gall, a l'autorisation de poser des pièges sur le
territoire des Sioux. Il est aidé par son assistant Anse Harper. Kelly
refuse de guider l'armée fédérale à travers ce territoire. Sur le chemin
du retour, Kelly et Harper sont faits prisonniers par Sayapi, le neveu
de Gall. Les deux trappeurs réussissent à soustraire Wahleeah, une jeune
indienne, des griffes de Sayapi. Cependant, le major Towns, mégalomane
arriviste, fou de rage du refus de Kelly, tente d'envahir les terres
réservées aux Indiens...
Le Géant du Grand Nord marque la deuxième collaboration entre Gordon Douglas et le scénariste Burt Kennedy après la grande réussite que fut Sur la piste des Comanches (1958). Ce film fut aussi l'occasion de révéler l'imposant Clint Walker, star de la série tv Cheyenne
qui trouvait là son premier rôle marquant au cinéma. Le trio se
retrouve donc pour ce film au ton bien différent. Clint Walker incarne
ici Luther Kelly, un trappeur ayant réellement existé et dont un texte
déroule la légende en ouverture, à savoir sa connaissance des terres
sioux du Missouri qu'il est le seul à avoir exploré. Comme dans Sur la piste des Comanches,
Gordon Douglas exploite l'allure intimidante et la nature taiseuse de
Clint Walker pour dévoiler la nature solitaire de Kelly.
Tout tend à
appuyer ce détachement du monde et des hommes à travers ses longues
périodes d'isolation passées à poser ses pièges, et le retour à la
civilisation ne se fait que pour vendre les peaux de loups acquises et
acheter d'autres pièges. Le personnage ne semble même pas savourer une
quelconque communion avec la nature ni entretenir un lien avec les sioux
(la raison pour laquelle il peut traverser leur territoire sans être
menacé se révèlera plus tard) et aspire simplement à la monotonie et
solitude de cette existence réglée. Tout le scénario tend ainsi à le
rapprocher des autres dans une dimension à la fois humaniste (dans la
relation paternelle entretenue avec le jeune Harper (Edd Byrnes)) mais
également pro-indienne et amoureuse avec la belle Wahleeah (Andra
Martin) dont il se retrouve bien malgré lui en charge.
Le film prend ainsi le total contrepied du déluge d'action de Sur la piste des Comanches
pour une atmosphère posée et intimiste, où l'action ne dépasse l'espace
de la cabane et ses alentours. L'interprétation inégale (Ed Byrnes sans
charisme qui emmène l'ensemble vers une certaine mièvrerie par moment)
fait parfois patiner le récit mais Gordon Douglas parvient à finement
jouer de cette proximité en jouant du désir contenu, des regards à la
dérobée et des sentiments naissant qu'éveille Wahleeah sur Kelly et
Harper. Le caractère gauche et balourd dans les sentiments de Clint
Walker le sert plutôt bien et contribue à la sensualité feutrée de
certains moments grâce à la présence lascive d'Andra Martin - et la photo de Carl E. Guthrie dans son travail sur la pénombre. Ce
détachement de façade de Kelly le rend finalement plus humain, à
l'opposé de tous les autres protagonistes réduit à une quête
obsessionnelle : Le chef sioux Gall (John Russell) et son neveu (Sayapi)
risquant tout pour posséder Wahleeah, et le Major Towns (Rhodes Reason)
emmenant ses hommes vers une mort certaine pour traquer les sioux.
Certaines facettes auraient pu être plus fouillées (l'expérience de
l'armée cause de la misanthropie de Kelly, la mégalomanie du Major
Towns) mais ne dépasse malheureusement pas le stade l'esquisse.
Visuellement si on peut déplorer parfois des extérieurs studio un peu
trop voyant, Gordon Douglas fait une nouvelle fois preuve d'un
époustouflant brio dans l'action même si parcimonieuse. L'empoignade où
Kelly corrige une dizaine de soldat est du formidable énergie, et
surtout comme souvent avec le réalisateur la violence est brutale et
douloureuse avec des débordements sanglants inattendus tout au long du
film. Pas une réussite au niveau de Sur la piste des Comanches mais un bon moment tout de même.
Sorti en dvd zone 2 français chez Warner
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