Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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jeudi 3 janvier 2013

Patterns - Fidler Cook (1956)


Fred Staples est engagé au siège new-yorkais de Ramsey & Co, un véritable empire industriel. Il y fait la connaissance de Bill Briggs, le vice-président de la compagnie. Mais dès la première réunion avec l’impitoyable patron Walter Ramsey, Staples comprend qu’il est là pour succéder à Briggs. Tiraillé entre son ambition et son sens moral, Staples va devenir le témoin de la descente aux enfers de Briggs.

Patterns est une petite perle méconnue qui marqua le premier succès public et critique de Rod Serling, future légende de la télévision et créateur de La Quatrième Dimension. A l'origine cette histoire fut filmée pour la télévision dans le cadre d'une pièce télévisée, format très populaire alors et prenant le relai des pièces radiophonique où Serling œuvra de longues années avant de travailler pour le petit écran en pleine ascension. Ces pièces en partie financées par un sponsor publicitaire étaient soumises à un format de 52 minutes, tournées en direct (avec trois coupures pub permettant aux acteurs de souffler) et diffusées le soir dans une tranche horaire permettant (en équivalent de ce que sera le cable quelques années plus tard) d'aborder des sujets plus adultes et audacieux dans les limites autorisées.

Le programme a un tel impact (Serling se voyant bombardé d'appel alors que la diffusion est en cours !) tant au niveau de l'audience que de la critique que Serling pourtant pas un débutant se voit réellement mettre le pied à l'étrier par cette notoriété nouvelle. Il réitéra l'exploit l'année suivante avec dans le même format le téléfilm Requiem for a Heavyweight mais il n'en a pas fini encore avec Patterns qui est rejoué et rediffusé deux mois plus tard et qui se voit transposé au cinéma avec le réalisateur (Fielder Cook) et une partie du casting original (seul Van Heflin remplace Richard Kiley dans le rôle de Staples.).

Patterns est une des plus saisissante et glaçante description du monde de l'entreprise, tendance en partie lancée par le très bon Marchands d'illusions de Jack Conway (1947) et dont les questionnements son très en vogue dans le cinéma américain des années 50 avec notamment L'Homme au complet gris de Nunally Johnson (1956) voir même en plus humoristique mais tout aussi incisif dans La Blonde explosive de Frank Tashlin (1959). Le film s'ouvre sur une visions des buildings imposant du siège Ramsey et annonce ce côté froid et dominant d'une entité passant avant l'humain. C'est là que Staples (Van Heflin) ancien directeur d'une usine de province est engagé par Ramsey pour collaborer avec le vice-président vieillissant Briggs (Ed Begley). Pourtant Staples va se rendre compte à coup de petites décisions insidieuses, de vexations et d'humiliations de plus en plus marquées qu'il est là pour  prendre la place de Briggs qu'on pousse à bout pour qu'il démissionne.

L'intérieur de l'entreprise est filmé avec la même froideur que l'extérieur, avec cette caméra partant du plafond pour redescendre en plongée sur ce long corridor où les employés indistincts s'agitent comme des fourmis, anonymes et débordés. Les réunions des exécutifs fonctionnent de la même manière, avec la caméra placée au bout de la longue table où les employés soumis et anonyme sont sur le côté alors que le dominant et tyrannique Ramsey (Everett Sloane) est au centre, en légère contre plongée. Quiconque osera sortir du rang et le contredire sera rabaissé plus bas que terre, les autres ne sont plus que des pions et comme le contenu de ces entretiens le démontre le profit et les spéculations ont désormais pris le pas sur les hommes et sont l'unique préoccupation de l'entreprise.

Briggs (poignant Ed Begley au bord de la rupture), homme du passé est ainsi pressuré et broyé par cette logique implacable sous les yeux lâche de ces collègues et ceux impuissant de Staples bien saisit dans cette ambiguïté entre ambition et morale. Van Heflin délivre une grande prestation et le script de Serling est brillant pour dépeindre son impasse personnelle où l'amitié, la fidélité et ses propres aspirations deviennent soudain incompatibles. Everett Sloane, sorte de serpent froid et manipulateur dont le venin peut vous frapper à tout moment l'a bien compris et campe un terrifiant dirigeant adepte du harcèlement moral raffiné.

Personne ne sera ainsi dupe du pseudo happy-end où Staples reste en pensant pouvoir changer les choses alors qu'on devine qu'il ne peut avec le temps que devenir un monstre comme Ramsey ou une victime comme Briggs. Comme une réplique l'a souligné peu avant, dans cet univers tout ce résume à l'opposition entre les forts et les faibles, les ambitieux et les mous.

Sorti en dvd zone 2 françis chez Wild Side

Extrait

  
Et petite curiosité le programme tv originel de Rod Serling visible en entier sur youtube

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