C'est la fin de l'année. Les élèves d’un lycée du Bronx grimpent dans le même bus pour un dernier trajet ensemble avant l’été. Le groupe d'adolescents bruyants et exubérants, avec ses bizuteurs, ses victimes, ses amoureux… évolue et se transforme au fur et à mesure que le bus se vide.
Les relations
deviennent alors plus intimes et nous révèlent les facettes cachées de leur
personnalité…
Michel Gondry signe un de ses meilleurs films avec The We and The I qui s’impose comme un
classique moderne du teen movie. La
réussite du film tient grandement à son authenticité, sa production ayant
constituée une grande aventure humaine. L’idée du film serait venue à Michel
Gondry se trouvant dans un bus à Paris, ce dernier se trouva envahi par des
adolescents sortant du lycée. Il observa alors les changements d’attitudes chez
les teenagers, l’influence du phénomène de groupe où fanfarons et bruyants en
nombre, les ados se transformait leur nombre diminuant, les conversations se
faisant plus intimes, les comportements plus naturels. Voulant transposer le
phénomène dans une fiction, Gondry part à la rencontre d’un groupe d’adolescent
d’un quartier difficile du Bronx qu’il soumet pendant près de trois ans à un
atelier.
Là, il les guidera, les accompagnera et les poussera à se livrer sur
leur quotidien, leurs anecdotes nourrissant le script sur lequel ils ont un
droit de regard et auquel ils amènent une vérité dans les échanges et
comportement des personnages. Après cette longue préparation, Gondry décidera
de recruter ses acteurs amateurs pour pratiquement jouer leur propre rôle dans
le film, au générique on peut d’ailleurs constater que les prénoms des
personnages étaient ceux des vrais ados.
A la sortie du film, on l’a beaucoup comparé au français Entre les murs avec lequel il partage
cette approche sur le vif et authentique d’adolescents d’aujourd’hui. Le film de
Gondry s’avère bien plus riche et surtout se frotte en fait à un autre
modèle. The We and The I constitue en fait une relecture moderne de Breakfast Club
(1984), reprenant à son compte la structure et les thématiques du
classique de John Hughes. On a ainsi un groupe d'adolescents confiné ensemble
dans une unité de temps et de lieu (journée de colle au lycée chez Hughes/bus
sur un long trajet pour Gondry) où au fil du temps les personnalités et les
fêlures de chacun vont se révéler.
Comme chez Hughes les personnages sont au départ des clichés
et archétypes du paysage lycéen et de teen movie (les tyrans, les souffre
douleurs, la jolie fille populaire avec Laidychen préparant sa fête) et sous le
foutoir de façade Gondry au fur et à mesure que le bus se vide laisse les jeunes
passagers restant se montrer de plus en plus naturel. Il nous y aura préparé
avant en plaçant les moments les plus comiques au départ tant que le bus est
bondé tout en cernant la personnalité de certains personnages sur lesquels il
se sera plus attardé au sein des groupes de plus en plus restreint. L'humour ou
la méchanceté la plus prononcée c'est We du titre où chacun veut se montrer à
son avantage quitte à humilier les autres (la bande du fond du bus) ou soit
même (le mythomane poseur et ses histoire abracadabrante de séduction) tandis
que le I nous les montre moins sûr
d'eux même, plus fragile et attachant.
Le principe marche sur de courtes scènes et personnages
furtifs (la fille qui accepte une fois descendue du bus de sortir avec le
garçon auquel elle a mis un mémorable râteau devant ses copines) puis ensuite
en révélant les vrais héros que tout opposent : le très antipathique
Michael qui aura malmené et moqué ses camarades avant de se révéler bien plus
intéressant débarrassé du regard des autres la très attachante et complexée de
Teresa. Michael se voit confronté à ses contradictions et à sa schizophrénie de
façon assez magistrale par le camarade le plus discret et taiseux dans la
foule, direct et franc dans l’intimité. Ainsi mis à nu, le film se conclu sur
un joli moment, sobre et chaleureux entre le tyran et sa souffre-douleur bien
plus semblables qu’il n’y parait.
Gondry adapte la forme à la génération Facebook/Youtube avec
un visuel inventif et énergique mais sachant se faire oublier. La caméra virevolte d'un coin à l'autre du
bus, scrute l'omniprésence du portable dans les interactions des personnages et
fait même de ce qui semble un gimmick formel (le running gag du copain filmé se cassant la
figure) un ressort dramatique qui ne révélera qu'en toute fin. Le film ne cède
au démonstratif qu'une seule fois de manière peu convaincante avec la dispute
et la confession du couple gay un peu trop larmoyante.
Sous l’énergie et le
foutoir apparent laissant croire à de l’improvisation, le script est pourtant
très rigoureusement écrit et construit et paradoxalement cette seule scène à ne
pas fonctionner est pourtant une extension de la réalité. Gondry pas convaincu
par un des deux acteurs leur avait demandé d’échanger leur rôles et au cours d’un
dialogue évoquant la tromperie de l’un d’entre eux, une vraie dispute éclata,
les caméras continuant à tourner et le moment étant conservé tel quel dans le
film. Et donc paradoxalement la scène la plus "vraie" qui sonne le plus faux (et le pour
coup moins forte que la grande confession finale d'un Breakfast Club), étonnant.
Le film ne se noie jamais dans son concept grâce à l'énergie
du jeune casting, au script osant des respirations inattendues (la séquence où
en plein bouchon les ados s’évadent du bus pour aller commander une pizza, les
flashbacks et séquences oniriques absurdes typiques des clips de Gondry surgissant sans que l’on s’y attende). On
s'amuse beaucoup tout en reconnaissant forcément l’adolescent que l’on est ou
que l’on a été au milieu de ce festival de vannes, de vacherie, de tendresse et
de larmes. LE teen movie des années 2010 et la plus belle réussite de Gondry
avec son magique Eternal Sunshine of spotless mind.
Un des grands films de 2012.
Sorti en dvd zone 2 français chez France Télévision
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