Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Les aventures de Georges Randal, devenu
voleur par défi envers son oncle et tuteur qui l'a dépouillé et envers
sa cousine Charlotte, qui l'a délaissé.
Unique collaboration entre Jean-Paul Belmondo et Louis Malle, Le Voleur constitue un des films les plus remarquables du réalisateur. Le Voleur
s'ouvre sur une scène de cambriolage très éloignée des vertus de
tension et de suspense associé aux films traitant des exploits de monte
en l'air et Jean-Paul Belmondo glacial n'évoque en rien le fantasme du
voleur aristocrate et charmeur à la Arsène Lupin. Dans cette
introduction, notre hors la loi inspecte la rue d'un côté puis de
l'autre, escalade un muret, brise méthodiquement une serrure et
inspectera méticuleusement toute une nuit la maison vide où il s'est
introduit pour évaluer la valeur de chaque objet qui s'y trouve. Point
de glamour ou de panache, on suit un professionnel en plein travail ce
qu'appuie cette phrase cinglante de Belmondo en voix-off.
Il
y a des voleurs qui prennent mille précautions pour ne pas abîmer les
meubles, moi pas. Il y en a d'autres qui remettent tout en ordre après
leur visite, moi jamais. Je fais un sale métier, mais j'ai une excuse,
je le fais salement...
Ce vol méthodique servira de fil
rouge au présent tandis que l'intrus Georges Randal (Jean-Paul Belmondo)
nous narre la façon dont il en est arrivé là. Le film adapte le roman
éponyme de Georges Darien paru en 1897. L'auteur était connu pour ses
penchants anarchistes et son mépris des grandes institutions érigées par
la société que sont la politique, la religion ou l'armée, opinions
qu'il exprima dans ses différents ouvrages comme Biribi, discipline militaire (inspiré de son séjour dans le camp disciplinaire du même nom en Tunisie pour insubordination).
Le Voleur
est plus particulier dans son œuvre par le mimétisme qu'il entretien
avec la vie mystérieuse de Georges Darien. Il disparait entre 1891 et
1897 pour sillonner l'Europe et revient avec le manuscrit du Voleur
sous le bras entretenant ainsi le fantasme que les aventures de son
héros Georges Randal sont les siennes puisque pour les opinions
radicales cela ne fait aucun doute. Louis Malle entretient cette idée
dans son adaptation puisque lui-même issu de la grande bourgeoisie il ne
manquera pas de l'égratigner dans nombre de ses films comme Les Amants (1958).
La
dénonciation de l'hypocrisie et superficialité de cette bourgeoisie se
fait ici par étape. Ce sera tout d'abord durant les scènes d'enfance où
les tirades moralisatrices de l''oncle Urbain tuteur de Georges
(Christian Lude) se verront contredite dès l'ellipse qui suit où à l'âge
adulte on constate qu'il dilapidé l'héritage de son neveu. George
amoureux de sa cousine Geneviève Bujold voit cette dernière lui échapper
pour un mariage richement doté et par dépit va briser les fiançailles
en dérobant les précieux bijoux de la famille de l'époux. Là c'est la
révélation, Georges détaché de tout et vivant dans l'ennui jusqu'ici a
trouvé sa voie. A travers la formation et la maîtrise de cet art du vol
de Georges le film fait défiler son lot de rencontre savoureuse (Julien Guiomar génial en abbé escroc) où
s'opposent constamment le monde des malfrats et celui de la bourgeoisie.
On découvre ainsi la remarquable organisation des voleurs, vraie
société souterraine partageant planques, informations sur les coups
potentiels et vraie solidarité pour les complices en difficulté ou en
cavale. C'est tout l'inverse de l'univers des nantis où les rombières
fauchées (Françoise Fabian) communiquent moyennant pourcentage des
informations sur les demeures bien loties et vide, les épouses légères
s'avèrent toutes disposées à repartir avec celui venu les dépouiller
(Marie Dubois parfaite en rouquine sophistiquée et dépravée) sans parler
des portraits grotesque de certains comme cet industriel belge
sacrément ridicule.
Hormis quelques séquences jouant de
l'urgence (une course poursuite où les cambrioleurs découvrent à leurs
dépens les premières alarmes domestiques) chaque vol sert donc surtout à
se moquer de la bêtise des bourgeois comme ce vol/déménagement en plein
jour où Belmondo fait fuir un curieux en l'invitant à les aider. Cette
France de la fin du XIXe est un cadre propice aux idées libertaires et à
l'anarchie comme en témoigne le parcours de Georges Darrien et cet
aspect est évoqué dans le récit avec la rencontre de certains voleurs à
la vision plus vaste que leur seul larcins et souhaitant dynamiter le
système comme la remarquable séquence où Belmondo croise la route de
Charles Denner, voleur et activiste qui finira mal.
C'est ces idées qui
finissent par causer le déclin et la dangerosité du métier, mais pas
pour George Randal uniquement préoccupé par l'adrénaline de son prochain
vol. Malgré ce détachement, l'intrigue en fait tout de même une froide
et impitoyable figure de justice avec une scène de deuil et de
succession d'une cruauté saisissante même si la victime ne l'a pas volé.
Jean-Paul Belmondo est absolument parfait, séducteur et tout en
retenue, idéalement mis en valeur par Louis Malle qui en dépit de la
belle reconstitution estompe tout éclat trop appuyé aux cadres luxueux
traversé pour une vision volontairement terne de cette superficialité.
Remarquable!
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