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mercredi 23 janvier 2013

La Vie d'Émile Zola - The Life of Emile Zola, William Dieterle (1937)


Émile Zola n'est pas seulement un auteur à succès mais aussi un combattant pour la justice. En 1897, il impulse les polémiques de l'Affaire Dreyfus, en prenant le parti du Capitaine. Alors en pleine gloire artistique, Zola met en danger sa carrière pour mettre en avant ses opinions politiques. Il publie un article polémique, « J'accuse...! », dans lequel il s'attaque à l'état-major français et au nationalisme. Il passe les cinq dernières années de sa vie à combattre pour la justice dans cette affaire.

Au milieu des années 30 William Dieterle entame une fructueuse collaboration avec l'acteur Paul Muni, réalisant au sein de la Warner de grands biopics de prestige qui rencontrerons un grand succès public et critique. Le premier du lot sera La Vie de Louis Pasteur (1936) qui remporte trois Oscars (Meilleur acteur pour Paul Muni, meilleur scénario original et meilleure adaptation), viendra ensuite La Vie d'Émile Zola et enfin Juarez (1939) consacré au célèbre président mexicain. Deuxième film de la série, La Vie d'Émile Zola est également une grande réussite.

Le scénario se base sur les travaux de Matthew Josephson, spécialiste américain de la littérature française du XIXe et plus précisément sur son ouvrage Zola and His Time paru en 1928. Ainsi tout en étant plutôt rigoureux dans la chronologie des évènements, le film s'autorise quelques raccourcis et modifications servant à une montée en puissance dramatique toute hollywoodienne et particulièrement efficace. Le film se divise clairement en deux parties.

Dans la première on suit donc l'ascension d'Emile Zola, tous les moments le menant de l'apprentissage à la notoriété se dévoilant dans de courtes vignettes : la vie de bohème lorsqu'il partage un appartement miteux avec son ami le peintre Cézanne, son travail dans le monde de l'édition où il contribue à mettre en avant les ouvrages partageant sa sensibilité puis les premiers succès littéraire. Toutes les ellipses, raccourcis et inventions du récit n'ont pour but que de mettre en avant la révolte de Zola, son souci du peuple et de sa misère et leur importance dans son œuvre.

Le film attribue ainsi le premier grand succès littéraire de Zola à Nana et surtout l'invention du personnage à une prostituée misérable et sans le sous qu'il aurait pris en pitié alors que dans la réalité l'inspiration lui soit venu de la moins honorable Blanche D'Antigny fameuse courtisane de l'époque. Son combat contre les institutions est également évoqué (là aussi avec des raccourcis servant la direction du film) notamment avec la parution de La Débâcle où dénonce les horreurs de la guerre et fustige l'armée. Ce survol en accéléré nous amène à un Zola installé, célèbre et adoubé par ses pairs. Pourtant cette consécration semble l'avoir éloigné de ses combats d'antan et installé dans l'autosatisfaction. Une injustice qu'il sera le seul capable de dénoncer va pourtant le ramener dans l'arène : L’affaire Dreyfus.

C'est donc le fameux conflit social et politique qui agita la France de la Troisième république qui anime la deuxième partie. Là aussi la narration va au plus simple (le complot, l'accusation arbitraire et l'emprisonnement de Dreyfus semblant se dérouler en dix minutes à peine), certains éléments polémiques sont éludés comme l'antisémitisme pour surtout dénoncer la toute-puissance du corps de l'armée, entité capable d'accuser un innocent et de commettre toutes les bassesses pour masquer son erreur de jugement.

Les moments forts sont innombrables, admirablement amenés par Dieterle : Zola prenant conscience de sa vanité en lisant ses promesses d'accession à l'Académie Française et en regardant son portrait, le fameux J'accuse entonné par un Paul Muni habité et surtout les captivantes joutes verbales des scènes de procès (dramatisés à l'extrême avec des généraux s'autorisant toutes les entraves à la justice tandis que la défense est constamment handicapée par les juges, dur à croire à ce point-là mais c'est sans doute le reflet d'une certaine la réalité).

Paul Muni allie une bonhomie et une exaltation rendant son Zola immédiatement attachant et charismatique et aidé par d'excellent maquillage nous fait croire à l'allure de cet homme dans l'âge mûr (on a du mal à croire qu'une poignée d'années plus tôt il jouait un teigneux Scarface chez Hawks). Joseph Schildkraut compose également un très touchant et fragile Dreyfus, sa déchéance et son emprisonnement sordide composant des séquences particulièrement marquante avec là aussi un impressionnant travail des maquilleurs sur sa dégradation physique progressive.

Dans cette même démarche romanesque, Dieterle accélère la réhabilitation de Dreyfus qu'il croise à la mort de Zola pour un final puissant sur les obsèques en apothéose de l'auteur où l'ode d'Anatole France à son ami est retranscrite en entier.

Devant rappeler la lutte entreprise par Zola pour la justice et la vérité, m'est-il possible de garder le silence sur ces hommes acharnés à la ruine d'un innocent et qui, se sentant perdus s'il était sauvé, l'accablaient avec l'audace désespérée de la peur ?
Comment les écarter de votre vue, alors que je dois vous montrer Zola se dressant, faible et désarmé devant eux ?
Puis-je taire leurs mensonges ?
Ce serait taire sa droiture héroïque.
Puis-je taire leurs crimes ?
Ce serait taire sa vertu.
Puis-je taire les outrages et les calomnies dont ils l'ont poursuivi ?
Ce serait taire sa récompense et ses honneurs.
Puis-je taire leur honte ?
Ce serait taire sa gloire.
Non, je parlerai.
Envions-le : il a honoré sa patrie et le monde par une œuvre immense et un grand acte.
Envions-le, sa destinée et son cœur lui firent le sort le plus grand.
Il fut un moment de la conscience humaine.


Le succès sera à nouveau au rendez-vous avec trois Oscars récoltés (Meilleur film, meilleur second rôle pour Joseph Schildkraut et meilleur scénario) sur sept nominations. Tout à fait mérité pour ce superbe biopic.

Sorti en dvd zone 1 chez Warner et doté de sous-titres français

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