La vie quotidienne de prostituées travaillant dans une maison de passes de Tōkyō à un moment où le gouvernement délibère sur l'adoption ou non d'une loi visant à interdire la prostitution.
Avec ce superbe dernier film, Mizoguchi plaçait dans un cadre contemporain les grandes
thématiques féministes au cœur d’œuvres précédentes qui usait du passé pour
fustiger à fustiger les maux du Japon d’alors. La condition précaire de la
femme japonaise aura ainsi été explorée par Mizoguchi à travers différentes
époques, situations et cadre sociaux : le prestige mais surtout la
soumission des geishas dans Les Musiciens
de Gion (1953), le triangle amoureux
sacrifiant une malheureuse dans Miss Oyu
(1951), la vieille prostituée brisée par la vie de La Vie d'O'Haru, femme galante (1952).
Rue de la honte explore à nouveau à l’ère moderne cet univers
de la prostitution où chaque prostituée représente une facette particulière :
la misère révoltante pour cette femme ayant enfant et mari souffrant,
l'obsession des apparences pour Mickey faussement présenté comme la plus
frivole avant qu'un face à face avec son père révèle son passé douloureux ou
encore Yumeko faisant face à l'ingratitude et la honte de son fils adulte pour
lequel elle s'est sacrifiée.
Lieu scellant les amitiés entre ces femmes, la
maison close est en fait une prison psychologique où les prostituées
s'habituent à l'argent facile et s'endette sans espoir d'ailleurs, tandis que
les patrons faussement paternalistes les exploitent sans vergogne. En déplaçant ses protagonistes de l’ère
féodale à ce monde contemporain Mizoguchi en les maintenant à cet état de
victimes, Mizoguchi montre que rien ne change pour la femme japonaise, victime
et soumise sans espoir de s’affirmer.
Le film n’est pas aussi ouvertement mélodramatique que d’autres
Mizoguchi avec cette vision presqu’amusée et comique de ce quartier des plaisirs de Tokyo. C’est une manière de
montrer la sécurité de façade de ce monde, sa nature éphémère avec les lois
contre la prostitution en route et cette illusion est balayée par une dernière
demi-heure éprouvante dans la succession implacable de malheur. La conclusion est cinglante de noirceur avec
cette boucle de l’avilissement semblant infinie (qui annonce dans l’idée celle
tout aussi désespérée d’Affreux sale et méchant de Scola) et où la seule à s'en
sortir est celle à avoir eu le comportement le plus méprisable.
Sorti en dvd zone 2 français aux éditions Films sans frontières
Extrait
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