Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram
Le Dernier des géants - The Shootist, Don Siegel (1976)
Atteint d'une maladie
incurable, John Bernard Books (John Wayne), le dernier des professionnels
légendaires de la gâchette, rentre calmement à Carson City pour recevoir des
soins de son vieil ami le Dr Hostetler (James Stewart). Sachant que ses jours
sont comptés, il trouve confort et tranquillité dans une pension tenue par une
veuve (Lauren Bacall) et son fils (Ron Howard). Mais « Books » n'est pas
destiné à mourir en paix...
Le Dernier des géants
est le dernier rôle de John Wayne au cinéma et constitue un adieu émouvant de
la star à l’écran. En 1964 John Wayne est diagnostiqué d’un cancer du poumon
(souvent attribué au périlleux tournage de Le
Conquérant de Dick Powell (1956) près d’un ancien site d’essai nucléaire)
qui le verra apparaître de plus en plus vieillissant et diminué dans ses rôles
des années suivantes. Le Dernier des
géants n’était pas un scénario spécifiquement écrit pour lui mais va
totalement trouver un écho au destin de John Wayne. John Bernard Books est un
pistolero légendaire, le dernier de son espèce et un vestige du passé en ce
début de 20e siècle. Un cancer incurable vient ramener ce man out of time à sa vulnérabilité et l’expose
aux désirs de gloire des jeunes loups et des ennemis revanchards d’antan. John
Wayne désormais controversé pour ses opinions politiques douteuses (la
réalisation de Les Bérets verts (1968)
où il justifiait l’intervention américaine au Vietnam) et dépassé aux yeux du
public avec l’émergence du Nouvel Hollywood, était donc également à la croisée
des chemins.
Don Siegel en est parfaitement conscient dans son approche,
notamment par cette ouverture évoquant les hauts faits d Books pour le
spectateur du film, mais rappelant également l’aura légendaire de Wayne pour le
cinéphile. Cette première scène est narrée en voix off par le personnage de Ron
Howard, relai admiratif du spectateur et qui arrive à distinguer la légende
au-delà du vieil homme souffreteux. Le regard admiratif du jeune homme exprime
ainsi le fantasme d’un Ouest mythologique que Siegel met en lumière et
désamorce à la fois. Cela passe par une forme de nostalgie et tendresse
extra-diégétique quand Wayne croise le chemin d’autres vieilles gloires comme
James Stewart (son partenaire de L’homme
qui tua Liberty Valance (1961) notamment) mais aussi une autodérision
désabusée.
Le personnage pleutre de l’US Marshall (Harry Morgan) se permet,
après une première entrevue les jambes tremblantes, une désinvolture hilarante
pour évoquer la disparition imminente de Books. C’est une démonstration
verbale, avant celle de plus en plus concrètement physique, de la déchéance de
notre héros qui n’est plus qu’une icône déchue et déclinante à abattre. Books a
bien conscience de cela et va en accepter l’évidence inéluctable pour partir
comme il a toujours vécu, les armes à la main. Sa fin ne sera ni celle des
scribouillards opportuniste, ni celle d’antagonistes en quête de notoriété.
John Wayne a toujours su exprimer une forme de douceur
bourrue et maladroite à ses personnages les plus virils, et cette fois en
figure en fin de parcours il s’avère d’autant plus touchant. Cette conscience
le rend une nouvelle fois d’autant plus touchant pour le spectateur que les
protagonistes croisés telle la très attachante relation platonique avec Lauren
Bacall. Formellement Don Siegel trouve donc une forme d’équilibre entre cette
patine passéiste dans le ton et une forme rêche et sanglante plus associée au
western américain des 70’s. Les rares joutes armées sont douloureuses,
sanglantes et sans héroïsme.
Il s’agit là de clore la légende, notamment pour
freiner les ardeurs de Ron Howard qui ne doit embrasser le même chemin après
avoir vu ce qu’est le crépuscule d’une vie par les armes. Don Siegel souligne la
dignité plutôt que le panache ou la virtuosité de Books dans le duel final. C’est
un bel adieu qui n’a pas la vertu picaresque et distanciée d’un Mon nom est personne ou la pâleur
tragique d’un Tom Horn (1980) où
Steve McQueen faisait ses adieux à l’écran dans les même conditions. On est
plutôt là à la hauteur du mythe, vieillissant mais toujours fascinant d’un John
Wayne qui disparaitra 3 ans plus tard.
Sorti en bluray français chez Sidonis et visible en ce moment à la Cinémathèque dans le cadre de la rétrospective Don Siegel
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