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dimanche 13 septembre 2020

Le Dernier des géants - The Shootist, Don Siegel (1976)


Atteint d'une maladie incurable, John Bernard Books (John Wayne), le dernier des professionnels légendaires de la gâchette, rentre calmement à Carson City pour recevoir des soins de son vieil ami le Dr Hostetler (James Stewart). Sachant que ses jours sont comptés, il trouve confort et tranquillité dans une pension tenue par une veuve (Lauren Bacall) et son fils (Ron Howard). Mais « Books » n'est pas destiné à mourir en paix...

 Le Dernier des géants est le dernier rôle de John Wayne au cinéma et constitue un adieu émouvant de la star à l’écran. En 1964 John Wayne est diagnostiqué d’un cancer du poumon (souvent attribué au périlleux tournage de Le Conquérant de Dick Powell (1956) près d’un ancien site d’essai nucléaire) qui le verra apparaître de plus en plus vieillissant et diminué dans ses rôles des années suivantes. Le Dernier des géants n’était pas un scénario spécifiquement écrit pour lui mais va totalement trouver un écho au destin de John Wayne. John Bernard Books est un pistolero légendaire, le dernier de son espèce et un vestige du passé en ce début de 20e siècle. Un cancer incurable vient ramener ce man out of time à sa vulnérabilité et l’expose aux désirs de gloire des jeunes loups et des ennemis revanchards d’antan. John Wayne désormais controversé pour ses opinions politiques douteuses (la réalisation de Les Bérets verts (1968) où il justifiait l’intervention américaine au Vietnam) et dépassé aux yeux du public avec l’émergence du Nouvel Hollywood, était donc également à la croisée des chemins.

Don Siegel en est parfaitement conscient dans son approche, notamment par cette ouverture évoquant les hauts faits d Books pour le spectateur du film, mais rappelant également l’aura légendaire de Wayne pour le cinéphile. Cette première scène est narrée en voix off par le personnage de Ron Howard, relai admiratif du spectateur et qui arrive à distinguer la légende au-delà du vieil homme souffreteux. Le regard admiratif du jeune homme exprime ainsi le fantasme d’un Ouest mythologique que Siegel met en lumière et désamorce à la fois. Cela passe par une forme de nostalgie et tendresse extra-diégétique quand Wayne croise le chemin d’autres vieilles gloires comme James Stewart (son partenaire de L’homme qui tua Liberty Valance (1961) notamment) mais aussi une autodérision désabusée.

Le personnage pleutre de l’US Marshall (Harry Morgan) se permet, après une première entrevue les jambes tremblantes, une désinvolture hilarante pour évoquer la disparition imminente de Books. C’est une démonstration verbale, avant celle de plus en plus concrètement physique, de la déchéance de notre héros qui n’est plus qu’une icône déchue et déclinante à abattre. Books a bien conscience de cela et va en accepter l’évidence inéluctable pour partir comme il a toujours vécu, les armes à la main. Sa fin ne sera ni celle des scribouillards opportuniste, ni celle d’antagonistes en quête de notoriété.

John Wayne a toujours su exprimer une forme de douceur bourrue et maladroite à ses personnages les plus virils, et cette fois en figure en fin de parcours il s’avère d’autant plus touchant. Cette conscience le rend une nouvelle fois d’autant plus touchant pour le spectateur que les protagonistes croisés telle la très attachante relation platonique avec Lauren Bacall. Formellement Don Siegel trouve donc une forme d’équilibre entre cette patine passéiste dans le ton et une forme rêche et sanglante plus associée au western américain des 70’s. Les rares joutes armées sont douloureuses, sanglantes et sans héroïsme.

Il s’agit là de clore la légende, notamment pour freiner les ardeurs de Ron Howard qui ne doit embrasser le même chemin après avoir vu ce qu’est le crépuscule d’une vie par les armes. Don Siegel souligne la dignité plutôt que le panache ou la virtuosité de Books dans le duel final. C’est un bel adieu qui n’a pas la vertu picaresque et distanciée d’un Mon nom est personne ou la pâleur tragique d’un Tom Horn (1980) où Steve McQueen faisait ses adieux à l’écran dans les même conditions. On est plutôt là à la hauteur du mythe, vieillissant mais toujours fascinant d’un John Wayne qui disparaitra 3 ans plus tard.

Sorti en bluray français chez Sidonis et visible en ce moment à la Cinémathèque dans le cadre de la rétrospective Don Siegel


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