Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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lundi 14 septembre 2020

Outrage - Ida Lupino (1950)


Une jeune employée de bureau, Ann Walton, ne cesse de fuir, tel un être traqué. Violée, à la veille de son mariage, elle sillonne les routes sans but précis. Une entorse à la cheville la cloue bientôt au sol et lui fait perdre connaissance. Elle est alors recueillie par un pasteur, Bruce Ferguson, qui tente de lui redonner goût à la vie.

Ida Lupino est une des rares femmes à être passée à la réalisation durant l’âge d’or Hollywoodien. Déjà actrice en vue, elle s’intéresse aux aléas de la production et de la réalisation et va ainsi monter sa compagnie The Filmmakers au sein de laquelle elle pourra lancer des projets de son choix. C’est lorsque le réalisateur d’un des films de la compagnie doit quitter le tournage pour raison de santé que Lupino le remplace à la mise en scène et signe son premier long-métrage  Avant de t'aimer (1949). Sa carrière est lancée et elle alternera sujet sociaux engagé et féministes avec des pépites du film noir comme Le Voyage de la peur (1953). C’est dans la première voie que s’inscrit Outrage qui traite frontalement de la question du viol et de la reconstruction après un tel traumatisme.

Le passif film noir d’Ida Lupino lui sert à amener brusquement le drame après un début de film idyllique où l’on fait connaissance avec la jeune Ann Walton (Mala Powers), son bonheur simple et les préparatifs de mariage avec son fiancé Jim (Robert Clarke). L’horreur s’invite sans prévenir un soir où Ann a fait quelques heures supplémentaires au bureau. L’environnement bienveillant et lumineux du jour laisse place à un dédale urbain étouffant, ténébreux et expressionniste à travers la photo stylisée d’Archie Stout. L’atmosphère suffocante réduit les espaces, allongent les ombres, et rapproche inexorablement la malheureuse proie Ann de son impitoyable prédateur, avant qu’il commette l’irréparable en hors-champs. 

Dès lors notre héroïne ne vivra plus que dans la peur. Peur du contact d’un homme en qui elle verra toujours un agresseur potentiel, peur du regard compatissant, inquisiteur ou honteux de son entourage qui la ramène sans cesse à l’horreur qu’elle a subie. Le seul choix est de fuir, loin de cet environnement et de cette identité qu’elle n’associe plus qu’à ce drame. Mais la distance géographique ne suffit pas à éloigner une douleur profondément intime. Mala Powers est formidable d’intensité par son jeu fébrile et à fleur de peau. On ressent vraiment cette terreur constante du monde extérieur, à la fois par la menace potentielle d’une nouvelle agression, mais surtout (et c’est bien le plus triste) par l’opprobre et la honte qui rejaillit injustement sur la victime et la fait paradoxalement se sentir honteuse.

Ida Lupino filme avec patience et douceur le retour à la vie de son héroïne, aidée par la bienveillance du pasteur Ferguson (Tod Andrews). On sent d’ailleurs ce regard féminin par l’absence de conventions du récit. Tout concours à un rapprochement et une romance naissante entre Ann et son bienfaiteur. Ce serait pourtant une nouvelle fois faire reposer son salut dans les bras d’un homme, et c’est bien par elle-même qu’Ann doit se reconstruire et reprendre sa vie en main. Lorsque l’histoire arrive au point où cette convention sentimentale doit se concrétiser, tout cela est désamorcé même si les sentiments réciproques de chacun sont plus ou moins décelables. Ferguson est d’ailleurs assez intelligemment caractérisé, un homme doux et bienveillant apte à réhabiliter son sexe aux yeux d’Ann, mais également (ou du moins se forçant à être) désintéressé, sa profession religieuse n’étant jamais un élément ostentatoire et mis en avant. Il s’agit avant tout d’un être charitable souhaitant aider les autres. Une œuvre passionnante donc qui aborde avec sensibilité et concision un sujet difficile. 

Ressort en salle en ce moment 

3 commentaires:

  1. Bonjour Justin, cela fait un bail que j'aimerais découvrir ce film, sais-tu s'il existe une édition dvd sous-titrée(en anglais ??)ou si une sortie est prévue chez un gentil éditeur français ??

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    1. Vu la ressortie en salle restaurée on peut s'attendre d'ici quelques mois à une belle ressortie dvd et/ou bluray. En attendant je n'ai pas trouvé d'édition française ou anglaise pour celui-là ! Mais la copie va circuler et peut-être une projection par chez toi !

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  2. Non, "Outrage" n'est pas prévu au programme du ciné Art & Essai de Pau... qui projette majoritairement des films récents, what a shame !!

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