Les couples cassés qui se rencontrent dans un environnement urbain marqué, voilà un leitmotiv des meilleurs films de Mike Figgis (Leaving Las Vegas (1995), Pour un nuit (1997)) que l'on retrouve dans ce galop d'essai qu'est Stormy Monday qui est un projet très personnel. Né au Kenya, Mike Figgis retourne à l'âge de huit ans vivre à Newcastle avec sa famille et y passera le reste de son enfance. La première passion de Figgis est la musique, arpentant les clubs de jazz de la ville durant son adolescence et menant plus tard une carrière de musicien au sein de divers groupes avec comme fait de gloire avoir joué du clavier pour Bryan Ferry. Tout cela est contenu dans Stormy Monday qui y ajoute une dimension de film de gangster. Le cadre de Newcastle ravive bien sûr le souvenir de Get Carter de Mike Hodges (1971), le plus fameux des polars anglais situé dans la cité nordique britannique.
C'est après avoir fait ses preuves avec The House (1984), téléfilm produit par Channel Four que Figgis obtient un modeste budget pour réaliser Stormy Monday. Le script va intéresser des producteurs américains qui amènent une plus-value prestigieuse avec le casting de Tommy Lee Jones et Melanie Griffith. Cet élément va amener une parenté supplémentaire par le personnage de malfrat américain en col blanc joué par Tommy Lee Jones, celle de The Long Good Friday de John Mackenzie (1980). On retrouve en effet cette opposition entre les gangsters américains arrogants venant faire sa loi dans une Angleterre qu'il considère arriérée et où il va se confronter aux pontes locaux. Ici ce sera Finney (Sting) patron d'un club de jazz qui gêne les ambitieux projets immobiliers de Cosmo (Tommy Lee Jones) qui va tenter de régler le problème avec toute la sournoiserie dont il est capable.
Cette facette policière n'est pourtant qu'une toile de fond au vrai sujet du film, la rencontre amoureuse entre les deux âmes solitaires Katie (Melanie Griffith) et Brendan (Sean Bean). Elle est l'âme damnée de Cosmo qui l'envoie coucher avec les notables locaux dont il recherche l'approbation, tandis que lui végète sans emploi ni avenir. Figgis travaille les petits hasards pour tisser à la fois cette trame amoureuse et le polar de façon à la fois candide (la bousculade de la première rencontre) et inéluctable pour installer le drame. On apprécie ce rapprochement fragile et naïf qui se fait très rapidement, sans dialogues appuyés et où l'on ressent par l'image et l'alchimie des acteurs le besoin des personnages de trouver une oreille pour les écouter, une épaule où poser la tête et des bras pour les enlacer. Cela passe par l'écrin très particulier que Figgis confère à sa Newcastle "natale", travaillant tour à tour les environnements gris et cotonneux où s'échappe le couple au petit matin, ou au contraire les intérieurs aux compositions de plans stylisée pour exprimer leur solitude - le montage alterné du réveil de Katie et Brendan. Par contre tous ce qui relève des club de jazz et des bars branchés gravitant autour fait preuve d'une sophistication où le réalisateur met en scène une sorte de Newcastle fantasmé gorgé de néons (qui rappelle un peu le travail d'un Neil Jordan pour Londres dans son Mona Lisa (1987)). Quel que soit le cadre, l'idée est cependant toujours pour le couple de s'isoler, physiquement ou simplement par la communion d'esprit et Figgis excelle à amener une connivence silencieuse. Les confidences sont rares et les personnages se comprennent instinctivement (superbe premier rendez-vous au bar), contrairement aux autres faisant passer leur volonté par la violence.Tommy Lee Jones est excellent en mafieux/entrepreneur carnassier où l'on sent le cap criminel changeant avec cette figure aux accointances politiques et financières. Face à la lui Sting est sacrément charismatique en dandy du cru malicieux capable de faire plier "l'envahisseur" plein d'assurance. Il a ses quelques moments de gloire comme l'accueil qu'il réserve au deux hommes de mains venus le malmener à son bureau. La nonchalance tranquille et l'élégance du personnage est un des gros atouts du film. Parmi les quelques défauts on signalera tout de même la bande-son jazzy (forcément) mais un peu trop marquée 80's composée par Mike Figgis himself (ce qui sera d'ailleurs le cas sur tous ses films) mais rehaussée par les standards du genre, c'est d'ailleurs le morceau de T-Bone Walker Call It Stormy Monday (But Tuesday Is Just As Bad) qui donne son titre au film.Quelques tics de mise en scène très marqués 80's (certains ralentis clippesques dans le mauvais sens du terme) gêne un peu ici et là mais dans l'ensemble le film a vraiment un cachet singulier pour la période. Sean Bean encore gauche et mal dégrossi est très touchant et Melanie Griffith absolument magnifique et tendrement vulnérable. Le film attirera la lumière sur Mike Figgis qui entamera une carrière américaine dès son second film. Et sinon le personnage de Finney aura tellement marqué les esprits qu'il aura droit en 1994 à une série TV en six épisodes (où il est joué par David Morrissey) faisant office de préquel aux évènements du film.Sorti en bluray et dvd zone 2 anglais chez Arrow et doté de sous-titres anglais
j'aime beaucoup ce film découvert sur Canal+ à l'époque.Je me souviens de Sting mais pas de Tommy lee Jones. Bonne ambiance. Polar un peu daté 80's toutefois.
RépondreSupprimerOui c'est ce que je dis dans le texte, quelques effets de style et une bande-son un peu trop ancré 80's mais ça n'enlève rien au plaisir de visionnage, plut^t une bonne découverte pour moi !
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