Dévoreur de pellicule monomaniaque, ce blog servira à commenter pour ceux que cela intéresse tout mes visionnages de classiques, coup de coeur et curiosités. Je vais tenter le défi de la chronique journalière histoire de justifier le titre du blog donc chaque jour nouveau film et nouveau topo plus ou moins long selon l'inspiration. Bonne lecture et plein de découvertes j'espère! Vous pouvez me contacter à justinkwedi@gmail.com, sur twitter et instagram

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vendredi 24 août 2012

Quels seront les cinq ? - Five came back, John Farrow (1939)


Douze personnes embarquent à bord d'un avion, le "Silver Queen", à destination de l'Amérique du Sud. Mais l'engin est pris dans une tempête et s'écrase dans un endroit situé dans les Andes, où vivent les Jivaros, les "réducteurs de têtes". Bill Brooks et son co-pilote Joe tentent de réparer l'avion. Henry Spengler, vieux professeur, s'aperçoit que le territoire, sur lequel ils ont atterri, est plus que dangereux. Si certains personnages s'adaptent à la situation, d'autres révèlent leur véritable nature...

John Farrow réalise là un remarquable ancêtre de film catastrophe avec ce Five came back. L'interprétation du solide casting et la construction limpide de l'intrigue donne même une fraîcheur appréciable à tout ce qui deviendra des poncifs du genre. Nous avons donc ici un équipage de douze passagers qui suite à une avarie de moteur et d'une violente tempête vont voir leur avion s'écraser dans la région des Andes. Dès lors à travers la difficile survie dans ce territoire hostile et alors que les pilotes tentent de réparer l'avion, les caractères de chacun vont se révéler dans l'adversité.

La première partie introduit brièvement et avec efficacité les différents passagers : un jeune héritier en fuite pour se marier avec sa secrétaire(Wendy Barrie et Patric Knowles), un vieux couple bougon en voyage (C. Aubrey Smith et Elisabeth Risdon), un homme accompagnant le garçonnet d'un ami en difficulté (Allen Jenkins), un policier et l'anarchiste qu'il escorte (John Carradine et Joseph Calleia) et une jeune femme pimpante qu'on suppose de mauvaise vie (Lucille Ball seule star du lot bien avant ses succès télévisés).

Si leurs natures sont brossés à gros traits par le dialogue (les échanges secs et amusant du vieux couple), les situations les introduisant (la tentative d'évasion de l'anarchiste) où leur image (le jeune couple presque niais dans le côté WASP propre sur eux), ce n'est que pour mieux développer la manière dont l'épreuve va les révéler à eux même. Nos retraités retrouvent ainsi leur énergie et leur complicité, la jeune délurée se découvre un instinct maternel afin de protéger le petit garçon tandis que l'héritier va révéler toute sa faiblesse de caractère alors qu'il doit pour la première fois se battre pour quelque chose.

On devine forcément la présence de Dalton Trumbo sur ce dernier point et les élans gauchistes du script, notamment avec le personnage de l'anarchiste ( Joseph Calleia absolument remarquable loin des rôles hispanique à gros traits qu'on lui a fait souvent jouer) qui en obtenant un sursis à l'exécution qui l'attendait s'épanouit dans cette communauté où comme le soulignera un dialogue chacun coexiste sans distinction sociale et apporte sa part à l'édifice. Ce sont finalement les figures d'autorités (le flic incarné par Carradine) et d'aisance sociale avec Patric Knowles qui feront vaciller l'équilibre paisible des rescapés.

Ces points de tension iront bien sûr en s'exacerbant lorsqu'interviendra le rebondissement final : faute de carburant, seul cinq passagers pourront embarquer tandis que pointe la menace d'indiens jivaros rôdant aux alentours. La conclusion est ainsi un superbe moment d'émotion entre la fin humble des sacrifiés acceptant leur destin et la lâcheté des autres suivant leur nature égoïste (la dimension politique se retrouvant dans la notion de mérite de ceux qui partiront). John Farrow aura remarquablement amené cette évolution tout en n'oubliant jamais de délivrer un vrai film d'aventure. Il fait des miracles pour recréer cette jungle foisonnante malgré son budget étriqué, Farrow faisant importer de vrais arbres dans son décor studio et travaillant énormément la bande-son afin de renforcer le réalisme et l'immersion dans ce cadre exotique (remarquable manière d'introduire les jivaros à la fin, digne d'un western et pleine de mystère dans l'esprit de la menace invisible qu'ils constituent tout le film).

De même les effets spéciaux des scènes de vols sont remarquables, on devine certes la maquette (du modèle Capelis XC-12 pour les férus d'aviation) mais le tout est parfaitement intégré et les scènes de heurts aériens, de crash et le décollage final sont vraiment palpitants et parfaitement filmés et découpés. Succès surprise pour la RKO, le film aura droit à plusieurs déclinaisons dans les années suivantes. Un remake mexicain intitulé Los que volvieron sera produit en 1948, Farrow en personne revisitera son film au sein de cette même RKO en 1956 avec Back from eternity (Robert Ryan, Rod Steiger et Anita Ekberg au casting) et plus étonnant l'intrigue sera reprise dans l'épisode The Galileo Seven/Galilée ne répond plus de la première saison de la série originale de Star Trek.

Inédit en dvd pour peu de temps encore puisque bientôt disponible aux Editions Montparnasse dans la collection RKO

Extrait

4 commentaires:

  1. Intéressant billet. Cela donne envie...
    Et effectivement, en le lisant, arrivée à la moitié, je voyais la silhouette de Mr. Spock se profiler devant moi... ;-) (excellent épisode, d'ailleurs, dans une série bien supérieure à sa réputation française !)

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  2. Bien d'accord en France on a retenu que le pyjama et le kitsch mais les histoires étaient inventives, les personnages charismatiques et l'univers passionnant ce qui s'est confirmé avec toute les déclinaisons. Sinon le film devrait sortir en dvd en septembre merci Montparnasse !

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  3. "Five came back" est un excellent petit film! Seul défaut, il est peut-être un peu court, mais c'est aussi pour cela qu'on ne s'ennuie pas un seul instant.
    Les personnages sont bien dessinés par des comédiens qui jouent avec conviction et la fin réussit effectivement à émouvoir.
    Chouette!

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  4. La courte durée c'est typique des productions à petit budget de la RKO mais l'avantage c'est que c'est rondement mené effectivement ;-)

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