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mercredi 7 novembre 2012

Meurtre sans faire-part - Portrait in Black, Michael Gordon (1960)


Sheila (Lana Turner) est la femme d’un homme riche et malade (Lloyd Nolan), qui s’est constitué une fortune considérable. Fatiguée de partager sa vie avec cet homme cruel, elle propose à David (Anthony Quinn), son amant mais aussi le médecin de son mari, un plan machiavélique : tuer son époux et profiter ensemble de sa richesse. .. Le plan marche à merveille jusqu’au jour où Sheila reçoit la lettre d’un inconnu la félicitant de la perfection de son crime. Un terrible chantage débute alors…

Le succès du mélodrame Peyton Place (1957), en plus de relancer totalement la carrière de Lana Turner contribua à refaçonner son personnage cinématographique aux yeux du grand public. Malgré des rôles plus fouillés comme dans Les Ensorcelés (1953), on se souvient finalement surtout de la vamp blonde apparaissant en petit short blanc dans Le Facteur sonne toujours deux fois (1946) ou de la vénéneuse Milady qu'elle incarna dans Les Trois Mousquetaires (1948). Le triomphe de Mirage de la vie de Douglas Sirk confirmera cette nouvelle image de Lana Turner en mère de famille au sex-appeal plus retenu, mature et dépassée par les évènements.

Portrait in Black est un film schizophrène et fascinant dans le sens où il croise les influences des deux "carrières" de l'actrice avec son intrigue de film noir façon Le Facteur sonne toujours deux fois (pitch identique une femme et son amant assassinent un époux gênant et en subissent les conséquences entre suspicion et culpabilité) et une pure imagerie issue des grands mélos des 50's avec Ross Hunter à la production, Russell Metty à la photo et Frank Skinner à la partition. Le modeste Michael Gordon n'est pas Douglas Sirk mais signe une mise en scène élégante et plutôt inspirée.

Le croisement de mélo et de film noir amène un certain embourgeoisement de ce dernier avec une ambiance urbaine quasi absente (quelques courts moments sur les docks ou dans les rues de San Francisco guère exploités) pour se concentrer sur les tourments de personnages nantis. Sheila est mariée depuis des années à un vieil armateur tyrannique (Lloyd Nolan) mais mourant. Tombée amoureuse de Rivera (Anthony Quinn), le médecin de son époux, elle vit dans l'attente de son trépas pour enfin vivre avec l'homme qu'elle aime.

Le départ prévu de Rivera à Zurich pour un nouveau poste va les pousser à franchir le pas pour ne pas être séparés, tuer le mari par un empoisonnement indétectable. Peu après les funérailles pourtant un mystérieux maître chanteur va les empêcher d'enfin savourer leur bonheur. L'intrigue criminelle s'orne de l'absence d'ambiguïté et du côté plus direct du mélo dans la dramatisation.

En une unique scène, Lloyd Nolan interprète ainsi un terrifiant époux jaloux et autoritaire bien que cloué sur son lit. A l'inverse Lana Turner et Anthony Quinn font figure d'amants maudits soumis à l'influence du mari et la justification du crime est acceptée tout naturellement par le spectateur qui ne montre pas le couple adultère et meurtrier comme coupables mais victimes. Il en sera de même tout le film alors que tout d'eux s'enfoncent plus loin dans les ténèbres pour masquer leur méfaits initial, toujours plus oppressés par le destin que réellement maléfiques malgré les meurtres et manœuvres pour se débarrasser de cadavre gênant.

Chacun des crimes est amenés de remarquable façon dans ce sens, un simple terrible échange de regard ainsi que la musique pesante de Frank Skinner annonce l'assassinat de l'époux gênant alors qu'une déchirante scène d'adieu a précédé, tout comme le rebondissement final arrive après une surprenante révélation. La galerie de seconds rôles accentue la paranoïa ambiante, entre le chauffeur accablé de dettes de jeu, la gouvernante asiatique taiseuse ou l'ancien associés du mari entreprenant avec la veuve.

 Sur la forme la photo de Russell Metty fait preuve de sa flamboyance coutumière mais les teintes chaleureuse du mélo 50's s'orne d'élans sombres et baroques exprimant la culpabilité de notre couple. On pense à la scène où Lana Turner se réveille d'un cauchemar et que toutes les ombres de la pièce semblent s'abattre sur elle, de ces éclairages rougeoyant sur le visage d'Anthony Quinn caché dans sa voiture et aussi des amants de plus en plus plongés dans la pénombre durant leur échanges au fil de l'avancée du film.

Le suspense fonctionne très efficacement et malgré quelques péripéties tarabiscotée (Lana Turner apprenant à conduire en cinq minutes et traversant tant bien que mal San Francisco et des autoroutes surplombant des falaises) cette dramatisation exacerbée est captivante, introduisant le rocambolesque du mélo dans la sécheresse du film noir. Le mélange prend oins quand on quitte Lana Turner et Anthony Quinn pour l'intrigue secondaire plus soap et peu passionnante de l'histoire d'amour entre Sandra Dee et John Saxon.

 Ces petits défauts sont largement rattrapés par une mémorable révélation finale qui rend pathétique autant que poignante tous les écarts franchis par les amants et teinte d'une ambiguïté plus prononcée le personnage d'une Lana Turner remarquable, Antony Quinn n'étant pas en reste (sa réaction quand il comprend le sens de ses crimes...). Belle réussite.


Sorti en dvd zone 2 français chez Studio Canal

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