Né de parents sourds et muets, Lon Chaney (James Cagney) est
rapidement devenu un prodige dans l'art de la pantomime. Alors qu'il se
produit dans un théâtre de la côte Est des Etats-Unis, sa femme (Dorothy
Malone) lui annonce qu’elle attend un enfant. Le couple décide alors de
tenter sa chance à San Francisco. Après la naissance de son fils et un
divorce, il travaille pour les studios Universal à Hollywood...
L'Homme aux mille visages
s'inscrit dans ce retour sur soi et nostalgie ayant cours dans le
cinéma hollywoodien, que ce soit dans une veine réellement acide avec
les classiques Sunset Boulevard (1950) ou Les Ensorcelés (1953) ou plus calibrée avec une série de biopics d'icônes comme Valentino
de Lewis Allen (1953) et donc le film de Joseph Pevney consacré à Lon
Chaney. Le film est produit par Universal, studio où Chaney fit ses
premières armes et connu la notoriété et le choix de James Cagney pour
l'interpréter est particulièrement judicieux tant son jeu physique et
expressif s'y prête. Lon Chaney c'est un destin romanesque à travers son
histoire personnelle mais aussi un mystère tant sa personnalité
s'effaçait derrière le transformisme de ses rôles, et il affirmait
lui-même que "entre les images, il n’y a pas de Lon Chaney".
Du coup
tout en suivant assez fidèlement la chronologie de son ascension, le
film se montre très romancé pour rendre plus dramatique ce mystère
Chaney, que ce soit dans la présence chaleureuse de James Cagney ou
certaines omissions et raccourcis dans les évènements. Ainsi on évoque
uniquement les films Universal de Chaney tout en décrivant sa relation
idyllique avec le patron du studio Irving Thalberg (alors que Chaney s'y
considérait sous-payé) alors que la star s'épanouira également en
partant à la MGM au contact de grands réalisateurs.
Malgré ces
facilités le film se montre intéressant dans sa vision de l'art et la
personnalité de Chaney. Ainsi son talent pour le pantomime né au contact
de ses parents sourds-muets est particulièrement bien vu, tout comme
son sentiment d'exclusion et attrait pour les figures monstrueuses et
marginales. Ces deux facettes se ressentent dans ces relations intimes, à
la fois chaleureuse et tumultueuse avec ses parents nourrissant cette
différence et sa première épouse Cleva (Dorothy Malone) rejetant le
handicap de sa famille et celui possible de leurs fils si le mal
s'avérait héréditaire. Le jeu quelque peu outrancier de Dorothy Malone
(la première rencontre avec les parents de Lon Chaney) et les situations
forcées font sentir les coutures grossières du biopic balisé mais
l'ensemble se laisse néanmoins suivre. L'aspect le plus réussi reste
l'observation du système studio et la manière dont Lon Chaney y fait sa
place.
Les débuts théâtraux de Chaney donne l'occasion à James Cagney
d'exploiter ses talents burlesques et de danseur (surtout vue dans des
comédies musicales comme le Prologue (1933) de Busby Berkeley) avant
de véritablement devenir Lon Chaney. Le brio de grimage et de mime
servira à se faire une place dans les emplois de figurants avant les
grandes créations que seront Quasimodo ou Le Fantôme de l'opéra. Une
scène est particulièrement puissante, celle où il joue est handicapé
miraculé dans The Miracle Man avec un Cagney passant de la souffrance
habitée à la décontraction en un clin d'œil sous les applaudissements
des figurants. Les quelques zones d'ombres fictives où réelle servent
aussi cette vulnérabilité de Chaney dans les ressorts dramatiques les
plus intéressants comme sa relation fusionnelle avec son fils. Joseph
Pevney filme l'ensemble sans génie mais avec professionnalisme et en
dépit des conventions ce biopic s'avère donc plutôt agréable à suivre.
Sorti en dvd zone 2 français chez Carlotta
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